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Accueil du site > Tribune Libre > Pas de guerre pour l’Ukraine

Pas de guerre pour l’Ukraine

Parmi les "experts" qui foisonnent dans les médias, les pessimistes soulignent le danger de guerre internationale que pourrait déclencher la crise ukrainienne.

Je n'y crois pas, pour plusieurs raisons.

Du côté russe, contrairement aux clichés des campagnes de propagande américaine, Moscou n'a pas le virus de la conquête impériale. Poutine ne cherche pas à investir des territoires, à coloniser un nouveau bloc. Il s'inquiète des empiètements de l'OTAN, de l'encerclement militaire de son pays, des subversions financées chez ses voisins. Sa politique est à dominante défensive. Il n'attaque pas, il riposte. Il se protège. Agressé par Saakashvili en Georgie, il a répondu sur le terrain. Au "bouclier antimissile" de l'OTAN monté en Pologne et en Roumanie, soi-disant comme précaution contre l'Iran mais en réalité à visée anti-russe, il a opposé des missiles Iskander à Kaliningrad. Menacé d'une annexion de l'Ukraine par l'Union européenne, en vue d'une incorporation à l'OTAN, il a réagi en reprenant possession de la Crimée, une région stratégiquement importante qui lui appartenait déjà. Rien de tout cela n'est offensif.

Ayant récupéré son bastion en mer Noire, peu vulnérable aux prudentes "sanctions" de ses adversaires en raison de ses moyens de les contrer, conscient de la fragilité du gouvernement de marionnettes mis en place à Kiev, il n'a aucune raison de faire la guerre à qui que ce soit si on cesse de fourbir des armes sous son nez.

Du côté américain, Washington poursuit toujours son rêve de domination mondiale, mais Obama a de moins en moins la capacité de l'imposer. Sa puissance financière dépend du bon vouloir de la Chine qui, en bonne orientale, attend tranquillement que l'Occident se désagrège. Sa puissance militaire, mise à l'épreuve par l'étendue même de son ambition, risque d'être émoussée par un nouveau conflit. Il a besoin de l'aide de Moscou dans le Proche-Orient, pour modérer les ardeurs belliqueuses d'Israël et canaliser l'équipement nucléaire de l'Iran, ou pour arriver à une solution du problème syrien. Il sent que ses alliés britannique et allemand marchent sur des œufs dans la basse-cour de Poutine, par peur de compromettre leurs fournitures énergétiques et la bonne marche des échanges internationaux. En fait, il est dans un régistre de feinte indignation vociférée le plus fort possible pour éviter les provocations sérieuses, comme dans les affrontements de matamores qui se défient bruyamment sans la moindre envie d'en venir aux mains. Autrement dit une rhétorique de réaction au fait accompli, où l'on hurle qu'il est inacceptable avant de l'accepter.

L'Europe enfin doit ménager les besoins énergétiques de plusieurs de ses composants, les intérêts financiers de la City et les contrats militaires de la France. Il faut "calibrer la riposte", selon la formule diplomatique, de façon à permettre à tout moment la "reprise du dialogue".

Ce qui signifie que le dénouement de la crise ukrainienne ne se trouve pas dans la poursuite de la fanfaronnade occidentale qui s'éteindra d'elle-même devant les précautions de Washington et les dissonances européennes, supprimant du même coup les risques d'éruption généralisée. Inutile de préciser que le trio français de guerriers en fauteuils – Hollande-Fabius-BHL – n'est pas compris dans le déroulement du scénario. Ils ne sont même pas grotesques, ils sont inexistants. Personne ne leur demande leur avis, car on n'imagine pas qu'ils puissent en avoir un de rationnel (ce qui ne les empêche pas d'éructer fiévreusement leur russophobie en serrant leurs petits poings, leur rage débile n'entraînant que quelques Polonais).

Non. Le vrai problème consiste à inventer le moyen de sauver la face des néo-cons imprudents de la Maison Blanche qui ont asticoté l'ours slave et ont été pris au piège de leur tentative d'annexion. Ils ont voulu "atlantiser" l'Ukraine au mépris de son histoire. Maintenant il faut qu'ils se dégagent de l'opération sans paraître ridicules.

