Quand il est mort, le poète...
La récup’... Ou comment la mort d’un homme peut-elle, à son corps défendant, servir une cause politique ?
Un grand, un très grand auteur vient de mourir, un parolier d’exception, un magicien du verbe, un éclairagiste inspiré qui mettait admirablement en lumière les coins sombres de l’âme en quelques mots bien choisis...
"Et maintenant... Que vais-je faire ?...", doit penser Pierre Delanoë.
S’il y a quelqu’un là-haut, nul doute qu’il écrira désormais pour le choeur des anges.
Je n’ai pas eu la chance de le connaître personnellement, mais j’aurais aimé lui serrer la main. Depuis mon enfance j’ai toujours admiré ses textes et le perfectionnisme qui l’animait pour trouver la bonne rime, la sonorité spécifique du vocable en rapport avec la note de musique qui épouserait son texte sur ce mot, sur cette syllabe précise.
On croit généralement que l’harmonie est un mot du domaine musical qui concerne le compositeur ou l’arrangeur. On se trompe, il fait aussi partie du lexique de l’auteur. Les mots comportent en eux-mêmes une sonorité, et toute la difficulté pour un parolier est précisément de trouver "la" bonne harmonie dans la suite de phonèmes qui, mis bout à bout, vont faire une bonne histoire en harmonie avec l’ambiance donnée par la ligne mélodique.
Quoi de plus beau, sur le plan de la métrique et du son des mots, que Et maintenant..., La Place Rouge était blanche, Terre brûlée au vent des landes de pierres, Autour des lacs, C’est pour les vivants... Qui a volé, a volé, a volé, a volé, l’orange ?
On n’en finirait plus de citer les tubes auxquels il a contribué comme auteur. Plus de cinq mille chansons dont près de cinq cents enregistrées dans le monde entier. Un maître pour tous les rimailleurs.
Bon, je m’arrête là, parce que je n’ai pas l’intention de faire sa biographie, mais je tenais à saluer le talent de l’auteur d’une part, et la sensibilité exceptionnelle de l’être humain qui le sous-tend. Car les deux vont évidemment de pair, comme les rimes.
Ce qui me chiffonne, à chaque disparition d’une grand homme, c’est la récup’ qui en est aussitôt faite ici ou là. Par la profession d’abord, les médias et toute l’industrie, qui vont profiter de cette disparition pour faire reparaître des titres anciens dans de beaux albums de compiles. Bah, en pleine bataille sur la copie privée et le droit d’auteur sur le Net, le moment n’est sans doute pas très indiqué, mais c’est leur sinistre jeu que de profiter de "l’événement" pour faire quelques profits supplémentaires.
Ce qui me hérisse plus encore, c’est la récup’ politique.
Tout le monde sait que, contrairement à son homonyme parisien, Pierre Delanoë était un gaulliste. Mais un vrai, à l’ancienne, de ceux qu’on ne trouve plus qu’en page nécrologique.
Or à peine est-il froid que l’on trouve ce communiqué de l’UMP en ligne : communiques/hommage_a_pierre_delanoe
Et ça, ça m’excède vraiment, parce que je ne suis pas certain, mais alors pas du tout, qu’un tel poète aurait soutenu le langage politique sarkozien, ni la portée dysharmonique de sa vision sociale.
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