Quelques questions absentes du débat public
Par souci de synthèse je me bornerai à un panorama de questions qui m'apparaissent majeures et qui sont plongées dans les entrailles des plus obscures de la presse spécialisées (au mieux). Il me semble important qu'une conceptualisation soit faite pour remédier à la pseudo complexité du débat public et ainsi opérer un retour aux sources par opposition aux faux débats dont se gargarisent les éditorialistes et les patrons de presse ainsi que les politiques.
Un retour à l'essentiel s'impose selon moi qui passe par divers questionnements :
1° Quelle société voulons-nous ?
2° Quel modèle de développement ?
3° Quelle place pour les citoyens dans la prise de décision ?
4° Quels principes moraux pour couronner l'édifice institutionnel économique, politique et juridique ?
5° Quelle organisation politico-administrative sur le territoire pour satisfaire à l'intérêt de la collectivité ?
Seules ces questions (et d'autres que j'ai sans doute oubliées) doivent conditionner l'adoption de mesures nécessaires et proportionnées. Perdre cela de vue, perdre l'idée que nous sommes toujours dans un système interconnecté et complexe qui nécessite de revenir à des questionnements simples c'est prendre le risque d'être dépassé par une complexité qui introduira une tendance à prétendre la contrôler de manière artificielle (par facilité intellectuelle). Ces questions ne peuvent jamais être totalement mises de côté dans tous les prises de décisions.
Il y a une tendance à un certain immobilisme des élites qui considèrent que la situation est figée. Il semblerait que le temps des grandes décisions et des grandes orientations est terminé pour laisser la place à de petits ajustements conjoncturels crées de toutes pièces et mis en scène pour créer l'illusion de la grandeur.
- Qu'est ce que le "plan de sauvetage" de la Grèce ou de l'Espagne si ce n'est l'affichage politique de négociations financières complexes destiné à prouver au peuple que la situation exige un retour à une politique budgétaire rigoureuse dont on a décidé de décréter in abstracto qu'elle constituait le maux de ce début de siècle et dont on se sert pour justifier l'ensemble de l'action économique, politique, administrative et sociale. Je trouve regrettable de considérer que des impératifs économiques résultant d'une crise consubstantielle au système actuel ne conduisent pas à une remise à plat de celui ci. A défaut de mobilisation intellectuelle suffisante la faute en est rejetée sur des états peu dispendieux ou la faute de tel ou tel acteur. La même logique a prévalu lors de la crise des subprimes où l'on a bien pris soin de déresponsabiliser le système à coup de scandales (Madoff, Kerviel, traders fous) qui a bien montrer les limites de la puissance des médias quand il s'agissait d'une puissance d'analyse objective et rétrospective.
A ceux qui me reprocheraient une vision complotiste et une tendance à voir le mal partout je répondrai ceci : La grille de lecture tendant à vouloir analyser les défauts d'un système uniquement lors de ses dysfonctionnements me paraît erronée et ce pour tous les domaines de l'action publique. Il faut s'interroger sur le point de savoir si les dysfonctionnements et défaillances ne proviennent pas du fonctionnement normal du mécanisme ou du système en cause avant d'imputer une responsabilité individuelle à un quelconque acteur y intervenant. (On ne reprocherait pas l'irresponsabilité de conducteurs conduisant dans des voitures défectueuses du fait d'une anomalie dans le système de production et inhérente à la logique de celle ci, tout comme je considère qu'on ne reprocherait pas à un état de s'endetter excessivement quand tous les mécanismes macroénomiques ou microéconomiques tendent à favoriser le recours au crédit)
Il y a un travail intellectuel à faire pour cloisonner les problèmes et ne pas tout mélanger : Les problèmes de corruption en Grèce sont un défaut d'un système qu'il convient de modifier mais il n'est pas seul responsable du défaut inhérent à la gestion budgétaire et financière du pays comme on essaye de le faire croire dans les médias. Le défaut dans le système de gestion budgétaire et financière de quasiment tous les États de la planète relève du système monétaire international et non pas des erreurs politico-administrative d'États trop dispendieux qui mettraient à mal un système sain (comme si un système pouvait être considéré comme sain avec un tel effet papillon décuplant les conséquences de la moindre pseudo crise). Malheureusement il faut croire que quand on remarque qu'une petite fuite peut détruire tout l'édifice on se contente uniquement de colmater les petites fuites visibles ou potentielle sans s'interroger sur l'écoulement des eaux et sur la construction du plan.
