Reproduction sexuée & Évolution
Les forces de l’esprit sont dérisoires par rapport aux forces de la vie décrites par les scientifiques, elles ne servent qu’à maquiller une réalité qui ne dépend pas d’elles. La reproduction sexuée constitue le moteur incontournable de l’évolution des espèces. Les temps modernes vont mettre fin à ce règne de quelques millions d’années.
Les organismes vivants sont constitués de cellules dont lesquelles se trouvent un noyau contenant les chromosomes porteurs de toutes les informations nécessaires pour guider sa vie et celle de son éventuel progéniture. L’ADN (acide désoxyribonucléique) est l’élément chimique qui constitue les chromosomes porteurs des gènes (20 000 environ pour l’espèce humaine) codant chacun pour une protéïne qui assurera un rôle dans le type de développement ultérieur. Deux facteurs prépondérants et impliquant le hasard vont façonner la diversité génétique :
- les mutations génétiques accidentelles qui modifient la séquence ADN d’un gène. La mutation peut être héréditaire ou non (stérile). Dans le premier cas la mutation peut participer à la biodiversité.
- la reproduction sexuée qui marie (normalement consciemment) les génomes d’un mâle et d’une femelle, d’un homme et d’une femme.
Les deux processus font appel au hasard. Le premier par un accident impromptu, souvent brutal du point de vue génétique, qui sera le plus souvent sans descendance, mais qui pourra aussi conduire à un nouveau type ou une nouvelle espèce. Le second se déroule en confiant le patrimoine génétique de sa descendance aux hasards d’une rencontre entre un mâle et une femelle. La gamme des gris qui peut être explorée par une reproduction sexuée est bien moindre que lors d’une mutation mais les unions ont plus de chances d’être fécondes.
La reproduction asexuée est relativement pauvre en capacités de biodiversité. « Il existe une relation assez étroite entre l’organisation simple des êtres inférieurs et la reproduction asexuelle. »* Même si l’affirmation semble quelque peu cynique, il ne fait guère de doute que la reproduction sexuée est incomparablement plus efficace que la scissiparité pour obtenir une population dynamique et innovante.
Les infusoires, animaux microscopiques, possèdent des cils pour capturer des bactéries leur servant de nourriture et les amener vers une ouverture qui leur sert de « bouche ». Lorsqu’ils ont absorbé suffisamment de nourriture, leur corps se partage en deux parties formant ainsi plusieurs individus indépendants. La sexualité, assurée par un petit noyau cellulaire, ne joue aucun rôle dans la reproduction, mais elle assure de temps à autre le renouvellement du patrimoine génétique par une sorte d’accouplement dans lequel la cellule mâle est indiscernable de la femelle. La richesse de la reproduction asexuée se limite pour l’essentiel aux infusoires et à des microorganismes du même type.
Les siècles vont succéder aux siècles, les millénaires aux millénaires, les millions d’années aux millions d’années, chaque instant étant sujet aux hasards du temps et façonnant ainsi le patrimoine génétique de toutes les espèces vivantes, l’espèce humaine ne différant pas des autres quant aux mécanismes mis en oeuvre, ce qui importe c’est survivre grâce à une reproduction adaptée.
La reproduction sexuée adoptée par l’espèce humaine relève de l’instinct, sa raison n’habille de lumières qu’une réalité crue, tout comme ce qui la précède le désir. Ce désir doit être intense et presque irréfragable afin de fournir une descendance nombreuse et diverse. La création comme la procréation est du domaine de l’irrépressible, il s’agit d’un élan venu des tréfonds de l’être et qui surgit sans que l’on puisse en discerner une origine construite. L’acte créateur concerne l’individu seul même s’il a cultivé un terreau fourni par autrui. La procréation traditionnelle concerne également un couple pas une tribu afin d’assurer le suivi des futurs enfants.
