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Accueil du site > Tribune Libre > République, laïcité, encore et toujours !

République, laïcité, encore et toujours !

Par André Bellon (écrivain), Michel Bouchaud (proviseur honoraire), Samuël Tomei (historien).

Nommer Rokhaya Diallo au conseil national du numérique allait à coup sûr provoquer d’âpres polémiques et, une fois l’erreur admise, la biffer de la liste des heureux élus revenait à la hisser au rang de victime, figure positive qui, de nos jours, a remplacé le héros. Le secrétaire d’État concerné a raison de considérer que les qualités, en matière numérique, de la militante « féministe intersectionnelle et décoloniale » (sic) ne sont pas en cause car, inutile de se voiler la face, c’est bien de l’idéologie qu’elle défend qu’il est question.

Jean Baubérot a récemment pris la défense de Mme Diallo avec laquelle il a écrit un livre. Or ses arguments – souvent d’autorité – étonnent de la part d’un esprit pourtant connu pour sa finesse, de la part de l’ancien titulaire de la chaire d’histoire et sociologie de la laïcité à l’École pratique des hautes études ; à croire que le cas est décidément difficile à plaider.

L’intellectuel va jusqu’à considérer qu’à travers Rokhaya Diallo, c’est « à la République que l’on fait du mal ». Et c’est à la République qu’on fait du mal car Mme Diallo jouirait d’une « reconnaissance internationale » ! Elle s’est en effet exprimée récemment au sein de l’ONU dans le cadre d’un groupe d’« experts »… Il faut se méfier de ce genre d’argument qui reviendra, à en suivre la logique, à conférer une légitimité plus grande encore à l’intervention d’une fripouille qui, elle, prêcherait du haut, excusez du peu, de la tribune de l’assemblée générale des Nations Unies – pure hypothèse, certes.

Précisément, qu’a dit Mme Diallo, aux Nations Unies ? Ses propos valent d’être cités ; ils concernent plusieurs États dont la France : « C’est un racisme d’État que je dénonce comme tel, même si les États le contestent, car il est produit par des institutions et car les États ne mettent pas en œuvre les moyens d’y mettre fin, bien qu’il mette en péril la vie de centaines de citoyens. » Passons sur ce dernier chiffre sorti de nulle part pour apprécier la cohérence : on dénonce à la fois un racisme dont l’État serait sciemment à l’origine et son impuissance à y mettre un terme... Comprenne qui pourra. Mme Diallo poursuit : « Il est impératif aujourd’hui que tous les pays se mobilisent pour reconnaître le caractère institutionnel du racisme hérité d’une histoire coloniale et esclavagiste et des pratiques créées à cette époque. » C’est la fameuse et fumeuse théorie du continuum colonial chère au parti des indigènes de la République… Continuum dont on exclut les Africains et les Arabes eux-mêmes puisqu’il semble que la conquête arabo-musulmane du Maghreb soit frappée de prescription et puisqu’on ne veut pas savoir que noirs et arabes ont également pratiqué l’esclavage – l’historien Pétré-Grenouilleau a failli naguère faire les frais de ce rappel devant les tribunaux. Le racisme ne peut qu’être celui des blancs ; en effet, selon les antiracistes racialistes, le noir ou l’arabe ne peut pas être raciste puisque, par nature, victime du blanc mû à son insu par le passé colonial de son pays – on exagère à peine hélas et peu importe que Clemenceau ait pris la tête dès les années 1880 d’un courant anticolonialiste qui n’aura cessé de prendre de l’ampleur. Finalement, la pensée « Diallo » s’inscrit comme une démarche raciste au sens où elle essentialise volontairement les blancs. Noir = victime, Blanc= bourreau. 

À la lumière des seuls propos ci-dessus cités, le plus étonnant n’est pas qu’on écarte Mme Diallo du CNN du fait de ce qu’elle pense mais qu’on ait songé à elle malgré ce qu’elle pense. Plus étonnant encore : elle n’a pas poussé des cris d’orfraie à l’idée qu’on lui propose de collaborer avec un État selon elle raciste par système ! Elle a préféré, donc, jouer la carte de la victimisation – carte gagnante si l’on en juge par la résonance médiatique de son exclusion du prestigieux conseil national avant même d’avoir pu y siéger.

