• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Traçage, indignation retard et perspectives écologiques d’un destin (...)

Traçage, indignation retard et perspectives écologiques d’un destin déconfiné

JPEG

Traçage, indignation retard et perspectives écologiques d’un destin déconfiné.

Ce n’est pas le dernier des paradoxes induit par la crise sanitaire frappant notamment la France, que le confinement totalisant qui s’est établi subrepticement en France n’a provoqué quasiment aucune remise en cause juridique ou éthique du corps social, pendant qu’une modeste application informatique remuait toutes les consciences en 24 heures à propos d’un éventuel traçage des allées et venues citoyennes.

Qu’une pandémie virale pourtant venue de loin et ayant pris trois mois à se déplacer de Chine vers nos rivages passe sous tous les radars institutionnels et provoque une forme d’étourdissement de la lucidité est concevable. Ce qui peut surprendre est cette dichotomie entre l’acceptation facile d’une limitation radicale de la liberté des corps, non actée par la moindre réforme légale ni appuyée sur un quelconque texte constitutionnel, mais s’appuyant sur l’urgence vitale d’un état de fait biologisant primant sur l’état de droit, et le refus déterminé d’un éventuel espionnage virtuel ayant pour finalité officielle de mieux comprendre la diffusion de cette pandémie.

Cette indignation sélective et particulièrement déphasée tant le traçage des comportements était déjà très largement installé dans la vie des utilisateurs du monde virtuel confirme ironiquement et à rebours tout l’aveuglement contemporain (mélange subtil d’ignorance et d’hypocrisie collective) quant au dessaisissement de la sphère privative au profit du tout transparent installé/imposé par les GAFA.

Les utilisateurs les plus limités de l’Internet acceptent de s’épancher toute l’année sur les réseaux sociaux en violant de leur plein gré leur propre intimité, en millions de photos, vidéos, témoignages et informations infiniment renouvelées traitant de leurs relations, mariages, divorces, naissances, deuils, sexualités, consommations, pratiques sportives, culturelles, religieuses, lieux de fréquentations, activités ludiques, politiques, passions, voyages, et plus si affinités logées sous les ceintures ministérielles, mais s’émeuvent très subitement qu’une application volontairement installée fasse officiellement ce que fait leur portable tout le reste du temps : borner leur présence spatiale et le laisser collecter ces traces recueillies à l’insu de leur plein gré par des structures internationales particulièrement disruptives.

A croire que ce qui valait pour rencontrer le coup d’un soir via Tinder devenait immoral pour préserver très éventuellement la santé dudit coup.

Le confinement révélait en creux toute la compromission des peuples à l’égard de cette matrice technologique dont les acteurs industriels avaient su depuis des décennies installer un maillage et un recensement absolument inédit à l’échelle mondiale des pratiques individuelles et collectives.

Oui au contrôle physique et à la sanction possible des allées et venues, première des libertés pourtant, mais non à leur enregistrement par un algorithme. Tel était le nouvel axiome des confinés sous Coronavirus.

 Une quarantaine auto-imposée et doucement enjointe par des messages médiatisés à heure régulière ne provoquait qu’un timide début de polémique que s’il ciblait une catégorie de la population, en l’occurrence celle des seniors, invitée un temps à prolonger son confinement après les autres tranches d’âge.

Le résultat n’est rien sans son devenir. Toutes les trouvailles techniques de ces dernières années ont été consommées avec délectation par les masses, sans le moindre recul éthique ni la moindre interrogation sur leurs conséquences en termes de santé publique hormis pour quelques associations assez actives il est vrai. Les téléphones nouvelle génération sont devenus des objets de complétude fusionnelle qui rendent malades de manque leurs détenteurs à la moindre disparition ou dégradation.

Le signal GPS des téléphones cellulaires comme celui des compteurs électriques ont renseigné l’État avec l’assentiment indifférent des utilisateurs depuis fort longtemps, il était assez naturel que ce dernier finisse par instrumentaliser officiellement ces informations pour assurer le service essentiel de notre bien-être.

La stupeur majoritaire s’entrecoupe de la violence des minoritaires banlieusards, qui font assurément une expérience plus douloureuse de ce temps suspendu et cloîtré « d’en haut », habitués qu’elles sont à flirter dans le règne de l’anomie.