J'ai évoqué il y a plusieurs semaines une façon de le faire qui pourrait être adoptée. C'est la remise du pouvoir de Kiev à Iulia Timochenko. L'issue n'est pas morale bien sûr – l'ex-adversaire de Yanoukovitch étant elle-même un solide exemple de pourriture politique – mais elle est réaliste en ce qu'elle conviendrait à tout le monde. Poutine avait financé la campagne électorale de la dame aux tresses en 2010, ce qui suggère des relations utilisables ayant pu se maintenir, et la possibilité de s'accorder sur un fédéralisme sauvegardant les intérêts russes à l'ouest du pays. D'où un arrêt du soi-disant "expansionnisme" du Kremlin, satisfait d'avoir récupéré la Crimée et d'être en mesure d'empêcher l'intégration de ses frères du sud à l'OTAN. Obama à son tour, entouré de sa cour de satellites européens, pourrait se vanter d'avoir intimidé Poutine par ses sanctions et se parer du mérite d'avoir préservé l'indépendance du pays. Sur place, on virerait quelques figurants fachos pour améliorer l'image du règlement.

Si Timoshenko met un bémol à ses divagations anti-russes, et se résout à rassurer Poutine, l'arrangement est possible. Il conforterait l'illusion que les grands font preuve de bon sens. "Embrassons-nous Folleville", la paix est sauvée, les incendiaires sont blanchis, le système retrouve un certain équilibre. Ce serait évidemment le triomphe du mensonge au sommet, comme d'habitude, dans le mépris total des peuples intéressés, mais c'est une porte de sortie. Ceux qui se voyaient en 1938, atteints par la bave d'un Hitler rouge, en seraient pour leurs frais. La guerre n'aura pas lieu. 

En attendant que les cow-boys de Washington allument la mèche d'une nouvelle explosion.

Louis DALMAS.

Directeur de B. I.


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16 réactions à cet article    


  • La râleuse La râleuse 22 mars 2014 13:16

    Bonjour Monsieur Louis Dalmas,

    Je ne suis nullement experte mais citoyenne lambda et je crains effectivement la possibilité d’une guerre déclenchée à cause de la crise ukrainienne. 

    Non pas que je sois influencée par « les clichés de propagande américaine », non pas que je suppose des envies de colonisation de la part de Poutine, mais comme je l’écris dans une chronique publiée hier sur l’agora, à cause de l’ego surdimensionné de Poutine qui pourrait très bien se lasser des rodomontades des bellicistes européens et états-uniens et perdre patience au point de s’en fâcher.

    Toujours est-il que votre article, sans aller jusqu’à me convaincre, a le bénéfice de me rassurer aussi l’ai-je approuvé avec plaisir.

    En vous souhaitant un bon week-end


    • bakerstreet bakerstreet 22 mars 2014 13:24

      J’ai écouté Hélène Carrère d’Encausse ce matin, sur france culture. Ca fait du bien d’entendre une spécialiste de la Russie calmer le jeu : « Non ils n’ont pas annexé la Crimée, ils l’ont simplement récupéré ! »....Face à un journaliste belliciste, reprenant tous les clichés rapportés par les médias.

      Je suis d’avis moi aussi qu’il n’y aura pas d’après...
      .Le seul risque viendrait de l’Ukraine tentant de faire dans la surenchère, ou la manipulation....
      Mais qui ira se battre pour Kiev, cent ans après Sarajevo ?

      • Tartine et Voltaire Tartine et Voltaire 22 mars 2014 13:54

        entièrement d’accord avec vous ! et en période de scrutin municipales en France, croyez moi que cette histoire va impacter vivement dans les urnes. Stupides Fabius et consort ! ils se croient encore sous l’égide de bush et mitterand le va t en guerre ! çà ne vous rappelle pas la première guerre du golfe vous ??


        • Rensk Rensk 22 mars 2014 14:55

          Votre partie finale me montre que vous ne lisez pas assez ; la blonde aux tresses n’est pas ce que vous nous prétendez d’elle ici... Très loin de là !

          (Ne pas lire assez = rester dans le monde francophone ?)