On m'objectera sans doute que colmater les fuites est déjà un moindre mal par exemple pour la vertu budgétaire, l'étiquetage de la viande abattue ou non selon tel ou tel rite, pour certaines réouvertures d'usines, certains mécanismes fiscaux que sais-je encore ? : Néanmoins je répondrai que colmater la fuite d'eau dans le sous sol n'a jamais éteint ou prévenu un incendie (bon ok sauf à ce qu'il y ait eu un cours-circuit du fait de la fuite mais mes propos précédent s'attachent à démontrer que c'est le fonctionnement normal qui est à l'origine des incendies).
- Je ne résiste pas à l'effrayante comparaison qu'on entend dans la bouche de tous nos politiques et dans tous nos médias qui visent à comparer la gestion du budget d'un État à celle d'un particulier. A ce que je sache un particulier n'est pas un État, j'ai presque envie de m'arrêter la tellement cette comparaison est ridicule en soit. M'enfin bon je vais étayer un peu en sourçant (Source)
Je voudrais en venir à un point central à mon sens : Il ne faut jamais laisser un problème, un dysfonctionnement, une tare, ou tout autre évènement présenté comme tel, justifier des modifications d'ampleur avant que ne soit posée cette question : Cet évènement résulte il (ou pourrait il résulter) du fonctionnement "normal" du mécanisme ou du sytème ?
La "normalité" n'étant pas le fonctionnement optimal, mais l'ensemble des interactions ou actions entre les acteurs du système nées ou motivées par des intérêts qui apparaissent légitimes ou souhaitables par les acteurs du système dans le cadre de leurs activités.
L'application de cette question simple à des évènements comme la crise de 2008 et à la polémique sur la viande halal, ou même sur le téléchargement illégal permet de reformuler utilement les problèmes et de formuler quelques critiques sur les solutions qui justifient mes propos initiaux sur l'immobilisme.
* La crise bancaire de 2008 pouvait elle résulter du comportement normal des agents, au sens ou leurs actions étaient pour eux profitables, légitimes et souhaitables pour leurs intérêts et pour les intérêts de la représentation qu'on pouvait avoir d'eux ? On peut penser que oui malgré la tendance médiatique à présenter les traders incriminés comme des fous. => Partant de là est-ce que renforcer le contrôle prudentiel, les règles éthiques et les ratios de fonds propres des banques est une solution adaptée ? Ma réponse est non, du moins pas pour le problème de fond. En effet on peut très bien se gargariser des solutions adoptées si on les suit à la lettre (je mets de côté pour un prochain post la réalité de l'application de ces règles), mais est ce qu'on peut dire qu'aujourd'hui les banques n'ont plus intérêts à prêter à des ménages quasi insolvables puis à titriser les créances et à les revendre et en faisant supporter un risque ailleurs ? Je ne le crois pas.
* L'explosion du téléchargement illégal et l'apparition de plate-formes de P2P reposant souvent sur des fichiers piratés pouvait il émerger du fait du système de distribution légale et des actions et interactions des divers acteurs agissant dans leur intérêt et leur représentation du système : On peut penser que oui du fait de l'absence d'offre légale de qualité et de l'attachement de certains artistes à ce système. => Partant de là est-ce que fermer abstraitement Megaupload et d'autres services est une réponse adaptée à la défaillance du système ayant fait émerger ces contres-systèmes alternatifs à la limite de la légalité. Encore une fois la réponse est négative bien qu'encore une fois ce soir le sans doute le moins pire en l'absence de réflexion au fond.
* La viande "halal" ou "cacher" : Magnifique exemple de faux débat qui aurait pu amener un débat sur la question de savoir si les abattoirs et l'industrie alimentaire avait ou non intérêt au regard du coût de production à pratiquer cette méthode d'abattage de manière opaque. Et au final on termine sur quoi ? Les musulmans et les juifs doivent-ils cesser de nous envahir avec leurs méthodes d'un autre âge (en substance hein) et mamie doit elle pouvoir éviter d'aller consulter son médecin par peur d'empoisonnement à la viande halal grâce à une étiquette.
En conclusion : Je rappelerais que dans un état souverain, comme dans une union ou une confédération quelconque c'est la collectivité qui doit décider des orientations à prendre face à une situation donnée Cette évidence rappelée, je pense qu'il serait bon que les responsables politiques à la légitimité douteuse se croient fondées à agir dans l'urgence pour traiter des problèmes mal identifiés pour infléchir à un point aussi flagrant le cours et la vie de cette collectivité. Prendre des mesures pour colmater les fuites oui, se gargariser d'un succès gargantuesque ensuite non. Il est de la responsabilité des médias de devenir "populaires" au sens ou ils interrogeraient l'action politique dans l'intérêt de la collectivité, et il est de notre responsabilité de ne pas céder à la facilité et à la forme pour plonger dans la grotte de la connaissance du système dont l'accès nous est barré par les barrières médiatiques, politiques qui masquent la vérité.
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