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Rénovation énergétique : les CEE sur la sellette

Afin de lutter contre le réchauffement climatique, l’État a multiplié les initiatives de rénovation du bâti français, dont les Certificats d'Economies d'Energie. Ces derniers ont toutefois fait l’objet d’un rapport critique par l’UFC-Que Choisir, qui souligne des disfonctionnements du dispositif.

Le marché de la rénovation en France

Dans le cadre de la COP 21 la France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Pour remplir cet objectif, il est crucial que le pays rationalise sa consommation d’énergie – une grande partie des émissions étant liées à la production d’énergie. A cette fin, l’État a identifié les grands secteurs où des réformes pourraient impacter substantiellement la consommation française. Au sommet de cette liste, on trouve le bâtiment qui représente à lui seul 45% de la consommation d’énergie finale et 27% des émissions de gaz à effet de serre. Aussi, la rénovation des immeubles est devenue une priorité nationale dans la lutte contre le changement climatique.

Cette gourmandise énergétique est due à une précarité d’une partie importante du parc bâti français – autrement dit, un trop grand nombre de logements sont mal isolés et difficiles à chauffer. C’est pourquoi le gouvernement s’est engagé à accélérer la rénovation des bâtiments énergivores (on en compte 7 millions en France, dont 3,8 millions occupés par des ménages en situation de précarité énergétique).

Dans le cadre du Plan Climat, le gouvernement s’est engagé à accompagner tous les ménages de l’hexagone. "Notre priorité est de protéger les plus fragiles face au froid. Il nous faut promouvoir une rénovation énergétique abordable pour tous. La rénovation est une opportunité pour la filière du bâtiment dans nos territoires et un moteur pour l’innovation", a détaillé Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires.

Afin de redynamiser cette action, l’ensemble des Français et des acteurs de la rénovation ont été consultés entre novembre à fin janvier 2018, afin d’enrichir le plan et établir une stratégie à long terme permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050. En résulte un plan de rénovation ambitieux, qui s’articule autour de 4 grands axes : faire de la rénovation énergétique une priorité nationale identifiée aux objectifs hiérarchisés, lutter contre la précarité énergétique et massifier la rénovation pour les particuliers, favoriser la rénovation des bâtiments publics et tertiaires et enfin renforcer les compétences et l’innovation.

A quoi servent les Certificats d'Economies d'Energie (CEE) ?

Les Certificats d'Economies d'Energie (CEE) sont un des principaux instruments de la politique de maîtrise de la consommation énergétique du bâti français. Ils ont pour objectif de promouvoir l’efficacité énergétique. Depuis le 13 juillet 2005, dans le cadre de la loi POPE, les vendeurs d’énergie français (EDF, Total, Engie, Carrefour, etc.) ont l’obligation de participer activement à la réalisation d’économies d’énergie par les propriétaires ou les locataires en cofinançant certains travaux améliorant la performance énergétique d’un logement (changement de chauffage, isolation des murs, etc.).

Tous les travaux ne sont pas éligibles à cette aide. Pour souscrire à un CEE, il faut avant tout respecter les exigences de performance énergétiques minimales ; que les travaux soient réalisés dans un logement achevé depuis plus de 2 ans, qu’il s’agisse d’une résidence principale ou secondaire, d’une maison individuelle ou d’un logement collectif. Le tout en gardant à l’esprit d'améliorer la performance énergétique de l’habitat. En outre, les particuliers ne peuvent bénéficier que d'une seule aide CEE par opération réalisée et les fournisseurs sont libres de fixer les modalités de l’aide qu’ils proposent.

L’obligation est proportionnelle à leurs volumes de ventes (1 CEE = 1 kWh cumac d’énergie finale). Le calcul d’économie d’énergie se fait en kWh cumac (cumulé et actualisé, soit le cumul des économies d’énergie annuelles réalisées durant la durée de vie de ce produit). A titre indicatif, la consommation énergétique résidentielle d’un million de Français pendant 15 ans équivaut à environ 100 TWh cumac.

