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Accueil du site > Tribune Libre > Référendum d’initiative manifestante ou manifestation (...)

Référendum d’initiative manifestante ou manifestation délibératoire

La première manifestation intersyndicale contre le projet de réforme des retraites a rencontré le succès. Toujours très difficile à établir étant donné la bataille entre le ministère de l’Intérieur systématiquement en dessous de la vérité et ceux des syndicats systématiquement au-dessus de la réalité, les chiffres passent du simple au double sinon plus. (1 lien) Les syndicats étant satisfaits, cette manifestation sera donc renouvelée dans le but que le gouvernement renonce à son projet ou le modifie dans ses points principaux, notamment le recul de l’âge de départ à la retraite.

Aux chiffres s’additionnent les commentaires. L’exécutif fait preuve de pondération avec des déclarations comme celui d’Élisabeth Borne : « Permettre que les opinions s'expriment est essentiel pour la démocratie », ou d’Emmanuel Macron qui en déplacement à Barcelone, a jugé qu'il était « bon et légitime que toutes les opinions puissent s'exprimer ». Jusqu’au moment où Olivier Véran énonce qu’il compte sur « l’écœurement, le dégoût, la résignation », tandis que Stanislas Guerini, de rappeler : « La mobilisation ne change pas le projet ». Quant à l’intersyndicale, elle compte sur un effet d’entraînement. Le bras de fer est engagé entre la rue et le gouvernement : à coup de propagande et contre-propagande relayée par les médias ; à coups de sondages sur la participation aux manifestations ; entre manifestants et forces de l’ordre (encore que cette première journée de manifestation se soit déroulée dans le calme).

Mais, dans un pays se disant démocratique, le droit de manifestation ne peut-il être qu’un rapport de force ? En effet, le constat est que lorsque le peuple revendique, les espoirs se mêlent à la peur. Espoir de voir gagner les uns ou les autres ; peur des violences et des débordements durant les manifestations, peur de voir le pays bloqué, peur de l’insurrection. Mais, n’est-il pas étonnant qu’un droit fondamental comme celui de manifester ne déclenche que des peurs, des confrontations ou le sentiment/réalité de ne pas être écouté ? Pire que cela, les autorités s’escriment à limiter son expression pour éviter les débordements sans aller au fond du problème qui est celui de la frustration des manifestants de ne pas se sentir reconnus dans leur fonction citoyenne.

Le droit de manifester : un droit fondamental reconnu par de nombreux textes lien

Le droit de manifester est un droit fondamental reconnu et protégé par des textes nationaux et internationaux. […]

Le droit de manifester n’apparaît pas clairement dans la Constitution de 1958 mais plutôt dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (qui a valeur constitutionnelle).

L’article 10 de la Déclaration précise que :

« Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »

Ainsi, chaque personne est libre de manifester ses opinions dès lors que la paix et la sécurité restent garanties.

Le Conseil constitutionnel, chargé de veiller à ce que les lois votées par le Parlement respectent les dispositions contenues dans la Constitution, a par ailleurs établi, par une décision en date du 18 janvier 1995, que le droit de manifester se rattache au « droit d’expression collective des idées et des opinions ».

Ce droit de manifester est également prévu et protégé par la Convention européenne des droits de l’homme, convention de valeur internationale que la France a ratifiée.

L’article 11 indique que « Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association ».

Jusqu’en 1935, il n’y avait pas à proprement parler de droit de manifester mais plutôt une tolérance de manifestation, comme le disait le célèbre homme politique Georges Clemenceau. [...] »

La loi du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations, dite « loi anti-casseurs »

Au lendemain des manifestations des Gilets jaunes qui ont fait l’objet de nombreuses violences tant du côté des manifestants que du côté des forces de police ( 279 blessés graves, 22 éborgnés, 5 mains arrachées, 1 personne décédée, 8700 gardes à vue, 2000 procès, 1500 comparutions immédiates, 40 % de peines de prison ferme), Édouard Philippe annonce une révision législative entourant la liberté de manifester qui se traduit par des mesures répressives et préventives permettant :

– de procéder, sur les lieux d'une manifestation et à ses abords immédiats, à l'inspection visuelle et à la fouille de bagages ainsi qu'à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public.

– à procéder à ces contrôles afin de rechercher les auteurs du délit de participation à une manifestation en étant porteur d'une arme sous condition que le procureur de la République détermine précisément, le lieu et la durée des opérations de contrôle, en fonction de la manifestation attendue.

Mais le cœur de cette loi devait être un article jugé anticonstitutionnel qu’Emmanuel Macron voulait faire passer. Elle aurait permis aux préfectures de prononcer des interdictions individuelles de manifester. Si cette décision est un camouflet pour le président de la République et son gouvernement, rappelons-nous que notre président a tenté de porter atteinte à un droit fondamental, celui de manifester.

Et pourquoi n’imaginerait-on pas une manifestation paisible qui déclenche une procédure législative ?

