Portrait en miroir
Ne t'en prends pas au miroir si tu as la gueule de travers
(Не пенись на зеркало если крива рожа ; proverbe russe)
Le Français type, vu par les hommes politiques
On a beaucoup glosé sur les récentes déclarations d'Emmanuel Macron à propos des « gens qui ne sont rien » : « […] une gare, c'est un lieu où l'on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien » (inauguration de la Station F à la Halle Freyssinet pour la "start-up nation" [sic] le 29 juin 2017). Cette déclaration a été perçue comme un signe de mépris envers une grande partie de la population – ceux qui justement ne réussissent pas.
Mais Emmanuel Macron ne constitue pas un exemple unique, et le dédain envers le citoyen électeur est devenu une solide tradition chez les hommes politiques français. De Gaulle traitait déjà les Français de « veaux » (depuis, ils sont devenus des vaches à lait). Cela donne une idée du tranquille mépris dans lequel De Gaulle tenait les citoyens.
Petit florilège des insultes et injures de la part de la classe politique :
1. Les Français sont des cons
Georges Frêche : « La politique c’est une affaire de tripes, c’est pas une affaire de tête, c’est pour ça que moi quand je fais une campagne, je ne la fais jamais pour les gens intelligents. Des gens intelligents, il y en a 5 à 6 %, il y en a 3 % avec moi et 3 % contre, je change rien du tout. Donc je fais campagne auprès des cons et là je ramasse des voix en masse » (cité par The Huffington Post – et autres media, 09.03.2009). Conclusion : il y a environ 95 % de cons en France. Pas étonnant qu'on élise des incapables.
Daniel Cohn-Bendit, interviewé par un journaliste. Le journaliste : « Vous avez dit que Sarkozy prend les Français pour des imbéciles ». Cohn-Bendit : « Je n'ai pas dit ça ; j'ai dit que Sarkozy prend les Français pour des cons » (A2, 18.08.2010, 07 h 50). De l'avis de l'auteur, Daniel Cohn-Bendit n'est pas loin de prendre lui aussi les Français pour des cons (Bendit ?)
Hervé Morin interviewé par Oumma . com le 23.10.2010 : Pour ce qui est de l'armée française, je peux vous garantir que les prescriptions, les ordres qui sont donnés, c'est de faire en sorte qu'on évite les dégâts collatéraux.
Oumma : Vous savez que, selon les sondages, les Français sont majoritairement défavorables à l'intervention militaire en Afghanistan.
Hervé Morin : Oui, je sais bien parce que, parce que c'est difficile d'expliquer à des cons...à des...à des...à des hommes et des femmes qui...euh... quune partie de leur sécurité se joue à 7 000 kilomètres de chez eux !
Des cons ? Des contribuables (qui financent par leurs impôts une guerre stupide et inutile) ? Ou des consommateurs, des concitoyens, des conchyliculteurs ? Va savoir !
1 bis. ce sont même des pov'cons
Nicolas Sarkozy, en visite officielle au Salon de l'agriculture le 23 février 2008, lança « Alors casse-toi, pov'con ! » à une personne qui avait refusé sa poignée de main en déclarant : « Ah non, touche-moi pas ! Tu me salis ! » Une façon de suggérer que les hommes politiques ont les mains sales ? Il faut en tout cas reconnaître que l'ancien président maîtrisait totalement le langage de la rue.
2. Les Français sont des connards
Daniel Delomez, maire de la commune d'Annezin (Pas-de-Calais), dépité que Marine Le Pen recueille 38 % des voix pour le premier tour de la présidentielle en avril 2017, avait déclaré « Il est possible que je démissionne car je ne veux pas consacrer ma vie à des connards ». Georges Frêche estimait qu'il y avait 94 ou 95 % de cons ; Daniel Delomez estime qu'il y a 38 % de connards. On progresse, on progresse.
Georges Frêche, encore lui, parlant des dons qu'il faisait en tant que président de région : « Je donne des livres gratuits dans les lycées. Vous croyez que les connards me disent merci, ils disent non ils arrivent en retard, comme si c’était ma faute parce que l’appel d’offres n’avait pas marché et que donc il y avait quinze jours de retard dans la livraison » (propos enregistrés en 2008). Mais là, comme il s'agit de jeunes connards, il n'y a que demi-mal.