Les obligations des fournisseurs d’énergies

Après deux périodes qui ont permis sa montée en puissance (501 TWh cumac sur les années 2006-2014), le dispositif des CEE vient d’achever sa troisième période d’obligation avec un objectif de 700 TWh cumac sur la période 2015-2017. L’obligation imposée aux vendeurs d’énergie en quatrième période (2018-2020) équivaut à 1600 TWhc, dont 400 TWhc à réaliser au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique.

En fin de période, les vendeurs d’énergie doivent justifier auprès du Pôle National des certificats d’économies d’énergie de l’accomplissement de leurs obligations. En cas de non-respect de leurs obligations, ils sont tenus de verser une pénalité libératoire pour chaque kWhc manquant.

EDF est le premier contributeur de CEE en France, avec l'équivalent de 33 térawattheures cumac par an sur la période 2011-2014. L’entreprise française est responsable de 40 % des économies à réaliser sur le territoire. Dans ce cadre, l’énergéticien offre des aides financières aux ménages. Il a également décidé de diversifier son activité afin d’accompagner ses clients dans leurs initiatives d’économies d'énergie. Par exemple, EDF a signé en 2015 un double accord avec les fabricants d’ampoules LED basse consommation Panasonic et Osram. Ces dernières permettent une réduction d'environ 80 % par rapport aux ampoules à incandescence. Ainsi, chaque unité vendue rapporte 400 kilowattheures cumac, d’après Sylvie Jehanno, directrice clients particuliers chez EDF.

Total verse également une aide financière pour certaines opérations comme les travaux d’isolation ou l’installation d’équipements de chauffage à partir d’énergies renouvelables. L’entreprise a ainsi octroyé 340 000 euros de primes dans toute la France. Engie s’inscrit elle aussi dans le dispositif des CEE via le programme Prime Economies d’Energie.

Les critiques fusent qui remettent en cause les CEE !

Les CEE sont aujourd’hui sous le feu des critiques. La plus récente vient d’un rapport accablant de l’UFC-Que Choisir, qui déplore que le mécanisme soit largement méconnu faute de promotion. Ainsi, 53 % des ménages disent avoir entendu parler du dispositif sans réellement savoir de quoi il s’agit, et 34 % n’en ont jamais entendu parler d’après un sondage Ifop effectué en décembre 2017.
En outre, les CEE souffriraient de lourdeurs administratives. Ainsi, 73 % des ménages n’ayant pas recours aux CEE étaient au fait de leur existence quand ils ont entrepris leurs travaux mais ont renoncé compte tenu des lourdeurs et limites du dispositif. De fait, la demande d’aide doit être déposée avant la signature du devis et l’aide peut être refusée une fois les travaux déjà terminés si certains documents sont jugés a posteriori non conformes. "Pour la pose d’une chaudière individuelle par exemple, un consommateur n’entamera pas nécessairement une demande fastidieuse de CEE pour toucher une prime de 155 euros sur un coût total de 3.113 euros", souligne l’étude.

Pour Olivier Sidler, porte-parole de l'association négaWatt, spécialiste des questions de maîtrise de l'énergie dans le bâtiment, l’État ne se donne pas les moyens de son ambition. "L’incitation comme seul moteur du passage à l'acte n'a jamais permis nulle part dans le monde, d’atteindre les taux annuels de rénovation de 3% qui sont nécessaires pour être au rendez-vous en 2050", affirme-t-il. "L’Allemagne ne rénove que 0,8% de son parc malgré 25 % de subventions et des prêts très bonifiés. Même les copropriétés disposant de 80 % de subventions ne réalisent pas les travaux. Il ne faut plus perdre de temps avec ce leurre et entrer vite dans l'obligation à rénover."

Olivier Sidler pointe du doigt un autre paradoxe : le cadre mis en place n’est pas incitatif faute de vrai marché de la rénovation. "Aujourd’hui la profession n’est pas intéressée à se former et à travailler sur la rénovation, parce que cela ne débouche sur aucune activité supplémentaire : il n’y a pas de demandes. Les dispositifs financiers ne sont pas optimisés." Un avis partagé par Marc Jedliczka, vice-président du CLER, un réseau d’acteurs engagés dans la transition énergétique. "Ce sont de nouvelles techniques, de nouveaux métiers qui représentent un vivier d’emplois mais nécessitent un apprentissage et de la collégialité. On ne peut pas se passer d’une montée en formation des professionnels du bâtiment."

