Sarkozy n’est pas coupable (Wazemmes, capitalisme, F. Hollande et solutions politiques)
Le « réalisme », le « pragmatisme » caches sexes sémantiques de la contre-révolution sociale diffuse et continue, autrefois l’apanage de la droite, sont devenus ceux de la gauche, de la « gauche de gouvernement », de la notre, celle de l’occident européen qui a capitulé face à la domination du néolibéralisme. Bouter Sarkozy, battre la droite, un objectif un peu court, trop court.
Ce sont les systèmes de régulation sociale, politique et économique qu’il faut questionner.
Parce que ses homologues Obama (Gauche), Zapatero (Gauche), Berlusconi (Droite) ou Papandréou (Gauche) qui dans leur pays ont imposé, imposent et risque d’amplifier des plans d’austérité qui ravagent les conditions de vie des peuples, des hommes et des femmes, de leur famille et de leurs enfants. Des mots ici, pour dresser à l’emporte-pièce des situations des plus difficiles matérielles d’abord, et plus large ensuite. Un exemple, un chiffre : 8,2 millions, le nombre de pauvres en France.
Bloggeur urbain, on se dit mince, quand même. On passe à une autre dépêche twittée et on va boire un Picon en terrasse bavassant sur les conjectures politiques (politics). « T’as vu, Hollande a fait bon discours ? Chevènement se présente, le fou il va faire 3% Ou pire – le salaud (en substance) – il va faire perdre la gauche. » Et ça, c’est quand on s’intéresse à (un genre de) la politique (au moins), sinon on parle de la déco de tel bar ou du film naze blockbuster US dans lequel on a mis 10,20€.
10,20€, le pauvre, dans le cinéma, il ne peut pas le mettre. Dans ma famille, retrouvée cette semaine, « le cinéma, [en général] c’est du gaspillage ». Soumission, pauvreté et pire peut-être précarité sont intégrés comme des donnés naturels et indépassables, un fardeau, une condition germinale intériorisée et allant de soi. Individualisation, égoïsme (ou stricte solidarité dans un cercle social très restreint), c’est le refus de l’engagement collectif politique ou syndical. On accepte son sort sans trop comprendre les logiques politiques, sociales et économiques qui en sont la cause. On trouve dans la chaine délinquante un bouc-émissaire. Et on s’en contente.
Débat et pédagogie sur le Halal, sur les conditions de vie des hommes et des femmes dans les quartiers parias, méprisés ou la République (l’école, les soins, la sécurité, l’emploi, le vivre-ensemble, la culture) a déserté, abandonné, violé – notre contrat social. L’échange, la discussion porte ses fruits, un peu. Temporairement, demain, après demain et encore, le média cathodique (toujours pas le plasma chez les pauvres) écrasera, rabaissera, abrutira encore les capabilités citoyennes. Et pourtant, le débat, la discussion raisonnée on y est pas hostile chez les pauvres. « Oui, c’est vrai. C’est pas faux... » Mais à 50 ans, on est fatigué, résigné. Pas indigné, encore moins mobilisé.
10,20€ chez les pauvres, à Wazemmes par exemple, une place dans un quartier populaire de Lille, vantée comme un cirque touristique sur le site officiel, c’est le budget fruit et légume pour une foultitude d’individus, pour leur famille et pour une semaine. L’arbitrage se fait entre 4 courgettes ou un kilo de pommes de terre. On se souvient, pour le bloggeur urbain, pas d’arbitrage, c’est navet et un Picon, et on remet ça.
Sarkozy et consort ne sont pas responsables. C’est mon titre accrocheur faisant écho à l’édito de Serge Halimi dans le dernier Monde Diplomatique. Ils le sont évidemment. Conservateurs d’un côté en ce qui concerne notre roturier devenu plus monarque qu’un roi, réducteur qu’il est avec sa court ahurie de la République, de son Esprit et de ses actes. Réformateurs, progressistes d’un autre côté, que sont soi-disant les autres, démocrates, socialistes. Dénoncés qu’ils sont cependant par le porte-parole du Parti Socialiste Français lui-même : « Une partie de la gauche européenne ne conteste plus qu’il faille, à l’instar de la droite européenne, sacrifier l’Etat-providence pour rétablir l’équilibre budgétaire et flatter les marchés. Nous avons été en plusieurs parties du globe un obstacle à la marche du progrès. »
Socialistes embourgeoisés, éloignés des classes populaires (l’expression leur est devenu tabou), des ouvriers (le mot semble sorti de leur logiciel). Gauche ou droite d’ailleurs il paraîtrait que les électeurs n’arrivent plus à expliciter la différence idéologique. Le « réalisme », le « pragmatisme » caches sexes sémantiques de la contre-révolution sociale diffuse et continue, autrefois l’apanage de la droite, sont devenus ceux de la gauche, de la « gauche de gouvernement », de la notre, celle de l’occident européen qui a capitulé face à la domination du néolibéralisme. Bouter Sarkozy, battre la droite, un objectif un peu court, trop court.
