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Accueil du site > Tribune Libre > Quand le trotskiste tire sur les anarchistes

Quand le trotskiste tire sur les anarchistes

L’édifice du système économicopolitique du néolibéralisme craquèle, en France et ailleurs. En Grande-Bretagne, en Allemagne, en France les gestes de désespoir se multiplient, censure sur internet, perquisitions médiatisées.

L’anarchisme, ce modèle d’une société égalitaire, dont l’idée, s’inspire des pensées de l’économiste et sociologue français, Pierre-Joseph Proudhon, est développée, au milieu du 19ème siècle, dans la commune suisse de Saint-Imier, et vécue, à cette époque, par des milliers d’ouvriers horlogers du Jura bernois, avec l’assistance de l’écrivain et historien suisse James Guillaume, le petit patron graveur Adhémar Schwitzguebel de Sonvilier, ainsi que le philosophe russe Mikhaïl Bakounine.

Ils défendaient tous un courant de pensée qui préconise la socialisation des moyens de production sans l’intervention d’un état régulateur, le terme anarchie venant du grec « anarkhia », absence de pouvoir et d’hiérarchie.

Absent des manuels scolaires depuis deux siècles, réduit à un courant terroriste et destructeur, parce qu’infiniment plus dangereux pour le statu quo que le communisme, qui n’en représente que sa continuation sous forme du « capitalisme d’état », l’anarchisme devient, à l’ère de l’automatisation et la digitalisation une réelle alternative possible comme modèle de société.

Mikhaïl Bakounine, mort à Berne en 1876, provoqua la scission avec Karl Marx au sein de la première « Internationale » sur la question, essentielle, du rôle de l’état dans la transformation de la société vers une société égalitaire. Alors que Marx considéra l’Etat centralisateur comme une étape intermédiaire vers le but idéologique final, Bakounine contesta l’intervention d’une quelconque autorité dans cette transformation, voulue par les deux. Pour Bakounine « là où commence l’Etat, la liberté individuelle cesse, et vice et versa. » L’histoire lui donna raison.

1917, le tsar de Russie prend la fuite. Les conseils d’ouvriers, de paysans et de soldates, les « soviets », organisés selon le modèle de l’anarchisme, fondés après la première révolution de 1905, collectifs que Lénine considérait « trop à gauche », s’emparent des usines par l’insurrection spontanée, croyant que leur modèle de société allait finalement s’installer en Russie. (« Ni dieu ni maître », film documentaire Arte)

En 1908, le « Mouvement marxiste révolutionnaire russe », crée en 1898 par Vladimir Lénine, se scinda en deux, le courant des « mencheviks », les modérés, et celui des « bolchéviks », les radicaux, qui fondèrent, sous la direction de Lénine, le « Parti communiste de l’Union Soviétique », usurpant le nom « soviet » du mouvement anarchiste, se saisissant du pouvoir absolu, en matant, en 1921, l’ultime révolte des marins, soldats et ouvriers à Kronstadt, ville portuaire située sur la mer Baltique, par l’« Armée Rouge » sous le commandement de Léon Trotski, éliminant systématiquement tous les adversaires politiques encore en état de nuire par la suite.

A cette occasion un conseil s’impose, celui de la lecture de la nouvelle « Animal Farm » ou « La ferme des animaux » de George Orwell, une illustration pertinente de la crainte du mouvement anarchiste au sujet du pouvoir et de la hiérarchie.

La répression sanglante du mouvement anarchiste russe par les figures mythiques des mouvements de gauche des années 60, vénérés par l’intelligentsia parisienne et autre, Vladimir Lénine et Léon Trotski, mouvement qui, par ailleurs, s’est toujours méfié de l’hégémonie des intellectuels, mouvement sans lequel la révolution n’aurait jamais été possible, illustre l’ignorance historique de l’élite et à quel point, par leur faute, l’absence d’une conscience historique cohérente dans les manuels scolaires est propice à la « fabrique du consentement ».

