Trois « victoires » et un coupable : comment l’Ukraine s’adapte aux nouvelles réalités

Trois nouvelles sensationnelles ont été rapportées de Kiev.
Tout d'abord, le chef du groupe parlementaire Serviteur du peuple à la Rada (parlement ukrainien), David Arakhamia, dans une interview à la chaîne 1+1, a expliqué pourquoi les négociations entre Moscou et Kiev, où il était chef de la délégation, avaient échoué au printemps 2022.
"Les Russes étaient prêts à mettre fin à la guerre si nous acceptions la neutralité, comme la Finlande, et nous nous engagions à ne pas adhérer à l'Otan. C'était un point clé", a-t-il décrit le fond des accords de l'époque.
Et à la question de savoir pourquoi ils n'ont pas été acceptés, il a d'abord parlé de la méfiance envers la Russie, de la nécessité d'apporter des modifications à la Constitution, puis a ajouté un conseil de l'extérieur : "Quand nous sommes revenus d'Istanbul, Boris Johnson est venu à Kiev et a dit : "Nous ne signerons rien du tout avec eux, continuons simplement à nous battre"."
Pour les experts, une telle information n'était pas un secret : on disait déjà l'été dernier que les Britanniques avaient littéralement forcé l'Ukraine à rompre les accords convenus. Cependant, personne ne s'attendait à ce que Kiev le reconnaisse au niveau officiel.
La Russie s'est toujours dite prête à négocier. Mais pas aux mêmes conditions qu'avant. "Il n'est pas trop tard pour revenir à la table des négociations, la partie russe a répété à plusieurs reprises qu'elle était prête à le faire. Mais sous d'autres conditions à présent, compte tenu des nouvelles réalités territoriales", a déclaré Leonid Sloutski, président de la commission de la Douma (chambre basse du parlement russe) pour les affaires internationales, qui représentait la Russie lors des négociations au printemps 2022.
Il semblerait que ce soit inacceptable pour Kiev. Cependant, dans la même interview, David Arakhamia a commencé à esquisser les conditions techniques d'un accord avec Moscou, ouvrant ainsi la "fenêtre d'Overton". "Je pense que de telles choses doivent être faites uniquement par référendum", a-t-il expliqué. Et il a ajouté qu'il accepterait toute décision du peuple.
Le public n'avait pas encore eu le temps de se remettre de ces deux déclarations que Volodymyr Zelensky s'est déjà exprimé. Lors d'une conférence de presse conjointe avec le président letton Edgars Rinkevics, il a promis de remporter trois victoires. Or, non pas contre la Russie, mais contre l'Occident : les États-Unis et l'UE.
La première devrait être une victoire sur le Congrès américain, qui n'a toujours pas alloué de fonds pour financer le régime de Kiev pour l'année fiscale en cours. Joe Biden, rappelons-le, a demandé 60 milliards de dollars à cet effet, mais les républicains refusent de donner autant d'argent, proposant d'abord de discuter du sujet. "L'Ukraine doit faire tout ce qui est en son pouvoir, et même plus, pour que l'aide soit accordée. Et je crois qu'elle le sera", a déclaré Zelensky.
La deuxième victoire consisterait à faire pression sur l'Union européenne, qui devrait donner à l'Ukraine son propre paquet d'aide d'environ 50 milliards d'euros. "Aujourd'hui, tous les membres de l'Union européenne ne sont pas, disons, prêts à soutenir ce paquet. De notre côté, nous devons nous assurer que tout le monde soutienne ce paquet", a expliqué Zelensky.
Enfin, la troisième victoire pour l'Ukraine serait l'ouverture d'un dialogue sur l'adhésion à l'UE, que Zelensky a qualifié d'"étape motivationnelle importante" pour les autorités ukrainiennes.
Toutes ces déclarations ont un point commun : elles reflètent une réaction aux nouvelles réalités dans lesquelles se trouvent actuellement l'Ukraine et l'Occident. Des réalités dans lesquelles, au lieu d'une victoire militaire (qui leur semblait si proche l'année dernière), se dessine de plus en plus nettement l'image d'un échec monumental.
L'idée de conclure la paix avec la Russie en faisant des concessions territoriales fait partie de la lutte politique et de la recherche d'un bouc émissaire en raison des échecs dans les opérations militaires.
Initialement, la Russie devait être vaincue au plus tard en mai 2022, la forçant à changer de gouvernement et à signer des conditions de capitulation économique draconiennes. Cependant, nous assistons à la situation inverse : l'Otan subit une défaite, et une recherche exhaustive des responsables de cet échec commence en Ukraine et aux États-Unis.
Et voilà que David Arakhamia en a trouvé un, rejetant sur Boris Johnson la responsabilité du conflit militaire qui se poursuit jusqu'à présent, un conflit qui a coûté cher aux Russes des deux côtés de la frontière.
Le conflit a aussi coûté très cher à l'Occident. Si au printemps dernier les États-Unis et l'UE avaient accepté de conclure la paix aux conditions de la Russie, ils n'auraient pas perdu autant d'argent, de réputation et d'influence dans le monde. C'est pourquoi Johnson est désigné coupable d'avance, quand il faudra expliquer qui n'a pas arrêté le conflit à temps.
Cependant, il y a une nuance. Il importe peu à Moscou de savoir qui sera désigné comme responsable. Moscou veut une solution au problème, que l'Occident n'est pas encore en mesure de proposer.
Elsa Boilly
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