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Scènes de mauvais genre

Les rubriques "Dire, ne pas dire" de l'Académie française me laissent admiratif, pantois ou consterné, selon leur contenu.

Je passe sur celle de ce jour montrant que si salope n'est pas étymologiquement le féminin de salaud, il convient cependant de les considérer ainsi (en précisant toutefois que ce féminin peut avoir une forte connotation sexuelle) pour tenter de témoigner ma consternation devant la rubrique suivante que je qualifie d'antiféministe et d'antilinguistique.

Nul besoin de me préciser qui en est l'auteur(e), il est trop facile de critiquer celles et ceux dont on ne partage pas les opinions pour occulter le débat et la réflexion.

 Au fil du temps, nombre de féminins ont pris leur indépendance et ne rejoindront pas les supposés conjoints.

Cela commence donc par l'assimilation du genre au mariage. La suite va nous démontrer la primauté du masculin. Il me semblait pourtant que bon nombre de mots avaient été féminins à l'origine.

La fourrière, où sont enfermés les animaux abandonnés et les véhicules encombrant la voie publique, s’est radicalement séparée du fourrier, chargé du cantonnement des troupes.

 La fourrière et le fourrier sont dérivés de l'ancien français fuerre « fourrage ». Le féminin de l'adjectif est attesté, celui du nom n'apparait pas en raison du fait que ces emplois étaient dévolus aux hommes.

La cantonnière, bande d’étoffe garnissant l’encadrement d’une porte, d’une fenêtre, du cantonnier, préposé à l’entretien des routes.

La cantonnière est dérivé de canton « coin », le cantonnier de canton « partie de route à entretenir ». Même remarque.

La chauffeuse, chaise basse pour s’asseoir au coin du feu, a divorcé du chauffeur, elle préfère rester à la maison !

Il n'y aurait donc pas de conductrice, de chauffeuse !

Côté métiers, il serait inconvenant d’apparier l’entraîneur sportif et l’entraîneuse des trottoirs.

Voilà l'argument fallacieux maintes fois lu et entendu. Il n'y a aucun problème à se définir entraineuse. Va-t-on interdire l'emploi de tous les mots qui peuvent avoir une connotation péjorative ou simplement défavorable ?

Le féminin de « marin » est débordé : bateaux, voiliers, navires, gens de mer, bords de mer, la « marine » en peinture, la couleur bleu foncé, bref, pas la moindre place. 

Il y a belle lurette que l’usage au Québec a privilégié l’emploi épicène des formes marin et médecin. On dit donc : une marin, une médecin. Mais les Québécois n'ont pas de prestigieuse académie.

Quant au féminin de « matelot », il reconduit illico aux fourneaux. La matelote, « composée de plusieurs sortes de poissons d’eau douce, cuits à l’étuvée avec du vin et des aromates ».

L'Office québécois de la langue française ne l'entend pas de cette oreille. Tant mieux.

Chicanons. Supposons qu’une femme veuille exercer le métier de plombier, elle se heurte à la plombière(s) : « entremets glacé à base de crème anglaise au lait d’amandes, additionné de fruits confits parfumés au kirsch », selon notre Dictionnaire, qui précise que le « s » provient de Plombières, station thermale des Vosges où cette glace a été inventée et servie à Napoléon III.

J'en reste sans voix...

Les genres se font des scènes. Au regard du moissonneur, la moissonneuse n’est qu’une machine, la moissonneuse-batteuse. Les grands glaciers ignorent la modeste glacière. Le poudrier de nos sacs à main renie la poudrière et la poudre à canon. Enfin si l’Église catholique tarde à accepter les femmes, c’est encore un problème de grammaire : quel féminin trouver à curé, si la curée est une « pâture constituée par les bas morceaux de l’animal de chasse qu’on abandonne aux chiens après la prise » ? Et à aumônier, si l’aumônière est « une petite bourse complétant une robe de mariage ou de première communion » ?

Le féminin traduit donc une infériorité ? Je pensais que cela avait évolué. Nous en revenons donc aux règles de la bonne société, des bien-pensants... et au rôle qu'il faut rendre aux religions ?

Tout ça pour dire qu’il ne faut pas se presser, féminiser à outrance, tout abréger en langage enfançon… genre, j’te fais un p’tit coucou, bisous, bye.