Le haut lieu du mouvement anarchiste russe se trouva en Ukraine. Avec la signature du traité de « Brest-Litovsk » en 1918, mettant fin aux combats au front de l’est, Lénine céda l’Ukraine à l’Allemagne. Livrée à elle-même elle continua seule la lutte contre les forces contre-révolutionnaires, l’« Armée blanche », soutenue financièrement par les puissances alliées, avec son « Armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne », la « Makhnovchtchina », une force armée de 40'000 volontaires défendant un front de 1'000 km, sous la direction de son leader charismatique Nestor Makhno. (« Ni dieu ni maître », film documentaire Arte)

Le rôle dans l’étouffement du mouvement anarchiste russe joué par la figure de proue de l’intelligentsia « 68arde », Léon Trotski, n’est pas glorieux. En utilisant la propagande de dénigrement, moyen de répression utilisé par le « Parti Communiste » jusqu’à sa désintégration en 1989, présentant les anarchistes ukrainiens comme des saoulards et des criminels, il finit par se faire éliminer lui-même par Staline au Méxique. 

En 1921, à la mort de Pierre Kropotkine le 8 février, un des pères de l’anarchisme, figure vénérée par tous les mouvements anarchistes internationaux, le Parti bolchévique organisa des funérailles nationales en grand pompe, relayées par les caméras de télévision, permettant, dans un sursaut de miséricorde, aux anarchistes emprisonnées d’assister à la cérémonie, pour les emprisonner à nouveau, une fois les caméras éteintes. Sur ordre de Lénine, un grand nombre de figures anarchistes furent fusillés par la suite dans les prisons de la police politique, la « Checa ».

Le 18 mars 1921 se tint, à Moscou, le « Congrès du Parti communiste » date soigneusement choisie pour coïncider avec la date anniversaire de la « Commune de Paris », comble de l’hypocrisie. Au printemps 1921, il ne restait plus que la « Makhnovchtchina » pour s’opposer à l’hégémonie bolchévique. Lors d’une fête cosaque dans le port de Sébastopol, sur les rives de la Mer noire, fêtant une victoire sur l’Armée blanche, la cavalerie et les officiers ukrainiens furent surpris dans leur sommeil et assassinés par les sbires de l’« Armée rouge », sur ordre de Léon Trotski. Le camarade Staline s’était chargé de l’élimination des anarchiste restants dans les goulags sibériens. (« Ni dieu ni maître », film documentaire Arte)

Les disciples de Trotski sont toujours parmi nous, bien embourgeoisés. Convertis au capitalisme, ils exercent leur métier de journaliste, en se cachant derrière leur masque de la bien-pensance, peaufinant leur discours selon la direction du vent. Gare à ceux qui oseraient se mettre à travers leur chemin ils les dénigreraient sur la page web de leur « journal online », à l’instar de leurs illustres ancêtres.


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21 réactions à cet article    


  • Clark Kent Chourave 22 octobre 2018 20:22

    « A cette occasion un conseil s’impose, celui de la lecture de la nouvelle « Animal Farm » ou « La ferme des animaux » de George Orwell, une illustration pertinente de la crainte du mouvement anarchiste au sujet du pouvoir et de la hiérarchie. »


    D’une part, « Animals Farm » a été publié en 1945, date à laquelle Staline avait pris le pouvoir depuis belle lurette, et pour qui était un minimum lucide, il ne s’agissait pas de « craintes », mais d’« évidence », y compris dans les rangs des partis communistes du monde entier à la tête desquels une nomenklatura s’efforçait de maintenir une ligne pro-soviétique. Ce vonseil dans votre démonstration constitue donc un anachronisme.

    D’autre part, Eric Arthur Blair alias George Orwell, n’a jamais été de sensibilité anarchiste, mais socialiste , travailliste et a même envoyé entre 1941 et 1946 seize articles (« Les Lettres de Londres ») à la revue américaine d’inspiration trotskiste Partisan Review.Pendant que vous y étiez, vous auriez pu aller jusqu’au bout dans les amalgames et évoquer Hannah Arendt dont la fixation sur le « concept » de « totalitarisme » a permis à plusieurs générations de réactionnaires de mettre dans le même sac le nazisme et le communisme. 

    Si votre vision de l’histoire se limite à ce type d’escamotage, il faut que vous sachiez qu’il existe des outils d’analyse plus fins que ceux que vous nous servez.