Le droit de manifester est un critère de démocratisation d’un pays, mais s’il n’est pris par les gouvernements que comme un droit qu’il faut supporter. On se demande alors en quoi cela en fait-il un outil de la démocratie représentative ? Dans le registre « cause toujours, tu nous intéresses », la démocratie a droit à mieux que cela. La manifestation défendue et protégée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et la Déclaration universelle des droits de l’homme ne servirait donc qu’à permettre de battre le pavé ? C’est un peu court, surtout lorsqu’on voit les dégâts qu’elles peuvent occasionner.

Alors, imaginons que le droit de manifester se traduise par une institution constitutionnelle ? En effet, pourquoi la seule manière que le peuple a pour exprimer sa volonté, le soit uniquement par les urnes ?

Constitutionnellement, la souveraineté revient au peuple et est exercée par les représentants élus. Dans le cas d’une manifestation, sur un projet de loi précis, le peuple revendique le droit d’exercer directement sa souveraineté par le biais d’une de ses fractions : syndicale, associative ou collective.

Il paraît évident que si les revendications à l’origine d’une manifestation pouvaient être prises en compte immédiatement par le gouvernement et le Parlement, les dégradations que tout le monde redoute n’auraient plus lieu. Quel pourrait être ce nouveau processus démocratique qui pourrait satisfaire les manifestants, le gouvernement et les riverains de la manifestation ? En s’appuyant sur le principe du RIP ou du RIC, deux solutions sont possibles : soit un référendum d’initiative manifestante, soit la manifestation délibératoire. Ces outils démocratiques peuvent être reproduits à l’échelle locale en se basant sur le corps électoral du territoire concerné.

Déclenchement du référendum d’initiative manifestante, ou de la manifestation délibératoire

Les organisateurs doivent présenter une pétition signée par 2 % du corps électoral, soit 900 000 signatures environ actuellement, et que cette pétition soit portée à l’AN par un nombre équivalent de manifestants dans toute la France.

 

Le référendum d’initiative manifestante

La pétition demande que soit organisé un référendum sur le projet du gouvernement.

 

La manifestation délibératoire

La pétition porte des propositions et un ou plusieurs refus. Dans le cas où plusieurs manifestations et collectes de signatures auraient lieu simultanément avec un nombre suffisant pour que les pétitions soient prises en compte, les parlementaires organisent les débats en tenant compte de toutes les propositions et tous les refus avec mission de trouver le consensus. Lorsque le débat parlementaire est terminé, un délai d’un mois est donné avant de passer au vote, ce qui permet à une éventuelle manifestation de s’organiser de nouveau.

Ces procédures doivent être affinées.

Afin que les chiffres soient justes et incontestables, le comptage des manifestants ainsi que la collecte des signatures et son dépouillement doivent être encadrés par des organismes indépendants contrôlés à la fois par les représentants élus et des citoyens.

On peut s’attendre à ce que certains brandissent la menace de la déstabilisation permanente comme si une telle procédure pouvait être déclenchée facilement, et comme si les parlementaires étaient incapables de composer avec ceux qui les ont élus. La question est de savoir si le gouvernement veut faire un pas vers plus de démocratie, et si la France veut redevenir le moteur de la démocratie dans le monde.

Ce qu’il faut retenir, c’est que dans l’hypothèse où l’une ou l’autre solution était retenue, le droit de manifester comme nous l’avons toujours fait persisterait.


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3 réactions à cet article    


  • chat maigre chat maigre 31 janvier 2023 21:45
    chat maigre 31 janvier 21:25

    @Astrolabe

    tu n’as pas aimé que je te dise d’aller jouer au poker si tu aimes tant mentir du coup tu efface tous mes commentaires de la soirée

    toi pour faire le menage tu es efficace !!
    je te donne 15 euros de l’heure pour venir faire le ménage chez moi 2 ou 3 fois par semaine si tu veux


    • Eric F Eric F 2 février 2023 18:47

      ’’ référendum d’initiative manifestante’’ Autant plus simplement introduire dans la constitution un véritable referendum d’initiative populaire (avec le quorum que vous indiquez). Rien n’empêche alors d’appeler à manifester pour soutenir une proposition (ou l’appel à rejeter un projet de loi)

      ’’ manifestation délibératoire’’ Cela ne peut pas se faire dans le cadre de manifestations massives, mais de groupes de proposition. ça part d’un bon sentiment, mais on a vu dans le cadre du ’’grand débat’’ que ça phosphore dans tous les sens en proposant tout et son contraire, et la synthèse est mise au placard.


      • Taverne Taverne 2 février 2023 19:41

        Votre idée est intéressante. Quand une manifestation de grande ampleur se déroule dans la civilité, elle mériterait d’être prise en compte.

        Mais cela supposerait une révision de notre constitution car nous sommes en démocratie indirecte, ce qui signifie que nos représentants élus de façon régulière sont censés s’exprimer en notre nom.

        Mais on voit bien que certains de ces élus, à commencer par le premier d’entre eux, abusent de la philosophie de ce système. Il faudrait poser des limites institutionnelles à ce dévoiement de l’esprit des lois. 

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