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Accueil du site > Tribune Libre > Quels financements pour le développement en Afrique ?

Quels financements pour le développement en Afrique ?

La conférence internationale sur les financements innovants du développement, qui a regroupé une centaine de pays à Paris (France), les 28 février et 1er mars 2006, n’a pas atteint son objectif : avaliser la décision du président français Jacques Chirac de taxer les billets d’avion afin de financer la lutte contre le Sida, le paludisme ainsi que la tuberculose dans les pays pauvres.

Seulement une dizaine de pays ont accepté de suivre la France : le Brésil (le Chili, Chypre, le Congo, la Côte d’Ivoire, la Jordanie, le Luxembourg, Madagascar, l’île Maurice, le Nicaragua et la Norvège). La majorité des pays riches, comme les Etats-Unis, le Canada, l’Australie, ainsi que neuf Etats membres de l’Union européenne, dont l’Italie, l’Irlande, la Finlande et le Portugal, ne se sont pas montrés disposés à appliquer cet impôt international.

Rappelons que gouvernement français, sous l’instigation de Jacques Chirac, avait adopté la taxe de solidarité internationale sur les billets d’avion, qui entrera en vigueur à partir du 1er juillet 2006. Ainsi, les passagers embarquant en France paieront une taxe d’un euro pour les billets en classe économique et de 10 euros en classe affaires ou première classe pour les vols à l’intérieur de l’Union européenne (UE). Ce montant sera de 4 à 40 euros pour les vols à destination de pays hors de l’UE.

On espère ainsi récolter 210 millions d’euros par an, en France, pour les pays pauvres, en vue de financer les aides publiques au développement (APD) dans le domaine de la santé.

Loin de remettre en cause le bien-fondé et la bonne intention de la « taxe chiraquienne », quoiqu’elle soit critiquée par les professionnels du transport aérien, qui redoutent qu’une telle taxe fasse perdre des milliers de passagers au profit du train, conduisant à des pertes et des suppressions d’emplois, il est légitime d’être sceptique face à ce nouveau mécanisme, surtout que les engagements de financer le fonds mondial contre le Sida, la tuberculose et le paludisme n’ont pas été respectés.

Longue est la liste des plans, programmes et promesses de financement qui cherchaient à répondre aux attentes en matière de développement des Africains, mais qui ont failli.

Liste que viendraient allonger probablement ces nouveaux mécanismes de financements, fussent-ils innovants, comme la taxation des billets d’avion, l’IFF (Facilité financière internationale) proposée par Tony Blair (le Premier ministre britannique) consistant en un emprunt de l’ordre de 50 milliards de dollars par an sur une dizaine d’années, dont l’argent serait immédiatement disponible pour financer des projets au Sud, notamment pour la vaccination, sans oublier les promesses de Gleneagles (Ecosse) visant à augmenter le montant de l’APD d’au moins 50 milliards par an d’ici à 2010 dont la moitié, voire plus, ira à l’Afrique et l’annulation pour 40 millions de dollars du stock des dettes auprès du FMI, de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement (BAD) de dix-huit pays les plus endettés, dont quatorze africains (une dizaine d’autres pays pourraient à terme profiter de la mesure, portant l’annulation à 55 milliards de dollars au total) ainsi que la promesse de Monterrey de février 2002 par laquelle les pays riches se sont engagés à porter le niveau de leur aide publique à 0,7 % de leur produit intérieur brut (PIB)...

Sans pour autant reprocher aux initiateurs de ces différentes aides innovantes pour le secteur de la santé, notamment l’IFF et la taxe aérienne, de faire diversion, il serait bon qu’on revienne au principe des priorités pour concentrer ressources humaines et moyens matériels sur quelques points décisifs susceptibles d’endiguer la pauvreté, notamment l’agriculture, qui occupe plus de 70% de nos populations. Cela suppose, entre autres, de trouver une issue aux subventions accordées par les Européens et les Américains à leurs agriculteurs, qui pénalisent les paysans africains.

La pauvreté étant appréhendée comme un ensemble de manque d’accès à la santé, à l’éducation, à l’eau potable..., il faut admettre, comme Jeffrey Sachs, conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour les « objectifs du millénaire », qu’une lutte efficace contre cette pauvreté implique, au préalable, l’identification par les gouvernements (par lesquels passe la majeure partie des aides publiques au développement et des prêts) des besoins des populations, secteur par secteur, et l’ évaluation du coût financier, en vue d’affecter les sommes nécessaires à ces priorités, tout en s’entourant des garanties pour que ces sommes soient réellement destinées aux dépenses en rapport avec l’éradication de la pauvreté, dans chaque Etat pauvre d’Afrique.

Il est reconnu que, depuis les années 1960, l’Afrique a reçu plus de 500 milliards de dollars d’aide qui l’ont davantage appauvrie, car une majeure partie des fonds reçus (40%) a servi à alimenter les comptes en banque en Suisse de ses dirigeants (chaque année, 35% des richesses de l’Afrique sont exportées illégalement) et à asseoir leur pouvoir dictatorial en entretenant des armées prétoriennes et des réseaux politico-mafieux comme ceux de Françafrique. L’autre partie (60%) (aides fantômes) a profité aux donateurs (financement des consultants des pays riches et de la logistique occidentale).