          • ELCHETORIX 22 mars 2014 16:10

            Bonjour , d’accord sur l’essentiel avec votre analyse sauf pour l’option de la « blonde » aux fausses tresses qui fait partie de l’ethnie qui n’existe pas et qui a volé le peuple UKRAINIEN en millions de dollars .
            Comme escroc emprisonnée en tant que tel elle ne doit pas être éligible !
            Puis l’UKRAINE est le berceau slave de la Sainte RUSSIE , par conséquent jamais , au grand jamais cette UKRAINE ne doit rejoindre cette UE honnie !
            RA.


            • filo... 22 mars 2014 17:26

              « ...le trio français de guerriers en fauteuils – Hollande-Fabius-BHL – n’est pas compris dans le déroulement du scénario. Ils ne sont même pas grotesques, ils sont inexistants. Personne ne leur demande leur avis... »

              Ceci est bien vrai. Même le président chinois qui a téléphoné récemment à Merkel et Cameron pour exprimé sa position sur la crise ukrainienne ; il a complétement « zappé » votre président Hollande. 

              Quant aux vraies raisons de cette crise je verrais essentiellement 2.

              1. Justification de bouclier anti missile américain. Maintenant ils peuvent, selon eux, démontrer existence d’un vrais danger russe. Les pays ou vont se faire ces installations supporteront entièrement des frais. C’est le prix à payer d’une « Pax Americana » La Pologne a déjà accepté. Les autres suivront. Surtout quand des miliards de Dollars sont en jeux.
              2. J’ai l’impression qu’Obama s’est mis dans un sale pétrin avec ces écoutes tout azimut. Et il risquerait maintenant une destitution. La procédure aux USA se met lentement en branle. Alors Ukraine=diversion.

              • almodis 22 mars 2014 18:07

                bien vu , Filo@ !

                ceci dit , le Steinmeier , Ministre allemand des Affaires étrangères ( voir vidéo ci dessus ) n’est pas mieux que le ridicule trio français ! et il n’a ni lu ni écouté le discours de Poutine ...

                discours qui dit le contraire , exactement ! alors , mourir pour Sébastopol ?

                « plutôt rouges que morts » disait on dans ma jeunesse... 


                • César Castique César Castique 22 mars 2014 18:59

                  Le problème, ce n’est pas la Crimée ! Le problème, c’est le refus de Poutine d’entrer dans le moule du Nouvel Ordre Mondial, dont l’U.E. n’est que la servile avant-garde européenne, elle qui entend désormais réduire sa dépendance énergétique à l’égard de la Russie, alors qu’elle n’a jamais exprimé le même souci à l’égard de pays où règnent une barbarie honteuse et des moeurs mafio-archaïques.


                  Il y a, comme ça, des signes qui ne trompent pas

                  • alinea Alinea 22 mars 2014 20:20

                    Oui, je pense bien qu’une guerre Occident Russie+ alliés n’est pas pensable ; tant mieux. En attendant il est fort possible que l’Ukraine, elle, soit à feu et à sang ! on peut penser aux Ukrainiens, et serrer les pouces pour que leurs difficultés quotidiennes, déjà inouïes, de s’alourdissent pas d’une guerre civile ! Déjà la Syrie, on ne parle même pas de l’état de l’Irak ni de l’Afghanistan- c’est comme si on s’habituait- en plus l’Ukraine ; rien ne va bien en Turquie non plus !
                    Arrêtons le massacre !!


                    • Jacques_M 22 mars 2014 22:10

                      Bonsoir Alinea.
                      Complètement d’accord avec vous.


                    • Abou Antoun Abou Antoun 24 mars 2014 11:30

                      En attendant il est fort possible que l’Ukraine, elle, soit à feu et à sang !
                      Bonjour Alinea,
                      Oui, il y a le précédent yougoslave et beaucoup de points communs. Mais à ce moment la Russie était au creux de la vague sans pouvoir aider efficacement la Serbie. La donne a changé. Pour le moment il y a des signes inquiétants, l’armée ukrainienne est en train de se scinder (scénario libanais).