La République a failli se compromettre avec une égérie d’une nouvelle forme de racisme appelée racialisme mais dont l’identité de structure avec le racisme politique « traditionnel » est claire et nette malgré l’indulgence dont il bénéficie de la part d’une certaine gauche – tout comme le racisme antérieur bénéficie de la mansuétude d’une certaine droite. Ce seul constat suffit à exclure Mme Diallo de toute structure étatique ou para-étatique tout comme un antisémite n’y aurait pas sa place. Jean Baubérot ne veut pas voir que cette idéologie différentialiste est précisément celle qui ethnicise la société au mépris de l’universalisme républicain qui voit avant tout l’homme en l’individu et non sa couleur de peau ou quelque autre caractéristique physique. Déjà Pierre-André Taguieff, il y a trente ans, mettait en garde contre cette dérive possible de l’antiracisme…

Le premier écart vis-à-vis de cet universalisme humaniste est d’ailleurs la bipartition radicale de l’humanité à travers la pratique de l’écriture inclusive – d’apparition récente dans les articles de Jean Baubérot – ou, ce qui revient au même, la systématisation du redoublement du masculin par le féminin et réciproquement (le fameux « celles et ceux ») qui essentialise l’homme-mâle et la femme, réduit l’individu à son sexe, lui interdisant l’abstraction émancipatrice grâce à laquelle il est partie de l’humanité indifféremment aux différences visibles dont il n’est pas responsable, différences qu’il ne s’agit pas de nier – et sur ce point M.Baubérot a raison : la République est indivisible mais pas « une et indivisible » – mais de subordonner à la loi commune afin qu’elles ne soient précisément pas source de droits particuliers.

On sera d’accord avec lui pour dénoncer le délit de faciès dont on ne saurait contester la réalité – exagérée par Mme Diallo puisque c’est son fonds de commerce –, mais défendre l’idée qu’il y aurait un racisme institutionnel en France est non seulement malhonnête d’un point de vue factuel mais moralement dangereux en ce que l’amalgame qu’on est dès lors immanquablement amené à faire avec les régimes de l’Europe occidentale du premier tiers du XXe siècle, ou avec l’Apartheid, conduit à banaliser ces derniers.

Que Jean Baubérot défende le droit pour Rokhaya Diallo d’aller rabâcher cette sornette, qui n’a pas la moindre réalité, selon laquelle il existerait un racisme d’État en France et que les blancs y seraient guidés par un inconscient colonialiste, nous le défendrons avec lui ; mais qu’il la soutienne sur le fond laisse pantois. Car si nous sommes d’accord pour dénoncer toute forme de racisme, de violence, policière ou autre, le remède n’est certainement pas le racialisme paranoïde de la gauche diversitaire mais bel et bien l’universalisme républicain, bien compris, si imparfaitement réalisé, et dans lequel s’inscrit la loi de 1905 que Jean Baubérot maitrise si bien : un texte qui dépasse un tolérantisme mortel à la République – celui de nos jours prôné par les différentialistes –, la République n’étant rien si elle ne fait fond sur les articles 1er et 3 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 – d’une actualité brûlante et qui resteront toujours à conforter.

André Bellon, Michel Bouchaud et Samuël Tomei

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9 réactions à cet article    


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 22 décembre 2017 10:21

    Au départ, ceux qui l’avaient nommée au CNN l’avaient confondue avec Rama Yade.

    C’est un peu comme si con confondait Angela Davis avec l’Oncle Tom.

    • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 22 décembre 2017 12:18

      @Jeussey de Sourcesûre

      Cette farce n’est qu’une variante du syndrome « Pocahontas ». 
      On peut le décliner à l’infini.
      Succès garanti au café du commerce.

    • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed MADJOUR 22 décembre 2017 13:44

      Canard républicain au pays mangeur des foies gras !!! 


      Justement cet « Article premier » est le plus grand leurre issu de la contre-révolution de la terreur et du terrorisme de 1789 qui avait bien rétabli les privilèges et les avait confortés ! 

      Le contenu de cet article est en totale contradiction avec la science et avec les fondements même de la vie sociale ! 

      - Aucun individu ne vient au monde avec le bonus de la liberté, 
      - Aucun individu n’est légal d’un autre individu ni en droit ni en devoir,
      - Les distinctions sociales ne se fondent pas seulement sur l’utilité commune !

      Et vous l’auteur, vous l’égal de de qui ? Vous allez lutter combien de siècles pour espérer devenir l’égal du rejeton d’une « plus grande fortune de France » ou du sorcier qui s’installera à l’Elysée ? 

      Vous pouvez rêvasser... 

