Turquie, éloignement vers l’islamisme conservateur ?
Recep Tayip Erdogan a réussi largement son pari, le peuple n’ayant pas bien voté la première fois, il a dû repasser par les urnes qui ont enfin accordé une majorité au maître de la Turquie qui régnera donc sans partage. Après de nombreuses années comme premier ministre, le nouveau Président turc se verrait bien conserver le pouvoir jusqu’en 2023, fin d’un deuxième mandat. A quel prix pour la Turquie ?
Cette dernière durant les premières années Erdogan, premier ministre depuis 2003, a bénéficié d’une croissance régulière et d’une baisse des inégalités qui a bénéficié à tous, d’où son succès à cette période et la reconnaissance de nombreux turcs. L’AKP son parti islamo-conservateur longtemps considéré comme modéré bénéficie toujours de ce fait d’un véritable élan populaire.
La précédente élection législative n’ayant pas donné de véritable majorité gouvernementale (et surtout pas favorable à Erdogan), celui-ci a préféré dissoudre l’assemblée et lancer de nouvelles législatives dans un contexte tendu d’attentats menés par l’EI sur le territoire Turc, d’abord dans le Kurdistan turc puis il y a 3 semaine à Ankara, la capitale, faisant plus d’une centaine de morts.
Ces attentats qui ont touché des opposants ont permis au Président de se présenter en rempart contre le chaos (alors même qu’il est accusé d’y avoir contribué en abaissant les mesures de sécurité et en ayant une indulgence certaine pour l’Etat islamique). Le résultat est sans appel : 49,5 % des suffrages et 316 sièges sur 550.
Mais ce qui inquiète le plus dans la démarche d’Erdogan est sa dérive autoritaire : après avoir « domestiqué » l’armée, gardienne de la laïcité en accusant des généraux (à tort ou à raison) de fomenter un coup d’Etat, il s’en prend fortement aux médias : deux télévisions d’Istamboul, proches de l’opposition, ont fait l’objet d’une fermeture forcée quelques jours avant les élections.
Et c‘est ce qui inquiète l’opposition : cette dernière est de plus en plus en difficulté de s’exprimer. L’homme fort de la Turquie n’aime pas vraiment que l’on s’oppose à lui ! mais sa dérive autoritaire est peu dénoncée en occident. Peu importe qu’il réprime les protestations à Istamboul, peu importe qu’il réoriente fortement sa politique étrangère vers le Moyen-Orient et soutienne de facto les islamistes en Syrie en laissant passer des armes et des volontaires venus d’Europe vers ce pays. Peu importe que dans l’autre sens les islamistes exportent leur pétrole vers la Turquie pour se financer. Tout le monde ferme les yeux car Erdogan représente la stabilité.
Mais pour combien de temps et à quel prix : la paix intérieure avec les kurdes est bien terminée et la guérilla a repris. Les démocrates et les laïcs en sont pour leur frais : la société turque pour la première fois depuis un siècle se réislamise au grand dam des plus occidentalisés des turcs qui se demandent où va leur pays.
Il est clair que l’adhésion à l’Union Européenne (qui n’était sûrement pas pertinente), n’est plus d’actualité. Et la volonté de s’impliquer dans le conflit syrien n’est pas de bon augure : à cet égard, le refus de la Turquie d’autoriser les Etats-Unis (leur principal allié) à bombarder l’Etat islamique depuis leurs bases turques et alors que celui-ci s’approchait des frontières de la Turquie en dis long sur l’état d’esprit des dirigeants de ce pays.
La Turquie a été au 20 ème siècle un pont entre orient et occident. Il est clair désormais qu’elle penche plus d’un côté que de l’autre et qu’avec 77 millions d’habitants, elle se veut une future grande puissance régionale capable de rivaliser au moyen-orient avec l’Iran ou l’Arabie Saoudite.
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