Les hommes, Sarkozy aujourd’hui, Mitterrand hier ou Hollande demain, ne sont pas les seuls responsables. C’est bien trop superficiel que de le dire. Bien trop bête que de le croire. Un cache sexe encore, caché mais en action toujours pour « empapaouter » le peuple. On se souvient de la définition qui nous a été donnée par Alain Rey et son synonyme : « enculer ».
Ils sont responsables, et les socialistes eux-aussi, c’est bien ce qui m’intéresse. Vecteurs d’une idéologie dominante, d’accointances en politiques économiques, ils accompagnent et accompagnent encore. Et pour extraire du Séguin depuis le Diplo : « La social-démocratie, c’est l’acceptation du libéralisme échevelé avec, pour faire bonne figure, quelques mots de regret. »
Un homme, s’il peut représenter, n’est pas tout. Ce qu’il faut questionner, c’est bel et bien les systèmes de régulation. Et pour citer du Montebourg, « On ne dérange pas 3 millions d’électeurs, a fortiori 44 millions pour une question de tempérament. »
Une politique pour le peuple, pour la justice, l’emploi, la santé, l’école, l’environnement, le vivre-ensemble, pour l’assurance de notre contrat social républicain, sera une politique de rupture avec un ordre politique et économique lourd et qui pèse de misère sur beaucoup d’hommes et de femmes.
Les élections présidentielles, devraient être ce temps de débat et d’explicitation des alternatives possibles. Ce ne sera, je le crains, pas le cas. A chacun son folklore, les viscères sondagières, étalées chaque matin dans le marc de café ont parlé : François Hollande sera président de la République.
Ce sera le vote utile.
L’expression de l’alternative politique, à travers le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, EE-LV d’Eva Joly, Jean Pierre Chevènement, et même le malheureux novice Philippe Poutou du NPA, même illusoire, est pourtant salutaire. Salutaire pour donner à voir, salutaire pour infléchir un parti très bien doté, en élu, en relais mais démuni en pensée des possibles.
L’alternative est possible. En Europe, la gauche de gouvernement semble l’avoir oublié et le centre de l’impulsion du socialisme semble se mouvoir en Amérique du Sud. Le Monde Diplomatique, en quelques pages en parle.
Ce qui se passera en 2012, de l’élection, comme Michel Onfray, je n’en attends rien. Je pousse auprès de chacun l’alternative. Pour moi et mon seul cerveau, ma modeste contribution citoyenne c’est la compréhension, la promotion de l’économie sociale et solidaire en politique publique.
Ce qui se passera en 2012, comme le relève, l’espère Serge Halimi, c’est peut être, je l’espère aussi, une analogie avec 1936 : un vote pour le Front Populaire, sans grande illusion mais avec la pression du mouvement social à peine le Président sorti des urnes pour lui rappeler qui l’a élu, pour qui et pour quoi il doit travailler : la République sociale et démocratique.
Ce sera le mouvement citoyen utile.
Deux gauches (au moins) donc et le risque que les deux perdent au premier tour. Le risque que la fallacieuse populiste, xénophobe, homophobe antirépublicaine, symptôme et vectrice de « l’abaissement national », pour reprendre le mot de Vincent Peillon, soit au second tour et rebelote. A Wazemmes et ailleurs, la grande tentation est passée, on vote.
Mais pour citer Hamon, une dernière fois et depuis le Diplo : « Le résultat des élections […] qui a valu au SPD [allemand] son plus mauvais score […] a convaincu sa direction du changement nécessaire d’orientation. » Ne faisons pas avant la campagne et l’élection. Mais donnons crédit et appuyons toutes les forces et les expressions de l’alternative politique parce qu’en plus de Sarkozy et Hollande, les habitants de Wazemmes, les pauvres comme les bloggeurs urbains, nous seront aussi comptables et responsables.
http://bcadp.wordpress.com/2011/11/07/sarkozy-n%E2%80%99est-pas-coupable/
4 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON