Typhus, une des « pestes » historiques qui menace les hommes quand l’hygiène régresse !
Ses hécatombes documentées ont été considérables lors des guerres, tant durant les guerres révolutionnaires et napoléoniennes, que durant les deux guerres mondiales sur le front de l’Est et dans les camps de prisonniers des nazis.
Durant et juste après la première guerre mondiale, le typhus aurait exterminé près de trois millions de personnes.
Devant les ravages de la maladie en Pologne, Lord Balfour dont le cousin, May Littleton était mort de typhus, aurait déclaré « le typhus semble presque pire que la guerre elle-même ».
Tandis que sir Winston Churchill mettait en garde contre « une Russie porteuse de peste, une Russie de hordes précédées de vermine typhique »,[6] les pays voisins de la Russie formèrent un cordon sanitaire truffé de stations de quarantaine.
Lénine proclama : « ou bien le pou vaincra le socialisme, ou bien le socialisme vaincra le pou ».
Typhus, une des « pestes » historiques qui menace les hommes quand l’hygiène régresse !
Par le Docteur Gerard Delépine
Le terme de typhus, du grec tuphos (stupeur), désignait au long des siècles de nombreuses maladies pestilentielles.
Chez l’humain, en dehors des rickettsioses, responsables du typhus dont nous parlerons ici, le terme désigne encore parfois la fièvre jaune, arbovirose (typhus amaril), certaines spirochétoses (typhus récurrent), et certaines formes de salmonelloses (typhus ambulatorius). Maladies longtemps confondues avec d'autres, notamment la fièvre typhoïde, reconnue au XIXe siècle.
Chez les animaux, le typhus du chat est une gastro-entérite ou une leucopénie infectieuse, affections sans rapport avec les rickettsioses. Le typhus du chien est une leptospirose grave, hémorragique. Le typhus murin est une zoonose[1] transmise par les puces.
Nous parlerons dans cet article du typhus exanthématique de l’Homme, troisième maladie infectieuse la plus meurtrière, après la peste et le choléra.
RESPONSABLE DU DELIT : le pou, la bactérie et les conditions d’hygiène
C’est une maladie très contagieuse causée par une bactérie minuscule nommée Rickettsia Prowazekii, d’après le nom de deux médecins H.T. Ricketts et Stanislaus von Prowazek, victimes de la maladie en étudiant son mode de transmission.
La bactérie est transmise par le pou du corps[2] [3] et menace surtout les adultes dans des situations de confinement, mal nourris, le plus souvent très dénutris, sans hygiène possible, obligés de garder les mêmes vêtements, jour et nuit, pendant des semaines ou des mois en milieu froid et humide : que ce soit sur des bateaux (typhus nautique au temps des bateaux à voile)[4], dans des prisons (fièvre des prisons) ou dans des camps militaires (fièvre militaire).
Le typhus à travers les âges et ses impacts historiques : « le typhus semble presque pire que la guerre elle-même ».
L’apparition historique de cette maladie est mal datée.
Son rôle dans la chute d’Athènes en 430 av. J.-C, très vraisemblable, reste incertain, mais supposé avoir tué, entre autres, Périclès et ses deux fils les plus âgés. Elle n’a été bien décrite et reconnue qu’à partir du XVe siècle ? en particulier lors du siège de Grenade par les espagnols et celui de Naples par les français. [5]
Entre 1500 et 1800, le typhus sévissait dramatiquement dans les prisons anglaises causant la mort de nombreux prisonniers avant leur jugement et, lors des procès, la menace de la maladie s’étendait aux juges et au public. En 1577, à Oxford lors des « assises noires » plus de cinq cents personnes périrent du typhus, dont Sir Robert Bell, chancelier de l'Échiquier. A Taunton, en 1730, le typhus a causé la mort du shérif, du sergent, et de plusieurs centaines d'autres personnes qui assistaient au procès ! Entre 1845 et 1852, lors de la grande famine qui frappa l’Irlande, le typhus fit des ravages et les anglais le baptisèrent alors « maladie des pouilleux ».
Ses hécatombes documentées ont été considérables lors des guerres, tant durant les guerres révolutionnaires et napoléoniennes, que durant les deux guerres mondiales sur le front de l’Est et dans les camps de prisonniers des nazis.
Durant et juste après la première guerre mondiale, le typhus aurait exterminé près de trois millions de personnes.
Devant les ravages de la maladie en Pologne, Lord Balfour dont le cousin, May Littleton était mort de typhus, aurait déclaré « le typhus semble presque pire que la guerre elle-même ».
Tandis que sir Winston Churchill mettait en garde contre « une Russie porteuse de peste, une Russie de hordes précédées de vermine typhique »,[6] les pays voisins de la Russie formèrent un cordon sanitaire truffé de stations de quarantaine.
Lénine proclama : « ou bien le pou vaincra le socialisme, ou bien le socialisme vaincra le pou ».
EXPRESSION CLINIQUE du typhus dû à Rickettsie.
