Premiers secours : infarctus du myocarde & défibrillateur cardiaque
Depuis le 1 janvier 2022, tous les Etablissements Recevant du Public de catégorie 5 (ERP inférieurs aux seuils d'assujettissement) se doivent d'être équipés d'un défibrillateur cardiaque. Les maladies cardiaques et vasculaires sont la deuxième cause de mortalité chez l'homme (juste après le cancer) dans les pays industrialisés. Les minutes qui suivent une défaillance cardiaque sont décisives, une minute perdue c'est 10 % de chance de survie en moins. « Une défibrillation dans les 3 à 5 minutes qui suivent l'évanouissement peut mener à des chances de survie de l'ordre de 50 à 70 % ». En France, 60.000 personnes décèdent chaque année d'un arrêt cardiaque. Près de 72 % des accidents cardiaques se produisent au domicile (la proposition de loi initiale a envisagé de rendre obligatoire les défibrillateurs automatiques dans les copropriétés) et 10 % sur la voie publique.
Le cœur est un muscle (strié) creux divisé en quatre cavités, deux oreillettes (parties supérieures) et deux ventricules (parties inférieures). Les contractions (systoles) du muscle cardiaque se font sous l’action d’un influx électrique qui naît dans le nœud sinusal (zone située en haut de l’oreillette droite) et génère des décharges électriques contrôlées par le nerf vagal qui « supervise » le rythme cardiaque. Le sang veineux arrive dans l'oreillette droite, passe dans le ventricule droit pour être expulsé vers les poumons où il va se charger en oxygène ; le sang oxygéné revient dans l'oreillette gauche, passe dans le ventricule qui le propulse vers l'aorte (pouls). Aucun échange d'oxygène ne peut se faire avec le myocarde, les cavités cardiaques étant étanches (sauf malformation ou maladie). Le myocarde (myo, muscle et carde, cœur) est alimenté en oxygène par deux petites artères, les coronaires, qui sortent de l'aorte puis sillonnent la paroi externe du cœur. Lors d'un effort, les battements cardiaques s'accélèrent afin de fournir l'apport d'oxygène nécessaire à l'organisme, et les oreillettes et les ventricules de se contracter successivement et au même rythme.
Les troubles du rythme cardiaque ne sont pas toujours graves, le cœur d'un athlète peut passer de 60 à plus de 200 pulsations minutes (la fréquence ventilatoire de 10 à 50) : les manœuvres vagales permettent d'interrompre une crise de tachycardie légère : massage de la carotide - compression des globes oculaires - inspiration forcée en augmentant la compression abdominale manœuvres enseignées aux sportifs par un médecin. Dans de nombreux cas l'infarctus du myocarde apparaît sans cause apparente. « La douleur d'origine cardiaque se présente souvent en plusieurs endroits à la fois. Les combinaisons les plus fréquentes sont : poitrine et bras ; poitrine, cou et mâchoires ; ou tous ces endroits ensemble. Autres manifestations concomitantes : respiration courte et rapide, nausées, vomissement, sueurs froides, une transpiration sans cause apparente ; une syncope peut se produire ».
La crise cardiaque est souvent précédée d'une fibrillation ventriculaire qui rend inefficace l'activité du muscle cardiaque. Lorsqu'il y a fibrillation, les oreillettes puis les ventricules battent de façon désordonnée. Il peut arriver que la transmission de l'influx électrique soit ralentie (bradycardie), voire interrompue (asystolie) ou connaisse une accélération anormale (tachycardie). Lors d’une fibrillation ventriculaire, le cerveau n’est plus alimenté en oxygène et au-delà de 3 ou 4 minutes les lésions cérébrales sont irréversibles suivies de la mort. Le massage cardiaque (externe ou interne) permet de rétablir la circulation sanguine et l’oxygénation des cellules, le choc électrique de synchroniser l'activité électrique du muscle cardiaque.