Le gouvernement français, l’initiateur de ce projet, étant l’un des pires des donateurs (89% de son APD est qualifiée de «  fantôme » selon l’ActionAid, une ONG britannique), on peut craindre que cette taxe, qui sera recueillie via une "facilité internationale d’achat de médicaments" (FIAM), au lieu de contribuer directement à combattre les maladies (paludisme, Sida...), ne serve qu’à payer des honoraires exorbitants du personnel médical et des ONG expatriés, à enrichir les industries pharmaceutiques européennes et à remplir les poches des dirigeants africains corrompus à la tête de nos pays.

Plutôt qu’attendre une taxation des billets d’avion, qui ne sera qu’une « aide fantôme » de plus, nous ferions mieux de contraindre par tous les moyens les gouvernements africains à s’approprier la lutte contre la pauvreté, et à mobiliser les moyens internes et externes pour satisfaire les besoins élémentaires de nos populations.

Bruno TSAKADI


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5 réactions à cet article    


  • Méric de Saint-Cyr Méric de Saint-Cyr 7 mars 2006 20:26

    Le temps ne serait-il pas venu d’arrêter de maintenir les pays dits « émergeants » dans un assistanat qui les empêche de devenir responsable de leur destin ?

    Mobutu est peut-être mort, mais le système du « tout pour le chef » continue d’exister, plus que jamais, que ce soit au Zimbabwé, aux deux Congo, au Tchad, au Gabon, en Angola, en Côte d’Ivorie, etc.

    Je pense que le seul moyen pour l’Afrique de vraiment s’en sortir, c’est que l’on cesse de financer des aides à ce continent dont vous dites si bien qu’elles se retrouvent sur des comptes secrets en Suisse (cf la fortune personnelle d’Houphouet Boigny et de tant d’autres dictateurs). Tant que l’Afrique n’aura pas fait sa révolution politique, sa révolution culturelle et surtout sa révolution démocratique, lui verser des aides reviendra à remplir un tonneau percé.

    Mais qui va nous entendre ? les chefs font leur beurre entre eux et ils n’en ont rien à foutre de la « vérité »... Pour faire plier une dictature, surtout lorsque celle-ci est soutenue par une puissante milice et les intérêts économiques européens (surtout français), vouloir une vraie démocratie, c’est toujours prendre le risque de se faire tuer. L’assassinat de Patrice Lumumba en 1961 en est un triste exemple qui reste un traumatisme pour tout le peuple africain.


    • Méric de Saint-Cyr Méric de Saint-Cyr 7 mars 2006 20:40

      POST SCRIPTUM

      D’autant plus amusant de constater que parmi les pays qui ont décidé de suivre l’initiative de Jacques Chirac on y trouve le Congo et la Côte d’Ivoire qui sont pourtant des dictatures notoires. Devinez où va finir l’argent ?


      • chaki (---.---.26.134) 8 mars 2006 01:09

        si toute les richesses naturelles africaines serait vendu au prix de leur effort,mais pas au prix de la spécculation boursiére alors oui il pourront vivre sans les aides des grandes puissances


        • Anthony Meilland Anthony Meilland 8 mars 2006 08:59

          Pour vendre leur matières premières à un prix plus juste, ils faudrait que les pays du sud (et en particulier ceux d’Afrique) s’inspirent de l’OPEP. Crée un cartel qui controlerait une grande partie de la production de cacao, de café et autres ressources alimentaires, mais aussi des nombreuses ressources minérales serait, je le pense, une bonne chose pour sortir l’Afrique de la misère dans laquelle nous la maintenons.

          Mais pour cela, il faut commencer par détruire définitivement le système tutelaire de l’Afrique qui bénéficie aux anciennes puissances coloniales (et aussi éviter que les USA et la Chine ne les remplacent).

          Il faut aussi encourager la délocalisation des nombreuses entreprises européennes vers l’Afrique. L’ouverture récentes de centres d’appel dans des anciennes colonies françaises (Maroc, Sénégal ...) est de ce point de vue une exclente chose.

          L’education est aussi un point primordial. Il faut favoriser le développement des écoles et surtout des Universités en Afrique. Des partenariats entre université européenne et africaines doivent se développer pour éviter la fuite de cerveaux vers l’Europe. Un certain ministre de l’intérieur voudrait que nous choisissions les « meilleurs étrangers » pour leur permettre de vivre en France, je pense au contraire qu’il faut les encourger à rester dans leur pays et leur donner les moyens de réaliser des projets innovants (aux moyens de bourses pour la création d’entreprises par exemple).

          On le voit bien en Inde ou en Chine, le développement passe par ces 3 critères :
          - controle de ses richesses
          - développement industriel
          - Qualité des Universités


        • Yaarg (---.---.31.39) 14 mars 2006 10:51

          patricemorize a écrit le 13 mars 2006 « je me demande ce qui est fait du fric ,aussis bien par le reçeveur que le donneur ».

          La réponse est pourtant très simple : détournement de fonds, blanchiment d’argent, sale, pillage, corruption, etc.

          La dissolution d’Air Gabon en est un bel exemple.

          Pour faire bref et un peu caricatural, les poules aux oeufs d’or de l’Afrique suscitent trop de convoitises et sont tuées au fur et à mesure. Je ne sais pas si l’Afrique est foutue, mais en tout cas, elle est vraiment mal barrée...

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