Après une période d'incubation silencieuse de 2 semaines, l’entrée dans la maladie est marquée par une fièvre aigüe (39 à 40 ° C), qui peut durer jusqu’à 15 jours et des troubles de la conscience, réalisant un état de stupeur (typhos en grec d’où vient le nom typhus) évoluent parfois en délire organisé.
La fièvre s’accompagne de toux sèche, de migraine aggravée par la lumière, de douleurs diffuses articulaires et musculaires, de nausées, vomissements et souvent de déshydratation et d’hypotension artérielle.
L’éruption cutanée caractérise la maladie avec son extension à partir du milieu du corps et de la poitrine, épargnant paumes des mains et plantes des pieds. Au début, l’éruption est rose et s’estompe à la pression. Puis elle devient rouge franc et persiste à la pression. Certains malades souffrent de pétéchies (petites hémorragies sous cutanées).
De nombreuses complications sont possibles : hépatite, hémorragies digestives, collapsus. Sans traitement, le taux de létalité, compris entre 10% et 60 % dépend de l’âge du malade et de son état physiologique préalable, Chez les malades qui survivent, la bactérie reste intracellulaire et latente. Elle est susceptible de se réactiver des années plus tard chez un individu, ayant déjà eu le typhus (forme atténuée de typhus dite maladie de Brill-Zinsser).
Le traitement : l’hygiène, toujours l’hygiène
Le traitement préventif repose sur l’hygiène du corps et des vêtements. La mise en évidence par Charles Nicolle en 1909 du rôle central du pou de corps dans la transmission de la maladie, a centré les mesures préventives sur l’éradication de ce vecteur, dès les années 1910.
Durant la première guerre mondiale, l’efficacité des procédures d'épouillage des vêtements et les mesures d’hygiène corporelle comportant des douches à l'eau, du savon et du soleil, dans les armées occidentales, leur a permis d’éviter les épidémies de typhus qui sévissaient sur le front russe.
La méthode la plus simple pour combattre les infestations occasionnelles consiste à porter les vêtements infestés à une température de 70°C au minimum, pendant au moins une heure.
Les plus anciens se souviendront des lessiveuses de leurs grand-mères avant l’ère bénie de la machine à laver, véritable instrument de libération de la femme dans les années 60 ! [7]
Dans les situations d'urgence, il peut être malaisé, voire impossible de se laver convenablement et l'on peut manquer de combustible pour faire chauffer l'eau. Il faut alors recourir aux insecticides. Durant la seconde guerre mondiale, lors de la libération de l’Italie (en particulier à Naples en 1944), puis des camps de concentration, le DDT, largement utilisé, connut son heure de gloire. Le traitement des vêtements à l'insecticide est simple et bon marché et il protège pendant au moins six semaines, même après plusieurs lavages.
On ne saurait passer sous silence les conséquences dramatiques pour la planète et ses habitants humains et animaux du DDT dont on n’a pas fini de découvrir les effets néfastes à long terme.
Le DDT « à partir de la Seconde Guerre mondiale, rapidement devenu l'insecticide moderne le plus utilisé, avec beaucoup de succès aussi bien militairement que civilement, dans les champs, dans les maisons et pour la lutte contre divers arthropodes vecteurs de maladie (ex. : paludisme, typhus exanthématique, peste bubonique ), et également comme insecticide agricole. Dès les années 1970, il est toutefois interdit dans la plupart des pays en raison de son impact environnemental et sanitaire élevé, mais, en raison de sa persistance élevée, on en retrouve encore des traces dans le sol aujourd'hui. » [8]
Il faut lire et relire le livre Printemps silencieux (Silent Spring) de la biologiste américaine Rachel Carson, publié en 1962 accusant le DDT d'être cancérigène et reprotoxique (empêchant la bonne reproduction des oiseaux en amincissant la coquille de leurs œufs9). Ce livre a encouragé des évaluations toxicologiques qui ont conduit — à partir des années 1970 — à peu à peu interdire le DDT dans certains pays. [9]
Actuellement une étude canadienne a analysé au Canada une couche de guano de martinets accumulé dans un « dortoir » utilisé par ces oiseaux de 1940 à nos jours. Cette étude a confirmé que le DDT a effectivement eu un impact considérable sur les oiseaux insectivores, mais par un mécanisme s'ajoutant à celui identifié par Carson : en décimant un grand nombre des insectes dont ils se nourrissent (coléoptères notamment, leurs proies les plus nourrissantes) [10] [11].
Recommandations actuelles de l’OMS
Actuellement l’OMS, pour les imprégnations, recommande la perméthrine (un pyréthrinoïde), diluée dans l'eau pour obtenir d'une dose de 0,65-1 g par m2 de vêtement. Les personnes porteuses de poux et exposées au risque de typhus doivent être placées en observation durant 15 jours après l'application d'un insecticide à effet rémanent.
Tous leurs contacts immédiats doivent être placés sous surveillance pendant deux semaines.
DANGERS MAJEURS DES INSECTICIDES
Insistons sur le danger de la perméthrine, bien que sa dégradation soit relativement rapide, et son pouvoir polluant moindre que celui de produits comme le DDT ou le lindane.