En l’état, le plan national pêche par deux aspects. Déjà il y a un problème d’échelle. « Pour tenir le délai inscrit dans la loi [de transition énergétique], il est indispensable de rénover 650 000 logements par an » - un chiffre qui ne sera pas atteint en l’état. En outre, il dissocie trop entre les différents types de travaux là où il faudrait les regrouper pour faciliter les procédures. "On sait aujourd’hui que rénover par morceaux, les fenêtres d’un côté, l’isolation de la toiture de l’autre, cela revient plus cher au final, et c’est inefficace du point de vue écologique", conclut Marc Jedliczka.

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5 réactions à cet article    


  • Attila Attila 22 février 2018 17:06

    Le problème général de tous ces dispositifs étatiques est que les travaux doivent impérativement être réalisés par des professionnels selon des normes absconses. Cela renchérit beaucoup le coût des travaux.
    Il est souvent plus intéressant de réaliser les travaux soi-même, tout ou partie. Même sans subvention, cela revient moins cher.

    .


    • wawa wawa 22 février 2018 18:42

      @Attila

      oui, le temps passé à remplir un cerfa, on a eu le temps de poser soi meme sa couche de laine de verre.

      J’ignorais complètement les CEE.


    • sweach 23 février 2018 09:29

      C’est encore et toujours du gros foutage de gueule.


      Actuellement quand on veut faire une rénovation de logement, il faut pleurer au près de l’administration, il faut respecter des modes opératoire strict et ça permet souvent d’obtenir des réductions d’impôt.

      Donc celui qui ne paye pas d’impôt, celui qui ne sait pas qu’il faut pleurer ou celui qui ne respecte pas le bon mode opératoire pour rénover, il la dans l’os.

      Le plus accablant, c’est que presque tout les matériaux de construction sont taxés, avec une TVA variable en fonction du mode opératoire utilisé pour avoir le matériaux.

      Ca devient tellement absurde que le pauvre smicar qui veut isoler sa toiture, ça lui coûtera bien plus chère en le faisant lui même avec des matériaux de mauvaise qualité, qu’un cadre supérieur qui utilisera une entreprise et le top des matériaux.

      Pour moi il suffi juste de virer toutes ces aides de riche et de supprimer les taxes sur la matière première, voir carrément encadrer les prix.

      • Attila Attila 23 février 2018 11:42

        @sweach
        " Ca devient tellement absurde que le pauvre smicar qui veut isoler sa toiture, ça lui coûtera bien plus chère en le faisant lui même avec des matériaux de mauvaise qualité, "

        Pas sûr. Je dois faire moi-même l’isolation extérieure de ma maison. Coût avec une entreprise : 100€ du mètre carré. Pour 120m² cela fait 12000€
        En faisant moi-même : polystyrène expansé 12 cm : 2700€ , enduit fait par une entreprise : 3000€ environ.
        Total : 6000 € au lieu de 12000.

        .


      • sweach 23 février 2018 14:12

        @Attila
        *Pas sûr. Je dois faire moi-même l’isolation extérieure de ma maison*
        Où est l’allègement fiscal dans votre calcul ?


        Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), 
        réduit de 30% l’entreprise, donc on passe de 12000 à 8400 euros

        L’éco-prêt à taux zéro : une facilité de financement, vous permet de financer vos travaux, là ou un prêt personnel sera de l’ordre 4.3%, donc on passe les 6000 euros à 6750 euros

        L’aide financière HABITER MIEUX : c’est de l’argent cash de l’état donner sous condition, c’est trop compliquer de donner un chiffre, mais bon pour 12000 euros on peut tabler sur une aide de 3000 euros, donc on passe de 8400 euros à 5400 euros

        précarité énergétique, chèque énergie, etc ....

        Je reste sur mon point de vu, un smicar seul dans son coin payera plus qu’un riche avec plein d’aide.

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JDevran


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