Une Europe sous la férule de l’intraitable bourgeoisie allemande…
La vidéo publiée le 20 février 2012 sur le site de Xerfi Canal (https://www.xerficanal.com/) par Alexandre Mirlicourtois commence de façon plutôt tonitruante :
« L’année 2012 est celle de tous les dangers pour la zone euro. Une zone euro passée sous leadership allemand. Et la position allemande sur la politique économique à mener tient en un mot un seul : orthodoxie. »
Pour celles et ceux qui ne sont pas particulièrement au courant du fond des grandes questions économiques qui animent les relations entre les pays de la belle Europe, il y a une certaine surprise à entendre parler aussi directement d’un « leadership allemand ». Et alors, la Seconde Guerre mondiale, qui c’est qui l’avait perdue ?…
Certes, personne ne songe à être revanchard. Le terrain économique, ce n’est tout de même pas l’Alsace-Lorraine… Il peut bien y avoir un léger mou. D’ailleurs, comme les Allemands ont tout de même un peu bu la tasse en 1945, pourquoi ne pas leur faire une petite concession sur le terrain des gros sous… Surtout si, avec leurs Mercedes, leurs BMW et tout le reste, ils nous aident à tenir notre rang sur la scène du monde. Et dans ce contexte-là, l’euro, c’est tout de même du solide.
Oui mais, cela a un prix ! s’écrie Alexandre Mirlicourtois que toute cette affaire commence à faire un peu ruer dans les brancards… Essayons de regarder cela avec lui… L’orthodoxie allemande, comment ça marche ? Comme cela, tout simplement…
« 1- impossibilité pour la Banque centrale européenne de monétiser directement la dette publique ;
2 – généralisation de la règle d’or par les Etats membres, quitte même à l’inscrire dans les constitutions ;
3 – alignement sur le modèle mercantiliste sophistiqué. »
Ce n’est certes pas du chinois, mais tout de même… Allons-y doucement…
Le premier intitulé renvoie à l’interdiction, pour la Banque centrale européenne, de faire ce que, naguère, les Banques nationales des différents pays pouvaient faire sous certaines conditions : prêter de l’argent à leur Etat.
Ayant la responsabilité de la qualité de la monnaie nationale, elles devaient éviter d’abuser de cette liqueur un peu dangereuse pour le pays au risque de déclencher des attaques de la finance internationale (et surtout US, britannique et allemande) sur la monnaie elle-même, tout en ayant à faire face à une inflation possiblement galopante sitôt cette monnaie perçue comme plus ou moins fondante…
Restait encore la possibilité de la dévaluation : tout ce qui était produit, en France par exemple, perdait une part de sa valeur sur les marchés étrangers, y compris le travail incorporé dans les produits en question, mais aussi la part correspondant au profit… On voit le tableau. Et la crise passait jusqu’à la prochaine occasion… Souvent, c’était tout de même l’occasion d’une belle frousse, car, on comprend très bien que sitôt que l’instrument de mesure de l’activité économique d’un pays se trouve occupé à dériver, chaque intervenant de celle-ci, producteur ou consommateur, peut avoir l’impression qu’il va y perdre une partie de sa chemise…
Avec l’euro, difficile de perdre sa chemise sur ce terrain de la monnaie… Mais, à l’inverse, difficile désormais de la gagner…
Surtout si, par ailleurs et au-delà du fait de ne plus pouvoir s’endetter à bon compte, il faut mettre la main à la poche pour rembourser les… vieilles dettes, ou, tout au moins, pour les ramener à un niveau raisonnable. C’est le sens de la seconde règle de l’orthodoxie impulsée par Berlin. Voici d’ailleurs ce qu’Alexandre Mirlicourtois nous en dit :
« […] l’Allemagne a obtenu que ses principaux partenaires s’engagent à ramener leur taux d’endettement public à 60% du PIB. Seule condition ? Appliquer la fameuse règle d’or. La règle d’or c’est quoi ? C’est simplement interdire les déficits publics structurels. »
Avec un peu d’humour (agacé), voici le graphique qui nous est alors proposé… Un verre, pas plus ! Mais entrons dans le détail de la médication :
« L’Espagne prévoit de passer de 9% à 3% entre 2010 et 2013. 3% c’est la cible du gouvernement français alors que l’Italie ambitionne quasiment d’être à l’équilibre. En période de conjoncture dégradée, il ne faut pas se voiler la face, cela revient à sabrer dans les dépenses publiques et à durcir la fiscalité. »
Et voici où se situe le juge de paix qui gère tout cela, selon Alexandre Mirlicourtois :
« Enfin, c’est aligner les modèles de croissance de l’ensemble des pays de la zone sur celui de l’Allemagne. Dans une logique de développement « mercantiliste sophistiqué », la croissance se gagne à l’export et en accumulant les excédents commerciaux. Il faut donc être compétitif. »
Sous la férule allemande, il n’y a donc pas à tergiverser :
« Et la voie est toute tracée. Il faut radicalement modifier le partage des revenus au détriment des salariés. »
Quant à l’Allemagne en question, ce n’est pas nécessairement celle du peuple allemand dans sa généralité. C’est celle d’une bourgeoisie centrée autour de quelques familles élargies qui savent ce que tenir une main-d’oeuvre à sa place veut dire. Ainsi, s’il s’agit d’appliquer le modèle d’Outre-Rhin…
« Il faut, comme en Allemagne, mettre les salariés au « régime sec », c’est-à-dire limiter la hausse du coût horaire par la modération salariale. »
Par conséquent, Si l’Allemagne a fini par gagner la Seconde Guerre mondiale, c’est aussi que celle-ci a fini par prendre une tournure qui a exclu la question ouvrière – et plus généralement le questionnement autour de l’exploitation de l’être humain par l’être humain – du champ de ses préoccupations. Herr Kapital s’est assuré un triomphe apparemment à peu près total…
Il va donc falloir en payer le prix !
NB. Cet article est le onzième d'une série...
« L’Allemagne victorieuse de la Seconde Guerre mondiale ? »
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