Sixième République : demain la Constituante ?
Les sondages, on le sait, et AgoraVox s’en fait l’écho, montrent une montée nette des intentions de vote pour François Bayrou. Il est donc temps d’ouvrir quelques-uns de ses projets pour en examiner le contenu.
Parmi ceux-ci figure, au premier rang, une réforme en profondeur des institutions qui ne peut aboutir qu’à une Sixième République. Ce thème, jadis défendu par le trublion Arnaud Montebourg, a été repris voici près d’un an par les centristes, dont en particulier Jean-Christophe Lagarde, député-maire de Drancy, et Marielle de Sarnez, directrice de campagne du candidat Bayrou.
Difficile d’imaginer quand et comment cette réforme verra le jour : il ne peut être question d’un coup d’Etat qui convoquerait une constituante ou un référendum avant les élections législatives. Il faudra donc au nouveau président, s’il est élu, gagner d’abord une majorité à l’Assemblée nationale.
Ensuite, quelle procédure adopter ? L’article 12 de la Constitution est-il applicable à l’hypothèse que j’étudie ?
Il faut remarquer que c’est le propre fils du signataire de la constitution de 1958, Michel Debré, qui préside désormais le Conseil constitutionnel. Or le Conseil sera forcément consulté.
On voit qu’une décision devra donc être soigneusement préparée. Une convocation de constituante qui n’est pas déclarée conforme à la Constitution se nomme un coup d’Etat ou un échec.
Imaginons qu’une formule indiscutable soit trouvée.
Les signataires de « L’Appel démocratique » soutenu par AgoraVox et par beaucoup d’autres influences d’Internet ont énoncé quelques idées et je crois qu’il vaut mieux se reporter à leur texte pour envisager les détails de cet aspect.
Disons que la constituante peut être élue, mais qu’une constitution peut aussi être rédigée par un comité ad hoc qui la propose au suffrage du peuple, soit directement, soit par ses représentants. Il est d’habitude en France que les constitutions soient approuvées par référendum.
En somme, on pourrait imaginer que dans le cadre de l’article 12 (mais l’avis du Conseil constitutionnel est souverain et non susceptible d’appel), le président propose une nouvelle constitution aux Français dans le courant de l’automne.
Plus tard, le vote entrerait en collision avec les élections municipales. Ou alors, il faudrait attendre la fin du printemps, et les maires étant chargé des opérations de vote, le référendum serait difficilement imaginable avant juin, voire septembre. Notons qu’en mai 2008, la Constitution de la Ve république aura cinquante ans.
Quelles sont les pistes sur le contenu des réformes développées jusqu’ici par le candidat ?
La séparation des pouvoirs (comme disait Montesquieu, "pour que le pouvoir ne puisse abuser du pouvoir, il faut que le pouvoir arrête le pouvoir").
À l’ordre du jour : l’érection, enfin, de la justice en vrai pouvoir, le garde des Sceaux étant distinct du gouvernement.
Autre aspect : les rapports entre l’exécutif et le législatif.
J’ai eu une conversation sur ce sujet dès 1997 avec François Bayrou. C’était l’époque où il militait pour l’instauration pour le quinquennat et je lui expliquais qu’à mon avis, si l’on voulait jumeler la durée des mandats législatif et présidentiel, il devenait indispensable de supprimer à la fois la responsabilité du gouvernement devant l’assemblée et le pouvoir de dissolution de cette même assemblée par le président.
En termes techniques, le nouveau modèle qui en naît se nomme la séparation stricte des pouvoirs, qui est connue surtout aux États-Unis et en Suisse, deux régimes par ailleurs très différents.
L’avantage de la séparation stricte des pouvoirs, c’est de permettre l’instauration d’une dose importante de proportionnelle, puisque le gouvernement n’a plus besoin d’une majorité constante pour durer.
Or cette dose de proportionnelle est justement l’une des autres pistes ouvertes par le candidat Bayrou.
Il a par ailleurs affirmé que l’élection du président au suffrage universel direct était la trace constitutionnelle de de Gaulle, et on a compris qu’il voulait dire par là qu’il comptait en conserver le dispositif.
Un parlement en partie proportionnel, un président élu au suffrage universel sont donc les deux éléments les plus tangibles de son discours institutionnel.
Pour le reste, il n’est pas impossible qu’il espère un vaste débat national et collaboratif. Ce serait un immense progrès.
Personnellement, j’estime qu’une autre innovation de la Constitution de la Ve république doit être conservée : le pouvoir réglementaire autonome. Si la justice est indépendante, il n’est pas anormal que l’exécutif exerce les fonctions régaliennes dans le seul cadre de la loi et sous le seul contrôle du judiciaire.
En contrepartie, la loi doit retrouver le rang suprême, juste après la constitution et les traités. Aujourd’hui, la confusion totale des pouvoirs qui règne dans notre république fait que des dispositions de nature réglementaire sont très fréquemment incluses dans des textes législatifs. On n’y prête même plus attention. On ne saisit plus le Conseil constitutionnel pour les censurer, il y aurait trop de travail. De toute façon, les textes des deux catégories sont rédigés par les mêmes auteurs : les administrations.
Voici donc un schéma remède possible.
Reste à cerner les aspects sensibles comme le statut des langues régionales, la nature des collectivités locales, la protection des libertés publiques, le développement des libertés individuelles, et beaucoup d’autres qui certainement feront couler beaucoup d’encre d’ici là.
Première condition en tout cas de ce processus : la victoire de François Bayrou à la présidentielle. Évidemment, chacun a son opinion sur ce sujet. Libre.
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