Pourquoi faudrait-il encore ajouter des années d’école en France ?
"L'école met plus d'énergie à cacher l'état dans lequel elle se trouve qu'à tenter d'améliorer ses résultats"
Jacques Julliard, 2006
Ce n'est plus un secret pour personne mais notre école publique s'affaisse chaque année un peu plus.
Nous sommes passés des bons élèves dans les années 60, au groupe des moyens depuis les années 80. Si rien ne change nous parviendrons sans attendre très longtemps à rejoindre le groupe des cancres.
Non seulement les résultats de notre économie et les classements internationaux (en français, en sciences, en lecture, en écriture, en culture générale) ne laissent guère douter de la pente sur laquelle nous sommes engagés mais les pouvoirs publics au lieu de remettre à plat le système semblent vouloir entraîner tout le pays dans une fuite en avant d'autant plus dangereuse pour notre futur économique et social que jamais la culture et l'éducation (de qualité) n'ont aussi vitales pour l'avenir des individus, des entreprises et de notre société toute entière.
Pourquoi l'instruction publique dysfonctionne-t-elle à tous les niveaux dans notre pays ? (depuis la maternelle jusqu'à la fac en passant par l'apprentissage et la formation)
1) Trop d'école a d'ores et déjà tué l'école : Des théoriciens l'avaient annoncé dès la fin des années 60 (nous pensons à Ivan Illitch notamment) mais dans les pays riches le développement continue et à outrance du système scolaire apporte bien plus de désagréments que d'avantages (loi des rendements décroissants)
Les conséquences de l'actuel trop plein d'école sont évidentes
- un dégoût prononcé et de plus en plus fréquent pour l'école.
Plus grave encore ce dégout qui marginalise de plus en plus de personnes (2 millions d'illettrés au travail, 2 millions de jeunes NEET, des personnes âgées et des étrangers peu instruits) empêche nombre de ces personnes d'apprendre tout au long de la vie (on ne peut cntraindre un individu à apprendre, qui plus est s'il est adulte et aujourd'hui des millions de personnes sont sans éducation ni la moindre envie ini appétence pour reprendre des études)
- une école enfin qui s'est employée à détruire le bonheur d'apprendre à force de programmes stupides et inadaptés, d'expérimentations pédagogiques hasardeuses et de laxisme généralisé
- un écartement des apprentissages pour tous ceux qui ont une intelligence pratique et auraient souhaité se réaliser dans un métier (quitte à reprendre des études par la suite). L'apprentissage tardive exclu de nombreux pauvres du travail alors que le réintroduire à 14 ans (avec un retour possible vers des études une fois adultes et travailleurs) est aujourd'hui impossible
- une école dont les missions ont été détournées au profit d'un pseudo traitement social du chômage (on garde le plus longtemps possible les jeunes dans le système scolaire et universitaire en misant une hypothétique prochaine de la croissance et des embauches )
- une école qui a brisé l'ascenseur social et le mérite en nivelant par le bas ((le bac puis la fac pour tous) et promu de fait le système scolaire le plus inégalitaire d'Europe
2) un système scolaire qui ne travaille plus que pour deux lobbys : le lobby des fonctionnaires et le lobby du tourisme
Sous prétexte que les lobbys du tourisme et des loisirs auraient besoin de remplir les hôtels, restaurants et pistes de ski toute l'année on a transformé le temps scolaire en années gruyère avec 2 mois de vacances totalement injustifiées (qui ont pour conséquence l'oubli généralisé de ce qui a été enseigné tout au long de l'année et de favoriser certains milieux sociaux qui eux ont bien compris que durant l'été on pouvait parfaitement apprendre).
3) Une école où le vivre ensemble est très largement devenu un poncif sans réalité dans les 200 quartiers sensibles (les NPNRU selon la terminologie officielle)
Les services publics et administrations sont devenus des fantômes dans de nombreux quartiers sensibles (poste, police, école). Dans ces endroits improbables (la zone d'autrefois)
- les services publics deviennent symboliques, animés par des personnels épuisés ou non qualifiés
- les services publics sont très insuffisants (un misérable bureau de poste où il faut attendre 3 heures pour envoyer un mandat, un commissariat fermé après 19 heures...) et les écoles suivent le même mouvement
- des écoles maternelles où le chaos scolaire nait faute d'un véritable encadrement et d'une capacité de la République à proposer une alternative à la violence et à l'ignorance des quartiers
- des écoles en ZEP où le niveau scolaire est catastrophique (seuls les plus avertis savent éviter les mauvais établissements qui sont légions)
- des collèges qui cristallisent la violence et l'absence de perspectives scolaires et sociales (10 ans d'ennuis et de chaos rendent les adolescents fous ou amorphes).
- des lycées publics qui n'ont plus le droit de sélectionner et qui se transforment tous en maison des jeunes (sans la culture)
- le harcèlement, la violence entre enfants, le racisme ou l'incapacité d'accueillir la différence quasiment généralisés (et l'accueil de la différence l'exception)
4) Des adultes souvent dépassés et qui n'ont pas d'expérience professionnelle ou sociale à produire
Il est devenu quasi impossible d'enseigner pendant 40 ou 42 années dans une école, un collège ou un Lycée. C'est pourtant ce à quoi sont condamnés près d'un million d'adultes qui n'ont pas d'autres choix que de tenir face à une jeunesse abandonnée souvent par les familles, écartelée par les trafics dans les quartiers, tentée par l'extrémisme ou les conduites auto-destructrices (tabac, alcool, drogue, sexe dès la puberté.)
Les enfants ont toujours eu besoin de modèle positif (un oncle, les parents, la fratrie, un ami) et l'école ne leur propose plus que des fonctionnaires qui n'ont jamais quitté les bancs de l'école (à leur grand désespoirs parfois).
5) un évincement complet des familles : l'école ne sait pas travailler avec les familles. Juste capable de les convoquer quand un enfant se tient mal elle n'a pas la moindre envie de faire participer les familles à l'éducation des enfants (pourtant c'esr en soutenant les familles qu'on pourrait le mieux réussir à restaurer une vraie école)
Chacun se rejette la faute face au manque d'éducation
- les familles ont été progressivement et presque totalement désinvesti de l'éducation de leurs enfants (de là ce terme trompeur d'éducation nationale alors qu'autrefois on parlait "d'instruction publique")
- les enseignants retrouvent souvent des jeunes sans éducation, sans limite ni règle de vie posées. Pensant ne pas travailler pour éduquer mais pour enseigner ils se contentent de professer leur discipline sans toujours se rendre compte que l'édifice scolaire est totalement lézardé (ils n'ont de toute façon pas le pouvoir de changer cette institution centenaire et devenue hors d'âge et dépassée)
L'école publique va donc très mal (la plupart des parents le savent mais n'ont pas les moyens de scolariser leurs enfants dans des établissements de leur choix ou privés)
Ajouter des années d'école dans une école en crise n'apporterait que misère sociale et violence scolaire
Ajouter des années d'écoles pour ceux qui n'en peuvent plus, aller jusqu'à 18 ans pour l'obligation scolaire créera peut-être des postes d'enseignants mais sans changement radical du système scolaire les résultats de ce toujours plus d'école ne seront pas à la hauteur des objectifs proclamés (mais jamais atteints) de meilleure insertion sociale ou d'élévation du niveau d'éducation.
L'école va mal et ce n'est pas en additionnant de tristes années d'école obligatoire que notre pays pourra se déployer dans une société de la connaissance et de l'information où l'éducation et la culture n'ont pourtant jamais été aussi fondamentales et structurantes.
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