3. Les Français sont des imbéciles
Bernard Tapie déclarait en avril 1986 : « La limite des démocraties est que la politique est contrainte d'agir toujours dans le sens de la majorité, alors que la majorité des gens sont des imbéciles ». C'est clair : la majorité des citoyens qui composent la démocratie sont des imbéciles. Pas étonnant, encore une fois, qu'ils élisent des incapables. Vivement le rétablissement de la royauté !
4. Les Français sont des ploucs
Quant à l'A.F.P., elle attribue au président Sarkozy cette déclaration : « Selon vous, "Mon électorat est populaire, ce sont des ploucs". » (Nouvel-Obs . com, 21.10.2016) [propos démentis par la suite]. Qui, de l'A.F.P. ou du président Sarkozy, pense que les électeurs de Sarkozy sont des ploucs ?
L'aspect « plouc » a été rendu par le « gesticule » – pour employer le langage de Coluche – dépassant du slip de l'homme-portrait, rappelant ainsi le « gros dégueulasse » de Reiser. Il est vrai en tout cas que la tenue vestimentaire de certains élus (ceux de La France insoumise, par exemple) rappelle celle des ploucs.
5. Les Français ont le sang pourri
Témoignage direct : … habituée à être le centre du motif, l’épouse [Carla Bruni] du président [Sarkozy] crut devoir enrichir sa contribution au débat : si les Français en général manifestaient une déplorable et fâcheuse tendance à l’entre-soi et au repliement frileux, c’était le huis clos de l’endogamie qu’il fallait, d’après elle, incriminer, ce « vieux sang pourri » qui ne se renouvelait pas et, pis encore, refusait de se renouveler. La régénération viendrait de l’apport de sang neuf des populations immigrées, évidence dont il ne fallait pas douter et que l’on devait acclimater, à toute force, dans la tête du retardé global qu’était le prolétaire hexagonal. [...] La diversité n’était plus un processus d’acculturation à la marge librement consenti de part et d’autre, mais une obligation, c’est-à-dire un facteur de déculturation ou, si l’on préfère, d’insécurité culturelle imposé d’en haut à une population de souche à laquelle, à aucun moment, on ne demandait son avis. Etait-ce donc là le prix à payer pour se débarrasser du « vieux sang pourri » qui répugnait tant à la Première dame de France ? (Patrick Buisson, La Cause du peuple). (On a rendu le côté « sang pourri » sur le dessin par une peau d'apparence malsaine).
Il y a actuellement à la télévision française une campagne pour recueillir du sang frais pour les transfusions sanguines afin de faire face aux fortes demandes dues aux accidents de la route. Il est donc formellement déconseillé aux Français qui ont un « vieux sang pourri » (les Français de souche) de faire don de leur sang.
6. Les Français sont à vomir
Henri Guaino, éliminé dès le premier tour dans la 2e circonscription de Paris pour les législatives de 2017, a manifesté son écœurement en déclarant que « l'électorat qui a voté dans ma circonscription à Paris est à vomir ». Il a traité au passage les électeurs de « bobos égoïstes » et de « pétainistes ». Peut-être qu'Henri Guaino a pensé que les électeurs en question avaient trempé leur bulletin de vote dans une solution d'ipéca ? Ou a-t-il la luette délicate ? En tout cas, vous voilà avertis : tous ceux qui ne votent pas pour lui sont des bobos et des fachos. Ils le font gerber.
7. Les Français sont des sans-dents
« Il [François Hollande] s'est présenté comme l'homme qui n'aime pas les riches. En réalité, le président n'aime pas les pauvres. Lui, l'homme de gauche, dit en privé : 'les sans-dents', très fier de son trait d'humour », avait lâché Valérie Trierweiler. […] « Je lui ai dit [à Valérie Trierweiler] : 'je vois les gens qui viennent vers moi dans les manifestations, ce sont des pauvres, ils sont sans dents'. » (Le Nouvel-Obs . com, 12.10.2016, d'après le livre de V .T. Merci pour ce moment). Voilà qui ne manque pas de mordant de la part d'un soi-disant socialiste.
8. Les Français sont des alcooliques et sont victimes du tabagisme
Emmanuel Macron, lors d'une visite à Hénin-Beaumont dans le nord de la France le 13 janvier 2017, avait affirmé que « l'alcoolisme et le tabagisme se sont installés dans le bassin minier ». Les Français sont-ils, d'une part, condamnés à boire du Caca cool, dont on ne saurait que chanter les vertus et les bienfaits, nocifs pour la santé ? Et, d'autre part, E. M. a-t-il fumé la moquette pour affirmer que le tabagisme sévit dans le nord de la France ?