    • Bruno Hubacher Bruno Hubacher 22 octobre 2018 20:25

      @Chourave
      Eric Arthur Blair s’était rendu en Espagne pour admirer la courte expérience anarchistes avant que ceux-ci furent liquidés par le franquisme.


    • sleeping-zombie 23 octobre 2018 13:00

      @Bruno Hubacher
      je rejoins Chourave, j’ai le souvenir de la ferme des animaux comme d’une critique trotskiste d’un pouvoir stalinien et non d’une critique anarchiste d’un pouvoir communiste.


    • Bruno Hubacher Bruno Hubacher 23 octobre 2018 13:16

      @sleeping-zombie
      eh bien vous vous trompez


    • Clark Kent Chourave 23 octobre 2018 13:19

      @Bruno Hubacher

      et v’lan
      passe moi l’épongeuuuuu

      et v’lan
      fais-moi guili...

      prends ça dans les gencives,
      Hubacher, il sait mieux que toi et moi réuinis et tout, et tout !
      Non mais !

    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 23 octobre 2018 00:01

      Que bordel cet article...la télé des années 20 et autres...franchement...lol...


      • Bruno Hubacher Bruno Hubacher 23 octobre 2018 09:44

        @Aita Pea Pea
        Le sujet n’est pas à votre portée. Contentez-vous de passer votre chemin.


      • Pierre Régnier Pierre Régnier 23 octobre 2018 10:12

        @ Bruno Hubacher

        La remarque d’Aita Pea Pea sur « la télé des années vingt » est justifiée... dans la mesure où vous ne nous dites pas si c’est Kropotkine lui-même, ou Bakounine ou Proudhon, qui l’avait inventée pour permettre de regarder en prison la cérémonie des obsèques des grands anarchistes !

        Plus sérieusement, j’ai de la sympathie pour les anarchistes et je déteste les prétendus « communistes », qu’ils soient lénino-staliniens ou lénino-trotskistes, qui en ont beaucoup massacré. Mais vous devez approfondir votre réflexion.

        Nous savons aujourd’hui que ni les faux communistes, ni les faux socialistes, ni les anarchistes ne peuvent, seuls, renverser le système « économicopolitique du néolibéralisme » qui, loin de « craqueler » comme vous le dites, n’a jamais été aussi puissant. 

         


      • Bruno Hubacher Bruno Hubacher 23 octobre 2018 10:27

        @Pierre Régnier


        La question de la télévision est plus qu’anecdotique. Ce n’est pas le sujet de mon article. Mais strictement dit vous avez raison. Je corrige donc mes propos en « propagande filmée par des caméras », diffusion dans des lieux publics. J’espère que cela vous convient. Je joins, pour votre information un lien sur une vidée de l’enterrement de Kropotkin. 

        En ce qui concerne votre analyse sur la possible réalisation d’une société anarchiste, je vous rappelle que, contrairement aux autres modèles de société que vous évoquez, l’anarchisme n’a été durablement vécu que pendant une coutre période en Espagne, avec succès, j’ose ajouter. Nous sommes au 21ème siècle et l’économie est capable de produire le double de ce dont la société a besoin. La redistribution du progrès est pour cette raison d’autant plus aisée qu’au 19ème siècle.

      • Pierre Régnier Pierre Régnier 23 octobre 2018 13:39

        @Bruno Hubacher

        Votre grave confusion entre télévision et cinéma, entre transmission d’images en direct et en différé, affaiblit votre article et c’est dommage. C’est seulement après que la France et l’Allemagne aient réalisé la première émission mondiale de télévision (vidéo) en numérique que cinéma et télévision ont pu servir ensemble la réalisation d’oeuvres audiovisuelles dès leur production, grâce à la numérisation des deux supports techniques.


      • Pierre Régnier Pierre Régnier 23 octobre 2018 13:40

        J’ai oublié de préciser que c’était en 1985.


      • jesuisdesordonne jesuisdesordonne 23 octobre 2018 02:45

        Concernant « La répression sanglante du mouvement anarchiste russe par les figures mythiques des mouvements de gauche des années 60, » [...], et des partisans d’Alexandre ANTONOV paysans socialistes révolutionnaires, (aussi nombreux que les anarchistes), pour voir qui finançait ces « figures mythiques »  il y a des infos ici.