      • hervepasgrave hervepasgrave 22 décembre 2017 14:37

        Bonjour
        Vos qualités reconnues n’ont aucune valeur humaine.Vous pouvez et le faites sans que cela ne vous chagrine .Pour ma part ce n’est pas mieux que les principes qui sont vendu.Faux dans la réalité des faits. Il ne s’agit pas de tourner autour des valeurs de 1786 ou toutes autres chartes qui ne sont que du vent.mais réellement , aujourd’hui nous les occidentaux qui nous vantons de la liberté,l’égalité etc nous ne sommes que pas mieux que les arabes dans le sens le plus large ou subjectif ou des des noirs et autres couleurs de l’arc en ciel ,ils sont tous aussi racistes que nous autres.Le problème de la définition du racisme est le nœud de l’affaire. Tout cela n’est qu’un commerce pour des personnes diplômées ,reconnus mais humainement sans aucune valeur.Autant réelle et que reconnue pratique . La seule et unique vérité n’est que de créer de mains d’hommes du racisme/Ceux qui en jouent,eux ne sont pas racistes et s’entendent a merveille ,pour pervertir les populations.Tout cela n’est qu’un mensonge éhonté. Pour ma part c’est un crime délibéré sciemment perpétué et commis contre l’humanité depuis des temps lointain.Une honte insupportable et cela continue a se vendre ??? Et ils ont des lauriers et la reconnaissance complaisance de leurs paires et vassaux !! quel cadeau de Noel ?? Cestpasgrave ! je deviens con et haineux contre les malfaisants déguisé en anges.Mais combien de victimes des soit disant apôtres de la justice pour défendre des bourreaux ??Le monde humain ou je vis n’est pas prêt d’être si ce n’est un paradis mais un paysage tranquille .Joyeux Noel et étouffez vous dans vos bontés imméritées qui vous font trop grassement vivre. « Oh ! le sale garnement !! »


        • jef88 jef88 23 décembre 2017 12:00

          Citation, datant d’environ 1740, de Dom Augustin CALMET Abbé bénédictin dans « Dissertation sur la noblesse de Lorraine »

          « Tous les hommes sont créées libres et égaux.
          La différence des conditions ne vient que de la fantaisie, de la vanité, de la cupidité ou de la violence des hommes. »
          Presque 300 ans plus tard on peut s’apercevoir que rien n’a changé !
          L’homme est resté le même, dans ses relations avec les membres des deux sexes .......



          • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed MADJOUR 24 décembre 2017 18:32

            La science est malmenée : Insolite pour ce XXIe siècle de toutes les aberrations !


            - Ceux qui affirment que « quémander ses droits au gouvernant » au lieu « d’acculer ce dernier à bien remplir son devoir », affirment du même coup qu’ils sont contre la « libération » et pour l’esclavage permanent, massif et durable !

            - Ceux qui affirment que le leurre démocratique, qui tient lieu de source d’une fausse légitimité au pouvoir obscur des Etats d’aujourd’hui, peut encore continuer à amuser les peuples lors des cirques électoraux ; affirment du même coup qu’ils sont pour la concrétisation de l’objectif final qui est l’Empire de Metropolis de l’asservissement ! 

            - Ceux qui affirment que les hommes (ou les femmes et on peut généraliser pour tous les êtres vivants) naissaient libres et égaux, affirment du même coup qu’il y a un seul « patrimoine génétique » commun à tous et que la lutte pour la vie et l’existence n’a donc pas lieu d’être ! J’ajoute que même la théorie de la « physique quantique » ne tolère pas cette aberration !

            - Ceux qui affirment « légalité de l’homme et de la femme », alors que ces deux êtres sont complémentaires et forment ensemble ce qui est appelé « l’humain » (et dans le règne animal et même à toutes les échelles de la vie, il y a non pas « l’égalité » mais la complémentarité entre le mâle et la femelle), ils affirment du même coup que la Création porte en elle une « erreur » pour avoir doté l’homme et la femme du même cerveau alors que cet organe gère en réalité deux corps différents et qui ont une « mission » différente dans le processus de la procréation ! 

            - Ceux qui font croire que les « comportements homosexuels » sont une « avancée sociétale » et un progrès pour les humains et veulent les généraliser en légiférant alors qu’ils sont le contraire de l’avenir humain sur Terre, affirment du même coup qu’ils sont pour une idéologie de fin du Monde !


            On dirait que les mots et les phrases n’ont plus de sens ni de contenu ...