9. Les Français sont des illettrés
Emmanuel Macron – encore lui – en septembre 2014 avait déclaré qu'« il y a dans cette société (les abattoirs Gad) une majorité de femmes, il y en a qui sont pour beaucoup illettrées ». Sympa, le mec, pas macho pour un rond ! Ces femmes font sans doute partie des 12 ou 15 % de Français(es) qui n'ont pas eu leur bac.
Richard Ferrand a lui aussi été épinglé pour avoir employé son fils quelques mois comme assistant parlementaire en 2014. L’entourage du ministre de la Cohésion des Territoires [sic] a avancé comme argument pour justifier cette embauche suspecte qu’« il n’était pas simple de trouver en Centre-Bretagne un jeune qui sache lire et écrire correctement ». Madame Belkassem et monsieur Peillon, anciens ministres de l'Éducation dite nationale, ont dû apprécier.
10. Les Français sont des fainéants
Le 27 mai 2016, alors qu'il était ministre de l'Économie, Emmanuel Macron – encore et toujours lui – à Lunel a vertement critiqué un ouvrier en lui balançant que « le meilleur moyen de se payer un costard, c'est de travailler », le traitant ainsi implicitement de fainéant. Ce à quoi l'homme apostrophé répondit : « Ça fait quarante ans que je travaille » – soit beaucoup plus que l'âge d'E. M. qui n'avait pas encore quarante ans à l'époque des faits.
11. Les Français sont des pauvres et des gens de rien
Le 15 octobre 2014, Emmanuel Macron – décidément omniprésent dans ce petit compendium – a avancé que le transport en autocar pouvait « bénéficier aux pauvres qui voyageront plus facilement ». La France, une nation de pauvres ? Ou veut-on nous déconseiller de posséder un véhicule individuel ?
On a signalé plus haut ces paroles du même Emmanuel Macron : « […] une gare, c'est un lieu où l'on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ». Hé oui, monsieur le Président, tout le monde ne peut pas être né de la cuisse de Jupiter, ou plutôt de la cuisse d'un président « jupitérien ». En tout cas, le lecteur conviendra aisément qu'E. M. est l'homme le plus important du monde, après le pape et Donald Trump.
Alain Juppé, lui, envoie balader les Français : candidat à la primaire de la droite, il a dit sur France 3 (octobre 2016) emmerder ceux qui le jugent trop ennuyeux et conventionnel. C'est agréable de constater qu'un homme politique confond élections et déjections.
Quant à la députée Michèle Obono (La France insoumise), elle a signé une pétition en 2012 pour défendre le groupe rap Z.E.P. et sa chanson polémique « Nique la France » au nom de la « liberté d'expression » [sic]. Nous voilà fixés quant aux valeurs qu'elle défend. Français(es), vous êtes niqab-les.
Certains hommes politiques ont d'autre part une curieuse conception de la démocratie : « La démocratie, en soi, reconnaissez que c'est quand même un peu gazeux comme concept » (Pierre Moscovici, entretien avec Natacha Polony). La démocratie réduite à des flatulences ? P.M. a-t-il pété… les plombs ?
Lors du référendum de 2005, malgré les 55 % de NON de la France au traité pour la Constitution européenne, une révision de la Constitution française a permis la ratification du traité par la voie parlementaire. En trahissant ainsi la confiance des Français, la classe politique apparaît sans foi ni loi.
Alors quelle solution ? Ne pas voter, ou alors voter blanc ou nul ? Malgré ce, avec 15 ou 16 % des suffrages – un maigre pourcentage – Emmanuel Macron a été élu et s'impose à l'Assemblée ; on pourrait dire qu'il fait figure d'usurpateur. On observe ainsi une constante chez nombre d'hommes politiques : le mépris de l'électeur et du citoyen. Mais on ne s'attire jamais la sympathie des autres en les méprisant car, comme le disait Talleyrand : « Le mépris devrait être le plus secret de nos sentiments ».
Mais, que l'on ne s'y trompe pas. Le portrait dressé plus haut, somme des différentes insultes adressées par les représentants de la classe politique envers les citoyens, apparaît comme un portrait en miroir. La psychanalyse nous a appris que les injures et insultes ne sont en fait que la projection de ce qu'on ne veut pas ou qu'on ne peut pas voir en soi-même. Ce Français con, moche, à vomir, méprisable, C'EST VOUS, hommes politiques, c'est vous – ne vous en déplaise ; c'est sur vous que vous crachez quand vous nous insultez.
R. Rongier
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