                    • wesson wesson 24 mars 2014 11:22

                      Bonjour M. Dalmas,

                      votre approche est séduisante, et il est assez juste de penser que les diplomaties significatives (c’est à dire, pas nos margoulins) sont en train de chercher un moyen de se dégager de là sans perdre la face. Je rajoute que pour cela, la Russie est toujours pragmatique, et ne leur mettra pas de poignard dans le dos.

                      Et pourquoi pas Timochenko, ou peut-être même un ou une autre de son parti qui soit un peu moins marqué par l’affairisme, car il ne faut pas oublier que ce qui initia le mouvement de Maidan n’est pas le désir de plus d’Europe, mais la volonté d’en finir avec une corruption trop importante.

                      Mais il y a deux écueils difficilement contournables : Des élections réellement libres, et la réalité du pouvoir.

                      Des élections, actuellement plus personne ne les évoque à Kiev, et personne ne fait seulement mine d’y penser ou de les préparer. Un gouvernement ne sera légitime qu’à l’issue d’une élection dans laquelle tous les parti pourront participer. Et c’est assez mal engagé, vu que le parti communiste et le parti socialiste ont été interdit par Kiev.

                      Et la réalité du pouvoir est actuellement dans les mains de l’extrême droite dont il est bien difficile de savoir si elle est néo-nazi ou « seulement » ultra-nationaliste. Ils trustent actuellement tous les postes liés à la sécurité - armée, intérieur, jusqu’à même avoir créé un « ministère de la lustration », qui est juste une manière de cacher la purge qu’il entendent mener. Ces gens là se savent minoritaire, et une élection libre les chasseraient du pouvoir. Il est très improbable qu’ils se laissent faire.

                      On s’est mis dans une mouise sans nom en soutenant ce gouvernement d’aventuriers, qui n’as dans les fait que assez peu de pouvoir dans le pays (alors que de toute évidence l’armée ne lui obéit pas). Je vois très mal une sortie par le haut de cette histoire, d’autant que c’est visiblement l’Europe qui est la plus en pointe dans la Russophobie primaire. Et sur place, la propagande tourne à plein régime sur le thème de « L’Europe et les USA paieront » et « Tout ça c’est de la faute à la Russie ».


                      • Abou Antoun Abou Antoun 24 mars 2014 11:26

                        Inutile de préciser que le trio français de guerriers en fauteuils – Hollande-Fabius-BHL – n’est pas compris dans le déroulement du scénario. Ils ne sont même pas grotesques, ils sont inexistants
                        Et par la même ils ridiculisent notre pays. Gouvernement de bouffons !


                        • Abou Antoun Abou Antoun 24 mars 2014 11:38

                          S’il existe un risque, il ne peut venir que des extrémistes du Maïdan. Plutôt que d’être rejetés aux poubelles de l’histoire, dont il ne serait jamais sortis sans la bienveillance occidentale, ils peuvent, avec l’appui de la Pologne, préférer lancer le pays dans la guerre civile par des attaques ciblées contre les minorités russes ou pro-russes à l’ouest. Poutine serait alors obligé de soutenir une contre-offensive à partir des provinces de l’est. Ce scénario est redouté par les citoyens russes et peut-être aussi par le gouvernement de Poutine qui souhaite plutôt calmer le jeu après la récupération de son bien.


                          • epicure 24 mars 2014 22:10

                            effectivement quand on lit cette interview (en anglais) on se rencontre que dans les maidans, il y en a qui sont prêts au pire , en accord avec les américains, pour arriver à leur fin :

                            http://rt.com/op-edge/mercenaries-at-maidan-ukraine-558/

                            C’est des mercenaires soutenus par certains leaders maidans dont un se retrouve à la sécurité nationale, qui aurait fait le massacre le 20 février. Massacre qui a justifié le renversement du président et la prise de pouvoir. La boucle est bouclée, circulez il n’y a rien à voir.


                          • wesson wesson 25 mars 2014 01:35

                            Bon ben voila, Tymoshenko comme lien avec les Russes et pour apaiser la population Russophone, c’est râpé...

                            Aux Ukrainiens Russophones de l’Est, elle veut se les faire à l’arme atomique...

                            Bref, je crois que ça ne va pas le faire...

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