 L’immobilisme en marche provoque des effets très diversifiés, allant d’une déréalisation accrue des rituels sociaux comme l’apéritif ou le diagnostic médical déportés sur Skype, aux solidarités de voisinage restituant aux grandes villes une solidarité traditionnellement villageoise.

La vertu de cette crise est d’avoir déjà posé comme urgente la nécessité de repenser la vie d’une communauté de destin, de lui assigner des droits et des devoirs, au sens biologique même. L’individualisme ultralibéral devrait moralement s’éclipser pudiquement en soins intensifs dans le même temps mais bien au contraire il prétend qu’on ne l’a pas assez entendu.

La relocalisation nationale des divers processus économico-sanitaires ayant failli en France et qui n’ont pas trouvé de main invisible pour venir les réguler ni compenser leurs effondrements afférents, semble couler de source dans ce ressaisissement historique. Car le manque de respirateur, de personnel hospitalier, de tests, d’antiviraux, de lits, de masques, de thermomètres, découle directement de la délocalisation générale induite par le mondialisme ultralibéral.

La capacité, pour un être national, à produire sans détruire plus qu’il ne faut (au regard de l’écosystème), n’a pas encore été atteinte ni même visée. Le changement d’échelle qu’implique une telle équation n’a pas encore été trouvé mais les premières réactions institutionnelles à cette crise ne vont pas dans le sens d’une prise de conscience écologique mais bien au contraire d’un report des quelques mesures fiscales salutaires bien que poussives visant à réguler par exemple le BTP (le Sénat vient de voter leur report) ou l’aéronautique civile. 

 

Le confinement qui consiste pour un individu à donner son assentiment à la protection d’un collectif qui lui a assuré la venue au monde, en ne se déplaçant peu ou plus, en limitant sa marge de déplacement et de consommation, indique la voie future, celle de l’autolimitation des individus et des Etats. Et la nécessité de la contrainte pour assurer cette régulation et cette soumission à l’impersonnalité d’une norme concernant non l’individu propre mais celui d’un écosystème dépourvu de représentation (d’où la pertinence de la notion de crime climatique).

 

Cette crise appelant la capacité de sacrifice non liée spécifiquement à un statut professionnel comme celui du personnel soignant, mais plus généralement engagée par un citoyen indistinct. Ouvrant par là même occasion la perspective d’une organicité renouvelée, intégrant l’individu au groupe et inversement, en une nouvelle visée souveraine, celle du tout naturel, qui saurait dire non à tout ce qui l’affaiblit et le dégrade, et qui dirait oui à tout ce qui le fortifie, accumule ses forces, justifie le sentiment de sa vigueur et de son épanouissement, tenant ferme intérieurement, dans son être nu, sans rien craindre ni attendre en termes de rentabilité court-termiste.

 

 L’affirmation d’un être national devant s’appuyer sur une base unifiée, car à défaut, un fond divisé et chaotique finira par faire imploser une telle affirmation identitaire en atomisations diverses, régionalistes, ethnicistes, ou déjà très avancées, purement capitalististiques.

 

En période de crise, toute nation peut rencontrer ce point critique provoqué par une crise violente, qu’elle soit d’origine interne ou externe, à savoir la difficulté d’affirmer l’immanence de son être acquis au gré des aléas du passé, jeté là, avec ses clivages internes non harmonisés, non synthétisés, faisant d’elle, un pantin possible agité par les lacunes de ses passions inassouvies et frustrées.

Sans autodépassement transcendantal, une nation peut éclater lors de ces périodes de haute tension économico-sociale. Un autodépassement sans lequel aucun horizon métaphysique n’est possible.

 Si son aspiration transcendantale demeure coincée, les frustrations peuvent affleurer de façon brûlante à la surface de son actualité, provoquant un survoltage aux éclats imprévisibles.

 Le substrat irrationnel d’une entité nationale qui assure normalement le devenir somatique collectif, quand il est gravement perturbé, peut muter en pure machine à explosions.

 

Une alternative écologiste radicale pourrait ouvrir une telle perspective transcendante, mais elle ne le fera pas en évitant les grands frais d’une remise en cause des valeurs moralo-progressistes et modernistes appuyées sur un libéralisme individualiste qui ont eu tendance à la faire dériver politiquement vers des considérations sociétales bien éloignées pour ne pas dire contraires à l’intérêt central de l’écosystème.


Moyenne des avis sur cet article :  3/5   (3 votes)




Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité