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Sisavang Vatthana : un roi martyr dans l’enfer communiste

Sisavang Vatthana (ou Savang Vatthana), dernier roi du Laos, a porté la couronne d'un pays déchiré, pris en étau dans la tourmente de la Guerre froide. Son règne, marqué par l'espoir d'une paix impossible et la tragédie d'une fin précipitée, demeure une page méconnue de l'histoire du XXe siècle. 
 

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Un prince en Occident : l'éducation d'un roi

Né le 13 novembre 1907 à Luang Prabang, capitale royale du Laos, Sisavang Vatthana était le fils aîné du roi Sisavang Vong et de la reine Kham-Ouane. Contrairement à ses ancêtres, dont l'éducation s'était limitée aux préceptes bouddhistes et aux traditions laotiennes, le jeune prince fut envoyé en France pour ses études.

 

Royal Palace | Luang Prabang, Laos | Attractions - Lonely Planet

 

Imaginez ce jeune homme, arraché à la quiétude de son palais, débarquant dans un monde radicalement différent. Inscrit au lycée Montaigne puis au lycée Louis-le-Grand à Paris, il se passionne pour la littérature française, l'histoire et le droit. Il découvre les musées, les théâtres, les cafés parisiens, s'imprégnant de la culture occidentale.

Ce séjour en France, loin de son pays natal, allait profondément marquer sa personnalité. Sisavang Vatthana, tout en restant attaché aux traditions de son royaume, développa une sensibilité particulière pour la culture française et une admiration pour les valeurs démocratiques. Une dualité qui allait le suivre toute sa vie durant.

 

L'héritage d'un royaume fragile

De retour au Laos, Sisavang Vatthana occupe différents postes au sein de l'administration royale. Il épouse la princesse Khamphoui avec qui il aura cinq enfants : le prince héritier Vong Savang, les princes Sisavang et Sauryavong, et les princesses Savivanh et Thala.

 

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Le Laos de cette époque est un protectorat français, intégré à l'Indochine. La Seconde Guerre mondiale et l'occupation japonaise vont bouleverser l'équilibre fragile de la région. Le roi Sisavang Vong, tiraillé entre la France et le Japon, proclame l'indépendance du Laos en 1945, avant de se raviser face au retour des Français.

Dans ce contexte troublé, Sisavang Vatthana se révèle être un homme de dialogue et de compromis. Nommé Premier ministre en 1951, il tente de concilier les aspirations nationalistes de son peuple et les intérêts de la France. Un exercice d'équilibriste périlleux qui le prépare à la lourde tâche qui l'attend.

 

Un roi sur un volcan : l'ascension au trône

Le 29 octobre 1959, le roi Sisavang Vong s'éteint. Sisavang Vatthana monte sur le trône, héritant d'un royaume indépendant depuis 1953, mais profondément divisé. La guerre civile fait rage entre le gouvernement royaliste et le Pathet Lao, mouvement communiste soutenu par le Nord-Vietnam et l'URSS. Le Laos, petit pays coincé entre des géants, devient un enjeu majeur de la Guerre froide.

 

 

Le nouveau roi, profondément pacifiste, tente de maintenir la neutralité du Laos et de trouver une solution politique au conflit. Il multiplie les rencontres avec les différents acteurs de la crise, voyage à l'étranger pour plaider la cause de son pays, et s'efforce de maintenir l'unité nationale.

 

 

Mais la situation lui échappe. Le Laos est entraîné dans la guerre du Vietnam, servant de base arrière aux forces nord-vietnamiennes et subissant les bombardements américains. Les accords de Genève de 1962, qui prévoyaient la formation d'un gouvernement de coalition, s'avèrent inefficaces. Le pays s'enfonce dans un cycle de violence et d'instabilité.

 

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L'impuissance d'un roi pacifiste

Malgré ses efforts, Sisavang Vatthana se retrouve impuissant face à l'escalade du conflit. Les bombardements américains, destinés à couper les lignes de ravitaillement du Nord-Vietnam, font des milliers de victimes civiles et détruisent les infrastructures du pays. Le Pathet Lao, renforcé par l'aide vietnamienne, gagne du terrain.

 

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Le roi, conscient de la gravité de la situation, tente de maintenir le dialogue avec le Pathet Lao. Il propose des concessions, appelle à la réconciliation nationale, mais ses appels restent lettre morte. Les communistes, convaincus de leur victoire prochaine, refusent tout compromis.

Sisavang Vatthana, profondément attaché à son peuple, souffre de voir son pays déchiré par la guerre. Il multiplie les visites dans les zones rurales, rencontre les populations déplacées, tente de soulager les souffrances. Mais son action humanitaire est limitée par les combats et les restrictions imposées par les belligérants.

 

Le crépuscule de la monarchie

En 1975, la situation bascule. Saigon tombe aux mains des Nord-Vietnamiens, entraînant l'effondrement du Sud-Vietnam. Au Laos, le Pathet Lao lance une offensive finale et prend le contrôle de Vientiane, la capitale du pays, le 2 décembre 1975.

La monarchie, vieille de plus de 6 siècles, est abolie. Sisavang Vatthana, contraint d'abdiquer, est arrêté avec une partie de sa famille. Ils sont envoyés dans un camp de rééducation dans le nord du pays, à Sam Neua, une région montagneuse et isolée.

Le roi déchu, habitué au confort du palais royal, se retrouve confronté à la brutalité du régime communiste. Chaque jour, le directeur du camp de rééducation lui donnait deux petits bols de riz, qu'il saupoudrait abondamment de crottes de souris. Les conditions de vie dans le camp sont extrêmement difficiles : malnutrition, maladies, travaux forcés. Sisavang Vatthana, affaibli et humilié, ne reverra jamais Luang Prabang. 

 

Un destin tragique

Le sort exact de Sisavang Vatthana reste entouré de mystère. Selon les sources officielles du gouvernement laotien, il serait mort en 1978 des suites d'une maladie liée à la malnutrition. Cependant, d'autres témoignages affirment qu'il aurait survécu jusqu'en 1980, voire 1984. Sa dépouille n'a jamais été retrouvée, alimentant les spéculations et les rumeurs.

 

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Le prince héritier Vong Savang et le prince Sisavang Savang périssent également dans le camp de Sam Neua. La reine Khamphoui serait décédée en 1981. Les princesses Savivanh, Thala et le prince Sauryavong ont réussi à fuir en France, où l'asile politique leur a été accordé. 

Le gouvernement laotien n'a jamais officiellement confirmé le décès du roi et de certains membres de sa famille. L'absence d'informations fiables et les témoignages contradictoires rendent difficile de connaître la vérité sur leur sort. 

Le mystère qui entoure le destin de plusieurs membres de la famille royale du Laos témoigne de la brutalité extrême du régime communiste et de l'opacité qui continue d'entourer cette période tragique de l'histoire de ce petit pays d’Asie du Sud-Est. 

La République démocratique populaire lao est toujours un pays communiste autoritaire où le parti unique, le Parti révolutionnaire populaire lao (PRPL), exerce un contrôle strict sur la société. Il est classé parmi les pays les moins libres au monde par les organisations internationales de défense des droits humains. 
 


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