Sarkozy, un homme inspiré par les Lumières et les physiocrates
Il est devenu de bon ton de tirer sur Sarkozy et tous ses lieutenants, où qu’ils soient, quoi qu’ils fassent. Alors, pourquoi ne pas prendre le parti inverse et rédiger un billet faisant l’éloge de la politique du président. Avec un clin d’œil à quelques pensées des Lumières.
Si on devait trouver les inspirateurs de la politique actuellement menée, avec ses quelques principes de base, on les chercherait dans la pensée des physiocrates qui marquèrent de leurs réflexions le siècle des Lumières, tout en donnant les bases à la pensée économique dite classique, celle d’Adam Smith et de Ricardo, mais aussi de Marx. Rappelons quand même le contexte économique de l’époque ayant vu naître la pensée physiocrate qui fut parachevée par Quesnay, auteur de quelques articles dans l’Encyclopédie et dont l’œuvre maîtresse est le Tableau économique, paru en 1758, l’année de naissance de Robespierre. Quesnay fut secondé par deux autres penseurs qui puisèrent dans les considérations de Vauban et qui eux aussi publièrent des livres dans les années 1750, décennie des plus fructueuses et sans doute témoignant de la splendeur des Lumières, avec notamment le quartet fulgurant Diderot, d’Alembert, Voltaire, Rousseau.
L’époque a permis le développement de la pensée physiocrate qui occupe un siècle au cours duquel la France était la puissance rayonnante de l’Europe, grosso modo de 1670 à 1770. C’était bien avant la révolution industrielle. Les principales richesses étaient les métaux précieux et les produits de l’agriculture. C’est donc le développement et le commerce des biens agricoles qui a servi de prétexte à la physiocratie, étymologiquement le gouvernement de la nature ou, plus précisément, le gouvernement basé sur les principes naturels. C’est une théorie d’économie politique basée notamment sur la critique du mercantilisme et fondant sa finalité vers la prospérité due à la production des bien agricoles, leur circulation ainsi que celle des travailleurs. Selon les physiocrates, les métaux précieux n’ont pas de valeur, contrairement aux produits agricoles capables de satisfaire des besoins. C’est donc cette production qu’il faut libérer des entraves mises par les marchands et les gouvernants. On a pu reprocher aux physiocrates leur vision univoque basée sur une catégorie de produits. Mais n’oublions pas que la principale classe productive était composée des travailleurs de la terre à cette époque. L’industrie leur paraissait superfétatoire, comme un sous-produit de transformation.
On ne mettra pas l’accent sur la place prédominante de l’agriculture, mais sur les principes gouvernant l’économie. Il suffit de remplacer les produits agricoles par les produits manufacturés, le champ par l’usine où pour ainsi dire poussent les biens industriels, les besoins fondamentaux par l’ensemble des désirs, l’agriculture par la technique et nous aurons une transposition actualisée de la doctrine de Quesnay. Adieu la physiocratie, bienvenue dans la technocratie. Pour autant que l’on entende par technocratie non pas le gouvernement par les technocrates, comme on l’entend communément, mais le gouvernement économique par les principes de la technique. Libérer la production agricole pensaient les physiocrates, libérer la croissance pense le technocrate Sarkozy. Les physiocrates considéraient que la richesse d’un pays consiste en la richesse de ses habitants, Sarkozy aussi. La richesse doit être produite par le travail disent les physiocrates, Sarkozy aussi. Les physiocrates distinguaient la classe des paysans, celle dite stérile des marchands et des industriels, et puis celle des propriétaires. Cette distinction n’a plus cours, mais Sarkozy sait apprécier la classe des travailleurs, techniciens et ingénieurs, qui se lèvent tôt, tout comme il éprouve quelque aversion envers ceux qu’il juge stériles (parfois exagérément), les fonctionnaires, les assistés, les paresseux. Les physiocrates considèrent la terre comme seule source de richesse. Sarkozy applique parfaitement ce principe en louant l’entreprise moderne, qui a remplacé la terre comme pourvoyeuse de richesses dans une économie de la connaissance. La « cogniculture » a remplacé l’agriculture. Enfin, un autre ingrédient pour les physiocrates, le libre-échange, la libre circulation des marchandises et des hommes, bref, de quoi rappeler la loi de modernisation économique qui mise sur l’implantation des supermarchés pour fluidifier le transit des marchandises. Les physiocrates disent que l’homme a le droit de disposer librement des fruits de son travail. C’est ce principe qu’applique Sarkozy pour infléchir les règles, d’une part en accordant les heures sup défiscalisées, ce qui revient à légaliser un pourcentage de travail au noir, mais avec la motivation pour le travailleur, d’autre part avec le bouclier fiscal, mais, là, un égarement car les gros revenus ne sont pas garants d’un gros travail. Mais l’autre volet de ce bouclier, portant sur les successions, est complètement dans l’esprit physiocrate car il reconnaît la propriété privée acquise par le travail et transmise aux héritiers.
