Par ici, la sortie ...
Segpa ... Une classe formidable, ça existe aussi !
Finir en apothéose
Au risque de vous lasser, je n'ai jamais cessé de vous narrer les errements d'une classe ubuesque et d'aucuns, ici, ont jugé que j'étais un professeur aigri, épuisé, incapable sans doute. Je les laisse libres de ce jugement mais j'aimerais évoquer ma dernière journée avec une classe formidable, de celles dont on ne parle jamais, simplement parce qu'elle ne fait pas d'histoires, que le climat y est toujours détendu et que l'adulte y est écouté et respecté. Qu'il existe encore des classes de la sorte est un bonne nouvelle ; ne voyons pas tout en noir.
Cette merveilleuse classe que j'avais eu le bonheur de prendre en main dès son arrivée au collège, il y a quatre ans de cela, en étant leur professeur, un peu à la manière d'un enseignant du primaire, 18 heures par semaine, est arrivée au terme de son parcours. Par la grâce du calendrier, nous devions passer ensemble nos dernières heures et je voulais leur proposer une fin en apothéose, à l'aune du plaisir éprouvé à les retrouver chaque fois en cours.
J'en avais touché quelques mots aux représentants des parents d'élèves qui voulaient, eux aussi, marquer d'un geste financier, le départ sous d'autres cieux de ceux dont on avait toujours eu à se féliciter. Souvent - et il est nécessaire de le rappeler- les classes insupportables nous prennent tellement d'énergie qu'on en oublie celles qui se conduisent bien. Il ne fallait pas qu'il en soit ainsi ; manière peut-être d'envoyer également un message aux autres.
Ainsi donc, ce vendredi, la merveilleuse troisième allait vivre son voyage de fin d'année scolaire. Oh, non, ne croyez pas que nous avons dépensé des mille et des cents en d'extravagants voyages comme il s'en fait encore ! Avec des moyens qui ne relèvent pas de la discrimination financière et en exploitant au maximum les propositions de l'environnement direct, nous pouvions passer d'excellents moments. Étaient exclus naturellement les parcs d'attraction et autres pièges à argent qui ne devraient pas avoir leur place dans ce genre d'activité …
Le programme proposé ne comportait certes rien d'extraordinaire mais leur a pourtant permis de vivre une journée qui leur laissera un souvenir durable en ouvrant, une fois encore, de nouvelles perspectives. Partis en tramway vers le centre d'Orléans, nous avons visité une exposition d'artistes amateurs à la Maison des provinces et une incroyable installation de Sambre en la collégiale Saint Pierre le Puellier. La visite guidée de la Cathédrale qui venait ensuite , nous en a fait découvrir les endroits les plus secrets. A midi , pendant le pique-nique au jardin de l'évêché, les élèves ont bénéficié d'un concert dans le cadre du Festival de Jazz avant de découvrir la Loire sur une toue sablière (la seule activité payante au tarif raisonnable de 150 euros).
Comme vous pouvez le constater, rien de compliqué, aucun besoin de moyens disproportionnés. C'est simplement l'exploitation opportune des propositions du moment. Hélas, cela n'était pas vraiment légal puisque il aurait fallu qu'un conseil d'administration vote un projet présenté des mois à l'avance alors que rien encore n'était prévu. On mesure que tout est fait pour créer un carcan administratif dont nous ne pouvons pas nous libérer, à moins d'être un enseignant qui se refuse à rester dans les clous et qu'on laisse faire, fort heureusement.
Vous dire que tout s'est bien passé relève évidemment de l'évidence. Je ne souhaite pas vous raconter par le menu ce moment qui doit rester notre histoire, notre manière de nous quitter. Les élèves étaient conscients de vivre un moment exceptionnel ; lors du retour vers le collège, ils l'exprimaient par des mots simples qui font tant de bien au cœur. Vous dire si j'en fus touché ; ce sont ces instants privilégiés qui donnent encore assez d'énergie pour supporter les autres épreuves !
Pourtant, je me dois de vous narrer un petit rien, une broutille qui a légèrement terni mon plaisir. Non pas que cela se soit passé pendant notre sortie, celle-ci, je vous le répète, se déroula en tous points de manière extraordinaire, mais bien parce qu'elle révèle les failles de notre institution .Cette dernière, et c'est à déplorer, n'est pas constituée que de « hussards de la République ».
Le groupe ainsi pris en charge dès le matin, devait être sous la responsabilité d'un enseignant que j'ai bien du mal à considérer comme un collègue, tant nos conceptions du métier sont radicalement dissemblables. Ce brave monsieur prétendit ne pas avoir été mis au courant du projet selon l'adage bien connu : « il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ». Il profita de ce prétexte pour exiger de notre direction un papier certifiant que je prenais les élèves en charge à sa place. Les tatillons ont souvent ceci de particulier qu'ils couvrent leurs carences par des procédures réglementaires. Le plus surprenant c'est que, par dépit ou lassitude, il obtint son sauf-conduit.
Fort de ce précieux sésame, ce si consciencieux personnage, dès le jeudi soir, déclara aux élèves, le sourire aux lèvres, qu'il était en week-end. Naturellement, il ne s'était nullement demandé s'il pouvait être utile auprès d'une autre classe pendant ces heures qu'il devait au contribuable. Ce genre de scrupule n'avait pas dû l'effleurer un seul instant. Je lui souhaite de bonnes vacances et je lui fais don de mon absence définitive dans son cher collège. Travailler de la sorte est au-dessus de mes forces et bien en deçà des valeurs que je défends dans le cadre d'un métier qui relève d'abord de l'engagement personnel.
Franchement sien.
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