Une façon de se débarrasser de l’omniprésence du sexe lors de l’évolution est de réserver les ébats nuptiaux à une toute petite minorité de la collectivité. C’est le cas des termites ! Les termites vivent au sein de colonies hautement hiérarchisées et sont doués selon les dires d’une grande intelligence collective. Certains termites sont des individus neutres ou stériles, et d’autres sexués. Les premiers n’ont pas d’ailes et servent comme soldats afin de défendre la colonie. D’autres individus aptères sont des ouvriers chargés des travaux d’aménagement et de d’approvisionnement de la colonie. Les adultes sexués ailés doivent le jour venu sortir de la colonie pour rechercher un partenaire sexuel. Les termites sexués perdent leurs ailes après le vol nuptial durant lequel les reines vierges s’accouplent avec les mâles avant de se poser pour fonder de nouvelles colonies.
Les processus biologiques n’ont qu’un seul but, perpétuer le matériel biologique. La procréation sexuée permet d’obtenir une certaine adaptabilité aux conditions environnantes et aux rivalités éventuelles. Mais la survie dépend également de la force, et la force d’individus isolés est ridicule devant les dangers qui les guettent. Des groupes se constituent qui, grâce à l’union des chétifs, vont permettre de se mettre à l’abri des périls. La puissance d’un groupe dépend d’us et de coutumes, d’une morale afin de pouvoir rester ensemble, et ces règles n’ont rien à voir avec les appétits individuels. « Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain. »**
Il fallut l’autorité d’un dieu unique pour imposer les règles d’une vie en groupe à des individus animés par l’instinct de création et de procréation, ainsi naquit la morale. Moïse qui va porter le message nécessaire pour communier les appétits des uns avec les nécessités de la vie en communauté est né vers 1280 av. J.-C. et la teneur du message restera à peu près inchangée jusqu’aux jours qui précèdent la révolution industrielle que l’on peut dater à 1850.
La révolution industrielle fait basculer les sociétés à dominante agraire et artisanale vers d’autres commerciales et industrielles, la transition est possible grâce aux utilisations judicieuses des ressources d’énergies fossiles. En particulier, la révolution industrielle s’accompagne d’une transition démographique d’une natalité et d’une mortalité fortes vers des taux de natalité et de mortalité faibles s’accompagnant d’un accroissement de la population totale dans un premier temps. La relative autarcie des individus et des nations fait place à une collectivisation, devenant peu à peu générale, des styles de vie et d’échanges.
L’énergie abondante et l’ingéniosité des techniciens permirent d’établir un nouveau type de société pour laquelle la survie n’est plus la seule obsession, ce qui importe c’est de jouir durant les quelques décennies offertes par la Nature, personne ne rêvant plus d’éternité. La consommation n’est même plus un moyen d’avoir mais d’être. « L’Homme vit dans et à travers les objets qu’il consomme. »*** Le monde réel disparait et est remplacé par une illusion du vrai monde construite à partir de ses envies, de ses émois et surtout de ses intérêts. Des libertés de tout type sont mises en avant pour asseoir une même frénésie de domination selon des mécanismes qui relèvent de la magie noire d’envoûtement collectif. Le vrai s’efface devant le vraisemblable, les vérités derrière les envies.
Les centaines de milliers d’années d’évolution génétique dictée par la recherche de la seule survie ne représentent pas grand-chose par rapport aux deux derniers siècles qui apportèrent la satiété aux Hommes en mettant à profit une énergie photosynthétique accumulée pendant des millions d’années. Le sexe devenu un divertissement comme un autre n’a plus aucun rôle dans la perpétuation de l’espèce qui peut se faire en éprouvettes ou en louant les services de bonnes âmes. Il n’est pas douteux que des lois, traités, règlements vont régenter dans un proche avenir la démographie imposée au sein des laboratoires. Les rejetons-éprouvettes seront coûteux à produire et présenteront des caractéristiques tellement proches de ses commanditaires qu’une société moribonde de tous-pareils, de semblables, est probable. Il subsistera cependant, comme pour les termites, des ouvriers et des soldats stériles pour subvenir aux besoins d’une infime minorité.
*H. Lebrun Revue Philosophique de Louvain 78-102 (1900) ** Un des dix commandements *** Jean Baudrillard
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