Comme les autres pyréthrinoïdes, la perméthrine est neurotoxique. Sa toxicité chez l'humain n'est pas encore classée, mais très toxique pour de nombreux animaux, et en particulier les chats6 et les animaux à sang froid comme batraciens ou insectes.
La perméthrine n'est pas tolérée chez le chat : provoque des symptômes type convulsion, hyperesthésie, hyperthermie, hypersalivation, pertes d'équilibre… Ces symptômes sont réversibles à condition d'être traités à temps, sans quoi l'empoisonnement peut être fatal.[12] Bref, il faut s’en méfier comme de la peste (!) et surtout ne pas en abuser, par exemple avec les après shampoings anti-poux chez l’humain et faire très attention à vos chats !
Le traitement curatif du typhus recourt à l’antibiothérapie.
Le traitement curatif repose sur l’antibiothérapie appartenant au groupe des cyclines. D’après l’OMS, une dose unique de 200 mg de doxycycline (deux comprimés), quel que soit l'âge du malade est généralement suffisante. Lorsque le traitement est précoce, le pronostic est favorable. Il n’y a pas de séquelles, mais la convalescence peut être très longue.
Vaccins abandonnés
Sérothérapie et vaccins ont été l’objet d’intenses recherches depuis l’isolement de la bactérie allant jusqu’aux expériences criminelles d'inoculation du typhus sur des prisonniers des camps de concentration de Dachau, Buchenwald et du Struthof. Mais sans succès durable. La production du vaccin Cox a été arrêtée en 1980, mais les recherches d’un vaccin ont été reprises à l’aide du génie génétique, sans résultat pour l’instant.
La troisième peste a donc été vaincue, comme les deux autres (peste noire et choléra) par l’hygiène et achevée par l’antibiothérapie, sans l’aide de vaccin, une nouvelle fois.
En conclusion, toujours garder en tête l’importance cruciale de l’hygiène !
[1] zoonoses : maladies qui se transmettent des animaux vertébrés à l'homme et vice versa : (zoon, « animal » et noson, « maladie).
[2] Le pou de corps a divergé de celui de tête il y a quelque 100 000 ans, ce qui laisse entrevoir la date d'apparition du vêtement. Le pou de corps fut décrit pour la première fois par Carl Linnaeus dans la 10 e édition de Systema Naturae. L'analyse de la séquence du génome de ce pou fut publiée en 2010, adulte à peu près de la taille d'une graine de sésame (de 2,5 à 3,5 mm), a six pattes, de couleur tan à blanc grisâtre. Il doit se nourrir de sang pour vivre. Le pou meurt à la température ambiante s'il est séparé de son hôte. https://fr.wikipedia.org/wiki/Pou_de_corps
[3] pou de corps peut non seulement causer une maladie appelée pédiculose, mais aussi être vecteur du typhus exanthématique (dû au bacille Rickettsia prowazekii), de la fièvre récurrente mondiale (due à Borrelia recurrentis) et de la fièvre des tranchées (due à la bactérie Bartonella quintana). https://fr.wikipedia.org/wiki/Pou_de_corps
[4] vaisseau de guerre ou marchand, milieu hautement pathogène, où l'hygiène était totalement absente. L'humidité et les déjections suintaient dans tout le navire. Ces eaux de toute nature s'accumulent au fond de la cale formant un « marais nautique », où prolifèrent rats et moustiques. Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, les matelots ne se lavent pas et gardent les mêmes vêtements pendant des semaines ou des mois. https://fr.wikipedia.org/wiki/Typhus
[6] Churchill’s text Aftermath, Chapter XIII, ‘The Miracle of the Vistula’, pp. 262-263
[7] « lessiveuse : grand récipient en fer qui sert à faire bouillir le linge. Inventée au XIXe siècle (brevet en 1856), son utilisation devint courante au début du XXe siècle, remplaçant la lessive traditionnelle, appelé buée, qui se faisait dans des cuviers en terre ou des baquets en bois. Son usage déclina après le développement des machines à laver à manivelles dans les années 1910 puis électriques dans les années 1960 en France.
Au XXIe siècle, restent utiles pour laver les linges très sales, gras ou imprégnés de produits comme les pesticides. Pour certaines professions (garagiste, agriculteur, etc.), il peut être utile de laver, ou de pré-laver séparément les vêtements de travail sans encrasser la machine à laver familiale. https://fr.wikipedia.org/wiki/Lessiveuse
[9] « Vendu à plus de 2 000 000 d exemplaires, traduit en 16 langues, Printemps silencieux n’est pas seulement un best-seller : c’est un monument de l’histoire culturelle et sociale du XXe siècle. Point de référence difficilement contournable de l’histoire de l’écologie, cet ouvrage fait partie de la bibliothèque de l’honnête homme. "Printemps silencieux constitue la naissance du mouvement écologiste" AL GORE » amazon.fr
[10] Rachel Louise Carson, Printemps silencieux, Plon, Paris, 1963, p. 287
[11] Joseph J. Nocera et coll (2012) Historical pesticide applications coincided with an altered diet of aerially foraging insectivorous chimney swifts Proc. R. Soc. B 7 August 2012 vol. 279 no. 1740 3114-3120
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