Conclusion fort académique.

http://www.academie-francaise.fr/scenes-de-genre

 

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Le Dictho et la nécessaire (r)évolution des dictionnaires

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14 réactions à cet article    


  • L'Astronome L’Astronome 8 juin 2019 11:51

     

    Tout le monde parle d’Angèle Merkel en disant : « la chancelière Merkel ». Or une chancelière est un coussin ou un petit coffret, fourré à l’intérieur, dans lequel on glisse les pieds pour les tenir au chaud. J’ose affirmer qu’avec la chancelière allemande, ce n’est pas le pied.

     


    • Gilles COLIN 8 juin 2019 12:02

      Mais pourquoi le féminin chancelière, admis de longue date pour l’épouse d’un chancelier, ne pourrait-il pas désigner cette fonction ?

      Et que va-t-on faire de tous les noms masculins de métiers ou de fonctions qui ont un homographe désignant un objet ?


      • L'Astronome L’Astronome 8 juin 2019 12:18

         
        @Gilles COLIN
         
        Il n’empêche que ça me fait rire quand j’entends « la chancelière Merkel ». Je m’imagine mettre les pieds sur le ventre dodu d’Angèle.
         


      • Et hop ! Et hop ! 8 juin 2019 17:22

        @Gilles COLIN

        Il y a un truc que vous n’avez pas compris, c’est qu’en français, contrairement à l’anglais, le genre grammatical n’est pas associé de façon univoque au sexe des personnes. En anglais, les choses sexuées ont toujours le genre de leur sexe, et les non sexuées n’ont pas de genre grammatical, elles sont neutres. 

        La transposition dans la langue française où seul le genre féminin est marqué - de la forme linguistique de l’idéologie du gendre, aboutit à des aberrations et des contradictions insolubles, notamment en éliminant toutes les formes neutres, pour les remplacer par un redoublement du substantif ou du pronom sous deux formes. Imaginez ce qui se passe dans la langue polonaise avec la complexité et la subtilité du régime des genres et des nombres. Et en turc où il n’y a pas de genre féminin ?

        Il faut savoir que dans les langues indo-européennes, l’origine du féminin n’est pas de marquer les personnes féminines, mais le degré d’abstraction ou de spiritualité d’une notion. Au départ, il y a deux genres : personnel (devenu masculin) et impersonnel (devenu neutre) et pas de féminin. C’est le gentre neute qui va se dédoubler en choses singulières, concrètes, accidentelles, et catégories générales, abstraites, divines (force, vérité, longueur, chaleur, distance, clarté, fatigue, fécondité, valeur, lumière, vérité, race, ) vocalisé par un a. Tout ce qui est féminin a pris place dans ce troisième genre.

        En français, la forme masculine est toujours épicène, c’est une règle fondamentale de la syntaxe et de la morphologie du français. La forme féminine ne l’est jamais (sauf exception). Donc on ne doit mettre de forme féminine que lorsqu’il n’y a que des substantifs féminins, et qu’on veut insister sur ce fait.


      • Et hop ! Et hop ! 8 juin 2019 17:41

        @Gilles COLIN

        La raison est que les gens adultes qui avaient une position dans la société étaient toujours des couples formés d’un homme et d’une femme mariés, et cette position ou fonction se déclinait en forme masculine et féminine pour le mari et la femme : le boulanger et la boulangère exerçaient ensemble le métier de boulangerie, avec une division du travail (le four et la boutique, la force et la propreté, le jour et la nuit), la femme étant indispensable, elle partageait le titre qui été féminisé. Le roi et la reine, le président au parlement et la présidente, le meunier et la meunière, l’ambassadeur et l’ambassadrice, le général et la générale, le fermier et la fermière, le préfet et la préfète, le chancelier et la chancelière, le seigneur et la dame (si la femme était seigneur en titre elle était seignoresse), si le docteur et la docteur, si la femme était médecin en titre elle était doctoresse, et le mari rien du tout. Une générale, une préfète, une ambassadrice avaient une fonction complémentaire de celle de leur mari, une fonction indispensable, mondaine, sociale, autant que la boulangère sans laquelle le boulanger n’était rien. 