Sur le plan politique les physiocrates refusent que le monarque agisse en arbitraire sans reconnaître la légitimité des lois naturelles. Transposition facile. Sarkozy refuse que l’Etat socialiste conserve l’arbitraire de ses prérogatives héritées du mitterrandisme et veut soumettre la société à un peu plus de règles, non pas naturelles, mais celle du marché, ces règles qui héritent de la loi naturelle des physiocrates. Le « despotisme légal » des physiocrates ressemble de près à la rupture de Sarkozy. Un « despotisme légal » visant à réduire la part de l’Etat dans la gestion des affaires publiques. Sarkozy, par la faute d’une erreur de communication, n’est pas le fossoyeur de Mai-68 mais du mitterrandisme qui, lui, a trahi Mai-68.
Attali représente, intellectuellement parlant, le Turgot de ces Lumières proposées par Sarkozy. Il est aussi le signe d’une rupture visant à casser les corporatismes, comme le voulut Le Chapelier après la Révolution. Taxis, grandes surfaces, universités, administration, tout y passe dans cette synthèse entre Lumières et Révolution accomplie par Sarkozy. Une politique menée avec le Turgot compresseur pour alimenter la croissance. Evidemment, les grincheux de la fonction publique, les syndicalistes administrateurs de la puissance délétère, y verront une atteinte aux avantages acquis mais qui dit acquis dit privilège, que ce soit sous l’Ancien Régime ou sous Mitterrand. Ces mêmes syndicalistes qui ont plombé l’enseignement public par leur esprit obtus et leur corporatisme. Le socialisme corporatiste, revanche des médiocres, prime à l’égalité pour compenser les différences dans le talent, voilà un peu de l’esprit du socialisme mitterrandien. Un boulet pour la société française, une calamité nationale que cette politique socialiste conduite avec le trompe-l’œil de la générosité et l’escroquerie menée auprès de toutes ces bonnes volontés populaires issues des rêves de Mai-68, des rêves maintenant enterrés à jamais. Si Sarkozy doit casser les corporatismes, qu’il ne se gêne pas, comme au temps des Lumières et de Le Chapelier. C’est cela le progrès, n’en déplaise aux vieux croûtons des patronages et des kermesses de gauche pour les grincheux qui n’aiment pas la réussite et qui, si par malheur réussissaient, transformeraient leur existence en enfer, comme tous les parvenus dont hélas Sarkozy n’est pas parvenu à se défaire parce qu’il manque d’audace et de soutien. Il faut dire qu’à droite, y a les mêmes à la maison, les grincheux qui pestent, mais avec le style des gens de droite. On n’a pas encore mesuré le mal qu’a occasionné le mitterrandisme en maintenant cette société duale ou la fonction publique vaut hélas, en étant détournée, comme salut et sauvetage pour des tas de recalés de l’aventure sociale. Mais, pour être honnête, dans tous les pays, la pression économique a conduit les uns vers les emplois protégés et poussé les autres vers la précarité et la déchéance. Si bien que l’Etat a été pour une part dévoyé. Les anti-capitalistes croient encore que l’Etat est un salut public alors que Delanoë vient de parler d’un Parti socialiste des fonctionnaires. Mais le parti des fonctionnaires n’aura pas le dernier mot et Sarkozy y veillera. Espérons qu’il agira avec sagesse car une société a besoin de collectif, de cohésion, de sens du partage et cet aspect, négligé et mal compris par les physiocrates de 1760, doit être bien traité, en reconnaissant l’utilité indéniable d’une fonction publique bien gérée. On peut compter sur les technocrates dans l’âme que sont Besson et Attali, soucieux de l’efficace technologique et de la nécessité de fertiliser l’économie de la France. Rendre fertile la France, un projet ancré dans l’idéal des Lumières. La fertilité c’est le progrès, la stérilité c’est le déclin causé par les conservatismes.
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