En 1756 Caldani procède à la dissection d’une grenouille, au moment où il touche de la pointe de son bistouri le nerf crural, un arc jaillit de la bouteille de Leyde (ancêtre du condensateur) qui entraine la contraction du muscle de la cuisse du batracien ! Galvani va reprendre les expériences de Caldani et de postuler en 1781 : « les contractions seraient dues à une « électricité animale » qui proviendrait de l’animal et se déchargerait lorsque nerf et muscle seraient reliés par les métaux ». Le mystère lié à l'expérience de Caldani sera levé à la fin du XIXe siècle. L'arc a produit l'émission d'ondes électromagnétiques et le « conducteur » relié au nerf a fait office d'antenne ! En 1855, G. Duchenne présente l'état de ses recherches : « Le courant électrique appliqué superficiellement sur l’épiderme humecté, le traverse sans l’exciter et se concentre sélectivement sur un seul muscle ou faisceau nerveux sans piquer ni inciser la peau. L’électrisation permet alors d’induire à volonté des contractions musculaires isolées et par là de délimiter les limites individuelles de chaque muscle et de déterminer leur action spécifique ». Les savants de s'interroger, les « machines électriques » pourraient-elles guérir des paralysies ?
Si la première défibrillation réussit chez l'Homme (thorax ouvert) remonte à 1947, l'idée du défibrillateur en revient aux physiologistes Fréderic Batelli et Jean-Louis Prévost. Le premier défibrillateur externe est apparu en 1956 et le défibrillateur mobile destiné aux ambulances dix ans plus tard. Dans les années soixante, l'électro-stimulation devient courante chez les sportifs afin de solliciter les masses musculaires. L'année 1968 marque la première transplantation (greffe) cardiaque (professeur Barnard), et le défibrillateur implanté est testé sur un chien en 1969 avant d'être implanté chez une femme en 1980. La diffusion du défibrillateur automatisé auprès du grand public commence à se généraliser en 1994.
Les effets de l'électricité appliquée au corps (fulguration) dépendent du type de courant (CC ou CA), de l'intensité (A), de la tension (V), de la résistance (Ω) ou impédance (Z) rencontrée, de la fréquence (Hz), de la durée et forme de l'impulsion, de la surface de contact, du trajet emprunté et de l'organe atteint. Le choc délivré par les électrodes reliées par un câble au défibrillateur provient de la décharge d'un condensateur électrochimique chargé par une haute tension (environ 1 kV) délivrant une impulsion d'une dizaine de millisecondes. L'énergie emmagasinée en Joules est égale à 1/2 C V2 (C en Farads, V en volts). La décharge est précédée, sur les défibrillateurs actuels, d'un courant alternatif de très faible intensité destiné à mesurer l'impédance thoracique (20 à 150 Ohms) afin de délivrer un « choc » électrique adapté en puissance et en durée afin d'éviter le risque de brûlure (environ 150 Joules à 50 Ohms et 50 joules pour un enfant).
Les revendeurs proposent plusieurs types de défibrillateurs. Les anciens DAE (achat d'occasion) utilisent les ondes monophasées (une seule phase) sinusoïdales amorties, le courant électrique circule au travers du thorax de l’électrode positive vers l’électrode négative. Les DAE actuels utilisent les ondes monophasées exponentielles amorties (le second oscillateur double la fréquence pour chaque volt, principe que l'on rencontre sur les synthétiseurs (1 volt/octave). La technologie des ondes biphasées exponentielles reprend la technologie des défibrillateurs implantables plus légers et consommant peu (leur puissance, 20 joules, reste constante). « Les défibrillateurs à ondes biphasées sont plus efficaces et lèsent moins le myocarde que les défibrillateurs monophasés. Le premier choc, à 150-200 joules pour un défibrillateur biphasé, est de loin celui qui a le plus de chance de réussir » (Carli & Télion du CHU Necker).
Les critères de choix d'un DAE portent sur : le temps de mise en œuvre - les temps de charge et d'analyse - le délai entre deux chocs - la capacité du nombre de chocs - l'encombrement - le nombre de messages sonores - la gamme de température et altitude (-100 m à + 4500 m) d'utilisation - étanchéité (IP54) - tolérance aux chocs - durée de vie (5 à 7 ans) - tests automatiques (quotidiens, hebdomadaires, mensuels) - le prix (environ 2.000 euros, 800 dollars en Chine) - l'entretien et le SAV. Des modèles capables de transmettre les données par Internet commencent à se répandre.
