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Accueil du site > Tribune Libre > Sigmund Freud et Josef Breuer : les premiers pas

Sigmund Freud et Josef Breuer : les premiers pas

Je rappelle que c’est à l’occasion de notre lecture de la lettre que Sigmund Freud avait adressée le 29 août 1888 à son tout nouvel ami de Berlin, Wilhelm Fliess, que nous nous sommes plus particulièrement intéressé(e)s aux travaux qu’il avait entrepris, à propos de l’aphasie, pour défendre les positions de Jean-Martin Charcot contre celles de son ancien patron et protecteur Theodor Meynert.

Reprenons le fil de cette Correspondance à la date du 2 mai 1891, c’est-à-dire près de trois ans plus tard. Sigmund Freud y écrit :
« Dans quelques semaines, j’aurai le plaisir de vous faire parvenir un article sur l’aphasie que j’ai rédigé avec assez d’enthousiasme. Je m’y montre fort hardi en croisant le fer avec votre ami Wernicke et aussi avec Lichtheim et Grashey. J’ai été jusqu’à égratigner le sacro-saint pontife Meynert. Je serais très curieux d’avoir votre opinion sur ce travail. Vos relations préférentielles avec l’auteur vous permettront d’y retrouver sans surprise certaines idées qui vous sont connues. D’ailleurs elles sont plus suggérées que développées. » (page 88 du PDF)

Il est vrai que le principal objectif de Freud était alors de mieux cerner les questions qui se posaient à lui à propos de l’hystérie… D’où l’intérêt qu’il trouve à écrire ce qui suit, le 28 juin 1892, c’est-à-dire un an plus tard, à ce même correspondant que, désormais, il tutoie :
« Un fait m’offre l’occasion de t’écrire : Breuer se déclare disposé à publier en collaboration avec moi la théorie de l’abréaction et nos autres travaux sur l’hystérie. » (Idem, page 88)

Nous avons gardé le souvenir du peu d’intérêt que Jean-Martin Charcot avait bien voulu porter à ce que Sigmund Freud était venu lui dire en 1885-1886, à la Salpêtrière, de l’expérience étonnante que son collègue et ami de Vienne avait vécue, dès 1880-1881, au contact d’une jeune hystérique.

Ainsi, l’annonce, en 1892, de la prochaine concrétisation publique d’une collaboration bien plus ancienne ponctue-t-elle plus d’une décennie d’un intense questionnement… Et nous savons qu’elle concerne les futures Etudes sur l’hystérie qui ne seront effectivement publiées qu’en 1895 par Breuer [photographie jointe] et par Freud.

Or, c’est dans ces dernières que vous pouvons trouver l’exposé, par Josef Breuer lui-même, de ce qu’il avait pu expérimenter dès la toute fin de 1880… et de ce qu’assez rapidement il avait rapporté à son jeune confrère et ami Sigmund Freud. À notre tour, nous allons y venir.

Cela commence ainsi :
« Fräulein Anna O…, âgée de 21 ans à l’époque de sa maladie (1880), semble avoir une hérédité névrotique assez chargée.  » (Idem, page 864)

Breuer a lui-même un peu moins de quarante ans. Il est médecin généraliste, docteur en chirurgie et chercheur en physiologie. Sa patiente est connue par l’état civil sous le nom de Bertha Pappenheim. Nous remarquons aussitôt le thème bien connu de l’hérédité… Mais notre médecin ne s’y arrête guère. Et le voici qui fait porter tout le poids de ses observations sur une étonnante thématique :
« Elle est remarquablement intelligente, étonnamment ingénieuse et très intuitive.  » (Idem, page 864)

Quels que soient les symptômes qu’elle présente, quelque déforma-tion que ceux-ci infligent à l’image qu’elle donne d’elle-même, il y a, pour qui se tient en face d’elle, la nécessité de rester sur ses gardes, s’il s’agit de ne pas tomber sous le coup de cette lucidité tout empreinte de finesse… Mais, Breuer a perçu également à quel endroit – en face d’un personnage tel que lui-même – le bât est susceptible de la blesser :
« Étant donné ses belles qualités mentales, elle aurait pu et dû assimiler une riche nourriture intellectuelle qu’on ne lui donna pas au sortir de l’école. » (Idem, page 864)

Pour un homme tel que lui, une élève idéale ?… Si seulement il pouvait franchir l’écran de la maladie qui l’enferme… Il saurait l’entretenir de ce qui lui a fait défaut dans un temps pas suffisamment éloigné pour faire craindre qu’il soit déjà trop tard… Y avait-il le moindre doute sur le fait qu’elle puisse être créatrice, à sa façon, de cette personnalité qu’il pressent chez sa jeune patiente :
« On remarquait en elle de grands dons poétiques, une grande imagination contrôlée par un sens critique aiguisé qui, d’ailleurs, la rendait totalement inaccessible à la suggestion ; les arguments seuls pouvaient agir sur elle, jamais de simples affirmations. Elle est énergique, opiniâtre, persévérante.  » (Idem, page 864)

Mais Josef Breuer aura très vite compris qu’il y avait également un second tranchant :
« Sa volonté se mue parfois en entêtement et elle ne se laisse détourner de son but que par égard pour autrui. » (Idem, page 864)

Ainsi les égards qu’elle aura pour lui et pour la ligne thérapeutique qu’il s’attachera à suivre dans le difficile travail qu’ils entreprennent sans savoir, ni lui ni elle, où il pourra les mener seront un indice de la valeur réelle qu’elle percevra en lui… L’homme tout autant que le médecin…

Il est très certain que, dès le début, Josef Breuer aura compris qu’il était décidément au pied d’un mur.

NB. Pour découvrir le cadre général dans lequel ce travail s'inscrit, consulter :
https://freudlacanpsy.wordpress.com/a-propos/


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1 réactions à cet article    


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 17 janvier 2018 13:31

    A ma Grand-mère qui a souffert de paralysie hystérique. Douée, créatrice, intelligente, mais que sa famille a retirée de l’école. Lire Benoite Groult.

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