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Stress chronique, risques systémiques

Les risques psychosociaux sont également des risques opérationnels, des risques affectant la qualité de service et des risques économiques.

Peu à peu des études longitudinales menées par des chercheurs dans le monde entier révèlent les liens existant entre le stress chronique et la détérioration de la santé physique ou mentale chez celles et ceux qui y sont exposés. Par exemple, le lien entre le stress et les troubles cardiovasculaires est désormais bien établi[1]. Ceci explique l’appellation qui fait aujourd’hui autorité puisque le stress est considéré comme un risque dit psychosocial. Il s’agit en réalité d’une vision cruellement limitative et qui concourt probablement à la persistance du susdit risque, en ce sens que cette vision n’engage que faiblement les décideurs en entreprise à investir dans la prévention. En effet, les domaines du « psycho » et du social sont souvent mystérieux et éloignés des préoccupations stratégiques pour les managers pragmatiques formés aux sciences « dures » et contraints aux objectifs de rentabilité. Pourquoi cette vision est-elle donc limitative ? Parce que la notion de risque psychosocial se focalise sur les personnes physiques, les salariés et oublie les personnes morales, les entreprises dans lesquelles les salariés en difficulté ne peuvent s’exprimer pleinement.

La réalité est que dans le cadre de l’entreprise, les risques psychosociaux sont également des risques opérationnels, des risques affectant la qualité de service et des risques économiques. En premier lieu, les risques opérationnels sont relatifs à la bonne exécution des projets. Les conséquences du stress chronique s’inscrivent sur quatre tableaux (troubles cognitifs, troubles physiologiques, troubles comportementaux, troubles émotionnels) et tous ont en commun de pouvoir pénaliser directement ou indirectement la productivité. En fonction de la tâche à accomplir et des moyens éventuellement utilisés pour masquer ces troubles, le travailleur souffrant des conséquences du stress peut plus ou moins bien honorer sa mission. Il est simple par exemple de comprendre l’incidence probable d’un fort taux d’absentéisme sur le déroulement d’un projet à flux tendu. Il est possible également d’imaginer la conséquence de troubles du comportement sur la bonne exécution d’un projet d’équipe.

Pour les mêmes raisons, le stress chronique pénalise la qualité de service des entreprises et des administrations. Quel guichetier ou quel commercial peut proposer durablement un service personnalisé et irréprochable s’il souffre de traits dépressifs, ou manifeste des comportements agressifs ?

Le risque économique enfin se décline en deux conséquences fâcheuses pour l’entreprise engagée dans la guerre économique mondialisée. Il s’agit tout d’abord de capitaux perdus sous forme de coûts directs ou indirects. Le coût de la perte de production due à l’absentéisme et à la démotivation, le coût de la dégradation de l’image de marque, le coût des comportements conflictuels et de la rotation du personnel, etc. La seconde conséquence économique des risques psychosociaux est elle souvent ignorée. Il s’agit des bénéfices qui auraient pu être générées si... S’il est par définition difficile sinon impossible de quantifier les revenus d’inventions qui auraient pu être inventées, les décideurs doivent considérer la valeur marchande et stratégique de l’innovation et pondérer sa relation avec des conditions de travail harmonieuses. Le stress chronique est une problématique concernant tout autant l’argent que vous avez perdu que celui que vous auriez pu gagner. Il ne s’agit donc pas uniquement de réfléchir à la manière de limiter les coûts associés au faible rendement de salariés ayant perdu la motivation, mais également d’imaginer les bénéfices qui pourraient ou auraient pu être générées grâce à l’innovation et l’excellence générées par des salariés motivés.

Le stress chronique est donc un risque psychosocial et économique (RPSE). Si les salariés doivent se protéger des conséquences psychosociales en prenant soin d’eux et de leur santé, les décideurs en entreprise doivent pour leur part se protéger des conséquences opérationnelles et économiques de ces risques en favorisant l’émergence de conditions de travail adéquates où les salariés pourront s’épanouir.


[1] Une étude, portant sur 10300 fonctionnaires britanniques suivis pendant 12 ans, publiée par la Société européenne de cardiologie, confirme les conclusions d’études antérieures sur la toxicité du stress au niveau cardiaque. Ainsi, il est prouvé que le risque de maladie cardiaque est multiplié par deux chez les patients victimes d’un stress chronique.


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3 réactions à cet article    


  • Halman Halman 2 novembre 2010 12:13

    Il y a quelques semaines un collègue infirmier a fait un avc pendant son service, beaucoup trop chargé de travail.

    Les exemples de ce genre à l’hôpital n’arrêtent pas d’augmenter.


    • perlseb 2 novembre 2010 19:13

      Je crois que la volonté globale est de stresser au maximum les salariés. Car si, comme l’auteur le souligne, le stress peut nuire et créer des situations d’échec, pour le bilan global, le stress « motive » les gens à travailler.

      Dans les stations d’épuration, pour obtenir un meilleur rendement des bactéries anaérobies qui décomposent les matières en suspension, on les stresse en injectant de l’air (quant aux bactéries aérobies, on les stresse en supprimant de l’air). Dans les 2 cas, ces stress provoqués forcent les bactéries à manger beaucoup plus qu’elles ne le feraient : le rendement est nettement accéléré par rapport à ce qu’il serait dans la nature. Stress = meilleur rendement.

      Pour l’homme, avec la technique que nous avons aujourd’hui, nous pourrions imaginer un système sans aucun stress (emploi minimum pour tout le monde, pas de crainte du chômage ou de la retraite) avec une qualité de vie bien meilleure. Mais je ne crois pas que le bien-être des populations soit un objectif des vrais dirigeants.

      Il y a aussi un autre avantage à stresser les personnes : elles ne raisonnent plus correctement et finissent par s’aliéner et s’isoler dans un comportement égoïste qui les divisent. Pour un oligarque, le stress, c’est excellent.

      Pour ce qui est de mon expérience professionnelle (ingénieur de formation, cadre en entreprise), on a tout fait pour me stresser, comme on cherche à presser comme des citrons tous les diplômés en leur faisant miroiter une carrière fulgurante avec des salaires en rapport. Malheureusement, je n’ai jamais été intéressé par l’argent : seule la technique et ce qu’elle peut apporter à l’homme m’intéressait. J’ai démissionné de mon travail qui était totalement improductif, mais pour lequel on aurait quand même souhaité que je sois stressé (en vain). La société actuelle n’a ni queue ni tête, et apparaîtra, dans l’histoire future, comme un non-sens global. Les gens ne savent même plus ce dont ils ont besoin : ils ne raisonnent qu’à travers l’argent et n’hésitent pas à se bourrer de stress pour en gagner plus.

      A chacun de savoir ce qu’il veut : la société nous fait croire que le bonheur c’est de consommer, donc c’est l’argent sans limite. Et là où cette société est « bien faite » c’est que l’aliénation subie (stress provoqué) pour en gagner un minimum sera suffisante pour faire perdre la notion de l’utile qui permettrait de s’arrêter à temps pour profiter réellement de la vie.

      Pour moi (maintenant que je ne travaille plus), la chose la plus précieuse, c’est mon temps, et je ne suis pas prêt de l’échanger contre de l’argent.


      • paul 2 novembre 2010 19:17

        Avec Orange (stressée), on a compris l’utilité du stress pour faire partir 20.000 personnes .

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