Vivre comme un hérétique dans un monde hideux, faux et mauvais et ne pas se suicider
Les cathares furent des hérétiques. Ils étaient chrétiens mais ne considéraient pas le Christ comme rédempteur du monde. Pour eux, le Christ était un Dieu venu dans la chair sans en être altéré afin de témoigner du monde des cieux avant de repartir. Pour les cathares, il n’y avait rien à attendre de ce monde, mauvais pas essence, contaminé par le mal.
Au 21ème siècle, la question cathare ne se pose plus mais l’existence a encore et toujours besoin de croyances, surtout des croyances nourrissant les espérances. La vie est devant nous. Les espérances, il y en eut beaucoup depuis l’âge moderne, avec le progrès en ligne de mire. Pas plus tard que dans les années 1970, une certaine jeunesse nourrissait l’espoir d’un monde meilleur qui viendrait en jouant collectif. Quarante ans plus tard, le désarroi a gagné les esprits. Les teintes intellectuelles sont grises. Quelques notions appliquées à cette époque. Individualisme, déclin, désenchantement, désarroi, désespoir, démission, corruption, soumission… déjà dans les années 1990 pointait le spectre de la décivilisation, notion proposée par Péguy puis revisitée par Jean-Marie Domenach dans un essai sur le déclin de la culture française et le naufrage du roman.
Le monde idéal auquel j’aspire et en lequel je n’espère plus vraiment est un monde habité par une certaine exigences à trois points de vue. Esthétique et culturel, avec des arts passionnants et un souci du beau, puis une exigence philosophique, avec un monde habité par la vérité et enfin un souhait d’ordre éthique en espérant un monde habité par le bien ou du moins par des gens en majorité bienveillants et très peu d’individus malveillants ou profitant du monde en l’asservissant et en agitant les haines. Bref, un monde avec des types bien et des bonnes volontés, sorte de minimum syndical revendiqué par les militants kantiens.
Mon œil modestement gnostique voit se confirmer un tournant qui s’il n’est pas catastrophique n’a rien de spécialement plaisant. Question esthétique, on voit et entend beaucoup de choses laides, que ce soit en art contemporain, architecture, chansonnette pour masses, culture mainstream, horreurs médiatiques avec des présentateurs plutôt idiots et des ricanements incessants. Sur Inter c’est devenu la règle. La radio est devenue insupportable. Par ailleurs, les gens ne sont pas foncièrement mauvais. Les vrais méchants et autres pervers narcissiques sont minoritaires. Si le monde semble mauvais, c’est par ses injustices, ses égoïsmes, ses asservissements. Le monde a besoin de justice bien plus que de morale.
La question essentielle reste la vérité. Dans le passé, le monde a été corrigé et parfois élevé par la religiosité puis par la vérité de la raison, autrement dit, la philosophie. Le monde a été surtout corrigé par la technique. Mais cela ne suffit pas. L’attitude philosophique est nécessaire mais le monde suit-il les philosophes, est-il en mesure de les écouter et surtout de les accueillir ? Il y a quelque chose de foncièrement faux dans nos sociétés. Et c’est de cette fausseté que résulte les différents maux, fanatismes, obsessions idéologiques, vide médiatique, cirque politique, absence de visions d’avenir, normes envahissantes promulgués par des technocrates obsédés par l’ordre matériel, le principe de précaution et la pureté technique du zéro défaut.
La modernité, dans ses pratiques sociales mais aussi scientifiques, a visé l’efficacité en passant à côté de la vérité, de la résonance, de la communion entre les êtres, la nature et le cosmos. L’homme contemporain ne connaît pas la vérité et de plus, il n’en veut pas, ce qui fait le désespoir des âmes philosophiques qui cherchent une agora pour se faire entendre. Les neurosciences matérialistes, la théorie de l’évolution et la relativité générale sont fausses du point de vue philosophique, mais exactes du point de vue des sciences positives. Le monde est faux et c’est fâcheux pour les gnostiques. Mais c’est un avantage pour les marchands d’illusions, insignifiances, prothèses et autres remèdes à l’efficacité plus vantée que réelle.
La fausseté du monde tient en un seul principe, celui du jeu, dans le sens technique, productif ainsi que ludique. Les politiciens, les scientifiques, les individus massifiés jouent ou se prêtent au jeu. Une fois que vous avez compris ce principe, vous connaissez le faux et vous pouvez chercher la vérité. Le faux, on le retrouve dans les mots dont le sens est dévoyé. Que ce soit par les journalistes, les intellectuels ou les politiciens. Hollande ou Valls et Sarkozy jouent avec les mots et déforment leur sens. C’est un jeu dangereux auquel s’est livré Hitler. Dès qu’il y a jeu, il y a règle du jeu et triche pour gagner la partie. Les élites trichent avec les mots parce que les élites jouent, leur existence et la notre. Tous ces politiciens ne sont que des acteurs qui n’ont rien à faire de nos vies. Les chanteurs et les comédiens c’est pareil. Jouer, pour oublier la mort et jouir des plaisirs terrestres. Adieu l’authenticité. Qui reste quand même répandue, chez les honnêtes hommes qu’il m’arrive de croiser ou pas.
Le philosophe gnostique du 21ème siècle est un hérétique inversé. Il croit en la vérité mais ne croit plus dans le jeu des acteurs du monde. Ces gens vont dans le mur. Ils fuient quelque chose, la mort sans doute, la haine de soi parfois. Et les médias sont complices de cette dévoration du monde par les prédateurs qui fuient la lumière et la vérité et que l’on retrouve sur les plateaux télé.
La vérité reste au bout du chemin. Elle ne peut pas être anéantie et à l’image de la lumière du soleil ne peut pas être éteinte. Mais la différence du soleil, la vérité doit être allumée pour être vue et entendu par les hommes des lumières.
Le monde faux ne mérite pas que les gnostiques se suicident. Les gnostiques doivent prendre de la hauteur et cultiver les atmosphères célestes comme aurait dit Rousseau. Voir le monde est pesant, s’en affranchir est possible avec la légèreté de la grâce. Le gnostique ne peut rien faire contre les morts vivants qui jouent sur le théâtre en fuyant l’authenticité et la vérité. Il les abandonne à Dieu et s’efforce de fréquenter les justes.
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