            • demissionaire bonalors 25 décembre 2017 09:16

              un dictateur peut se revendiquer de la ’nécessité commune’, la déclaration des droits de l’homme un texte fumeux si il en est ...
              ’libres et égaux en droits’  ? quelle est l’étendue de ces droits et cette liberté ? on peut être traité de façon juste et ’égalitaire’ en référencé a une justice et textes de lois totalement iniques ? la justice se réfère a nos devoirs et non droits ? avoir des parents riches est-il un droit, quid de l’héritage ? Comment corriger les inégalités congénitales dont notre population est de toute évidence irresponsable a grande échelle


              • izarn izarn 25 décembre 2017 13:01

                S’attaquer à la colonisation blanche depuis des siècles n’est la que pour valider le Grand Remplacement.


                • eric 25 décembre 2017 19:31

                  Il suffit de taper intersectionalisme sur le net.

                  On retrouve absolument toutes nos administrations.

                  En mal de marxisme, depuis que l’histoire à porté un jugement définitif sur le courant d’idée qui constituait leur identité, les gens qui les peuples se cherchent une nouvelle colonne vertébrale intellectuelle pour justifier leur prébendes, leur inaction leur parasitisme social.

                  Avant, quand les pauvres ne votaient pas, ils se présentaient comme l’avant garde du prolétariat. Cela expliquaient pourquoi ils avaient besoin de dépenser 57% de notre PIB, soit disant au services des pauvres, pour au final des inégalités qui ne diminuent plus, et une pauvreté qui s’incruste.

                  Avec 10 points de pib en plus et un ou deux millions d’agents publics ou para publics en plus (personne n’est capable des les compter), le résultat, dénoncé par l’ensemble de leurs organisations représentatives, est une baisse continue de la qualité des services publics.

                  Désormais, ils ont compris que les bac moins trois étaient des fachos et que les bac moins qu’eux d’une façon plus générale, votaient Le Pen.

                  Comme c’est l’Amérique de Reagan qui en a finit avec le socialisme, du coup, ils vont se chercher des modèles dans celle d’Obama-Clinton.

                  L’intersectionalisme est une daube très dangereuse qui laisse les marxisme léninisme et le national socialisme très loin derrière en matière d’irrationnel incontestable et fascisant.

                  Les machins du genre séminaires racistes (réservés au races...) ou sexistes ( réservé aux femmes...) ;, sont la partie de l’iceberg qu’ils ne parviennent plus à cacher complètement.

                  Ils sont tellement la dedans jusqu’au cou, que c’est devenu la vulgate inévitable de tous ces milieux.
                  Même pour les moins atteints, les plus lucides, les « encore vaguement pensant », ne pas défendre la folledinguo, pour Baubérot, c’est se désolidariser de son milieu social.

                  Et encore. Je dis Baubérot, je l’aime bien. je l’ai eu comme parent d’élève...c’est quand même un type qui à plus de 75 ans, pense encore que c’est important d’avoir eu un prix de concours général au Lycée, même si « il était injuste que les élèves parisiens aient eu des cours de préparation qu’il n’avait pas eu... »(voir son autobiographie ou il se plaint d’avoir, presque malgré lui, eu des décorations des honneurs, des postes et des crédits...) On devine le degré de maturité...

                  Ces braves gens se doutent vaguement que si ils exhibaient leurs nouvelles convictions intersectionalistes en public, le peuple risquerait de réagir.

                  Mais en interne, ils croient, ou font semblant de croire par solidarité de classe, à toutes ces imbécilités.

                  La raison ? Au fond, être progressiste, c’était une façon d’être un rastignac. Cela a « eu payé ». A partir des années 80. Depuis que les socialistes ont défiscalisé les stock options pour taxer le patrimoine immobilier des familles nombreuses sous MIterrand, depuis que la pression fiscale est devenue tellement insupportable qu’il devient difficile d’accroître le gâteau, leurs gosses préfèrent le privé. Au moins ceux qui sont bons en classe ; Regardez Macron. Fils de fonctionnaire progressiste mais élevé dans le privé, pour échapper au vivre ensemble et à la mixité sociale.

                  Les bons se sont barrés, Ne reste que les médiocres. Un peu pareil avec les profs parait il.

                  Au fond, je suppose que des Baubérots sont malgré tout effondrés du niveau intellectuel de leurs enfants les moins doués, réduit à rester dans le public, et susceptibles de se contenter d’une idéologie aussi absurde.

                  On pense à Camus, entre l’intelligence et leurs enfants, ils choisissent leurs enfants. C’est humain.
                  Nous ne sommes pas obligés d’avoir envie de payer.

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