      • Gilles COLIN 8 juin 2019 18:49

        @Et hop !
        Vous écrivez : « En français, la forme masculine est toujours épicène, c’est une règle fondamentale de la syntaxe et de la morphologie du français. »

        Voici ce qu’écrit l’Office québécois de la langue française : « La fonction générique du masculin est fréquemment remise en question : face à une appellation de personne au masculin, la lectrice ou le lecteur doit faire un effort de décodage supplémentaire pour savoir s’il s’agit d’un masculin générique, censé désigner aussi bien les femmes que les hommes, ou d’un masculin à valeur spécifique, qui ne désigne que les hommes. C’est la raison pour laquelle la rédaction épicène est préférable : elle permet d’assurer un équilibre dans la représentation des hommes et des femmes dans les textes. » http://www.gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=26532333

        Les arguments lexicaux que vous indiquez, et qui me sont en grande partie étrangers, me semblent opposés à l’évolution de la représentation de la femme dans la société. Selon vous, la langue peut-elle évoluer ?


      • Et hop ! Et hop ! 8 juin 2019 23:41

        @Gilles COLIN 

        « La fonction générique du masculin est fréquemment remise en question »

        Depuis 5 ans, depuis qu’il y a un groupe de militantes qui font la promotion de l’écriture inclusive.

        « face à une appellation de personne au masculin, la lectrice ou le lecteur. »

        L’auteur de ces lignes fait partie de ces militants, il écrit le lecteur ou la lectrice, alors que le lecteur englobe les lecteurs des deux sexes.

        C’est une règle, ou si vous voulez une convention, qui est aussi ancienne que la langue française, il n’y a aucun décodage à faire, quand on dit les joueurs de tennis sont fatigués, c’est implicitement les hommes et les femmes si il y en a. Il n’y a pas de genre grammatical exclusivement mâle en français.

        Du reste, l’autorité sur le bon usage du français est l’Académie française qui a été crée pour cela, ce n’est pas le gouvernement français, il n’y a pas de raison de la doubler en créant d’autes commissions, et elle n’a pas à soccuper d’autre chose. C’est elle qui a accompagné l’épuration et le pefectionnement du français pour en faire une langue précise, nuancée, concise, légère, avec presque dix fois moins de vocabulaire que la langue anglaise, ce qui est une énorme qualité. L’Académie française aurait dû accueillir un contingent de Canadiens et de Suisses depuis longtemps, au lieu d’élire des gens comme Giscard d’Estaing ou Simone Weil qui n’avaient aucune aptitude littéraire ou lexicographique.

        Une langue est comme le droit, elle doit être le plus stable et le plus uniforme possible pour permettre aux gens de se comprendre au travers de l’espace et du temps, d’une région à l’autre et d’une époque à l’autre. Sinon il faudrait refaire en permanence des rééditions de toutes les oeuvres, et même des modernisations du texte. Or actuellement, un lecteur contemporain peut comprende sans difficulté toutes les oeuvres et toutes les archives depuis le début du XVIIe siècle, il y a juste quelques f à remplacer par des s, et c’est la même langue.

        Il y a des imbéciles qui pensent qu’un bon auteur doit inventer la langue qu’il utilise, la faire évoluer et changer. Or c’est tout le contraire, les plus grands auteurs, les plus grands poètes, les plus originaux, sont ceux qui ont sû le mieux connaître les possibilités et les règles de la syntaxe française pour s’y soumettre et en tirer le meilleur parti pour exprimer leur pensée et leurs sentiments, on ne peut pas produire en même temps le message et la langue pour le dire. Un grand musicien respecte les notes de la game et les usages de l’harmonie, il invente des mélodies et des rythmes, pas des nouvelles notes et des nouveaux accords.


      • popov 9 juin 2019 18:43

        @Et hop !

        il y a juste quelques f à remplacer par des s, et c’est la même langue

        Ce ne sont pas des « f », mais des « s » longs. Il ressemblent au « f » mais sans la barre.
        C’est vrai que quand on lit des textes avec des « s » longs, on a l’impression d’avoir un cheveux sur la langue.

        À part cela, assez d’accord avec votre commentaire.


      • popov 9 juin 2019 02:30

        C’est quoi le masculin de « féministe » ?

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