        • Attilax Attilax 23 octobre 2018 10:17

          Oui, les anarchistes ont souvent voulu travailler avec les cocos, car il y avait des ponts et des points communs mais ceux-ci les ont régulièrement massacré, parce qu’ils représentent un danger potentiel pour tout pouvoir centralisé (c’est à dire tout pouvoir). Heureusement pour le pouvoir, les mentalités d’esclaves sont bien enracinés, et les gens veulent un maître. Essayez de proposer un modèle de système politique sans élections, vous allez voir les réactions...


          • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 23 octobre 2018 13:56

            Pour Orwell , lorsque qu’on l’emmerdait a se définir politiquement ,il répondait anarchiste conservateur (anarchist tory ) .


            • Clark Kent Chourave 23 octobre 2018 14:10

              @Aita Pea Pea

              « anarchist tory » ne signifie pas « anarchiste conservateur », mais « conservateur anarchiste »

              ça ne veut pas du tout dire la même chose
              c’est la même différence qu’entre un « grand homme » et un « homme grand »...

            • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 23 octobre 2018 14:16

              @Chourave

              Voir Michea. Perso j’ai la flemme et les tirages de cheveux en quatre m’emmerdent.


            • Clark Kent Chourave 23 octobre 2018 14:21

              @Chourave

              pour utiliser un vocabulaire actuel, on pourrait donner les approximations suivantes :

              anarchiste conservateur : contre le pouvoir de l’état mais pour le maintien de traditions économiques et culturelles telles que mariage et économie de marché, propriété privée des moyens de production = populistes

              conservateur anarchistes : pour le maintien de traditions économiques et culturelles telles que mariage et économie de marché, propriété privée des moyens de production mais contre le pouvoir de l’état = libertariens

              il s’agit de paradoxes ou même d’oxymores, des figures de rhétoriques sans effets politiques réels et juste destinées à intriguer l’interlocuteur ou le lecteur par une énonciation inattendue.



            • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 23 octobre 2018 14:55

              @zbouneur Non... Lol .Il se fait qu’il a écrit sur Orwell et est en grande partie en France de la redecouverte de ses écrits . D’ autre part Michea remet au gout du jour la pensée socialiste pré -marxiste... Et « L’empire du moindre mal » a été pour moi un essai qui nommait les malaises que j’ai avec une partie de la gauche .


            • Clark Kent Chourave 23 octobre 2018 15:05

              @Aita Pea Pea

              Le « malaise » énoncé par Michea n’est pas seulement théorique, il s’est concrétisé dans la signature du programme commune et les « compromis historique » réalisé entre les états-majors PS/PC pour vendre le plat de lentilles révolution contre cinq potes de ministres. Orwell n’était plus là, et la compromission qui va au-delà du malais a eu raison d’un mouvement puissant qui s’est sabordé autant qu’il a pu être bombardé de l’extérieur.

            • zak5 zak5 23 octobre 2018 15:38

              C’est vrai k mediapart on est faux Q de père en fils, mais cela n’empêche pas le fait que Mélenchon a déconné grave, on a du mal a imaginer comment il a perdu la tête

              Mais a mon avis, ce n’est pas la folie de Mélenchon qui a fait réagir Mediapart dans le sens très défavorable pour Mélenchon. Mediapart c’est des mondialistes, voir même des communautaristes, je dirais même des islamogauchistes (comme Hamon d’ailleurs) et ils n’ont pas pu supporter que Mélenchon refuse de signer le manifeste en faveur de l’accueil des migrants, rédigé par les rédactions de Mediapart, d’autre part, Mélenchon n’a jamais voulu céder sur les principes de la laïcité à la française (on se souvent de sa réaction sur la porte parole voilée de l’Uninef) et sa critique de l’islamisme a toujours était constante et jamais nuancée

              on dit que c’est le gouvernement qui est derrière les déboires judiciaires de Mélenchon, mais a mon avis, c’est du coté des islamogauchistes (qui sont a l’intérieur même de la LFI) qu’ils faut creuser


              • zygzornifle zygzornifle 23 octobre 2018 16:32

                Depuis que le boss a été avec Bourdin devant Macron il est « en marche » ....


                Peut être y a t’il eut selfie ? ....

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