Depuis le décret du 4 mai 2007, toute personne est autorisée à se servir d'un défibrillateur grand public semi-automatique ou entièrement automatique. Les opérations à réaliser par le sauveteur consistent à suivre les instructions (logos et/ou vocales ou avoir suivi une formation auprès de la Croix rouge) - prévenir les secours 15, 18, 112 (je suis où, je vois quoi, je demande) - demandez à une personne d'aller chercher un défibrillateur, son décrochage alerte automatiquement le SDIS local (« borne intelligente ») - commencez immédiatement la réanimation cardio-pulmonaire (30 compressions, 2 insufflations) et la poursuivre jusqu'à l'arrivée du défibrillateur. En période de COVID, le protocole recommande de placer un masque sur la bouche et le nez de la victime et d'en porter un soi-même.
Le DAE disponible, dénudez le torse de la victime (la trousse contient une paire de ciseaux, un rasoir jetable, deux compresses et une paire de gants), retirez le film protecteur de l'électrode (pré-gélifiée et auto-adhésive) juste avant de l'appliquer à même la peau sèche et sous la clavicule droite, l'autre sur le flanc gauche 5 à 10 cm sous l’aisselle. Chez l'enfant (la taille des électrodes est moitié moindre, 50 cm2) et chez le porteur d'un stimulateur cardiaque ou défibrillateur automatique implanté, les électrodes sont disposées sur le cœur et dans le dos afin d'éviter un phénomène d'arc électrique - éloignez le câble des électrodes afin de faciliter le MCE - mettez le DAE en marche (bouton ON, certains modèles s'activent à l'ouverture de leur capot). C'est le défibrillateur Entièrement Automatique qui établit le diagnostique, il mesure l'impédance (« résistance ») du corps et détermine l'intensité et la durée du choc électrique adapté à la morphologie de la victime. Ne pas toucher la victime pendant le diagnostique automatique et assurez-vous de l'absence de toute surface conductrice (flaque d'eau, grille ou plaque métallique) ni de vous trouver dans une ambiance inflammable ou explosive (milieu industriel ou groupe d'intervention). Lorsque tous les voyants passent au vert, l'appareil peut délivrer le choc. S'il s'agit d'un DAE, une voix demande au sauveteur de s'éloigner de la victime (un pas) avant de délivrer le choc. Si le défibrillateur est semi-automatique, l'appareil demande à ce que ce soit le sauveteur qui déclenche le choc en appuyant sur le bouton ad hoc en prenant la précaution de ne pas toucher la victime. Si l'appareil n'a décelé aucune fibrillation, il ne se déclenche pas, ne pas retirer les électrodes, l'appareil renouvelle l'analyse toutes les deux minutes. Si la victime ne respire pas et que la circulation est suspendue, on pratique MCE et RA. « Si la respiration redevient normale, arrêtez la réanimation, mais n'éteignez pas le DAE et laissez les électrodes en place sur la poitrine de la victime Si celle-ci reste inconsciente, placez-la en position latérale de sécurité » (guide des gestes qui sauvent, de la Croix-Rouge française).
Un défibrillateur nécessite un entretien suivi. Le décret d’application n°2018-1186 du 19 décembre 2018 précise : « la maintenance est réalisée soit par le fabricant ou sous sa responsabilité, soit par un fournisseur de tierce maintenance, soit, si le propriétaire n’est pas l’exploitant, par l’exploitant lui-même ». Il faut s'assurer de la signalétique (arrêté du 29 octobre 2019), de l'état de la batterie, de la qualité des électrodes et de la connectique, des mesures de l’énergie délivrée et de leur durée, des dates de péremption des électrodes (2 ans), du contenu de la trousse de secours, des mises à jour logicielles, des tests de fonctionnement, la récupération des données enregistrées, la réinitialisation de l'appareil, l'apposition d'une étiquette avec indication de la date du contrôle et celle de la prochaine maintenance. Toutes ces interventions sont consignées dans le livret de maintenance.
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