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Accueil du site > Tribune Libre > Coke en stock (XL) : en Bolivie, la chute du tsar de la police

Coke en stock (XL) : en Bolivie, la chute du tsar de la police

Le nombre effarant d'appareils qui se sont crashés en Bolivie ces dernières années est bien la preuve d'un trafic important de drogue dans le pays. La politique permissive du président Morales à l'encontre des planteurs de coca, au nom du respect de pratiques ancestrales andines a donné semble-t-il des ailes aux trafiquants du pays. Et les chiffres sont au rendez-vous. La production interne de cocaïne bolivienne est en augmentation, mettant en doute les déclarations d'Evo Morales sur la lutte qu'il est censé mener contre la drogue. Un doute qui va culminer fin février dernier avec une bombe médiatique véritable : l'annonce de l'arrestation pour trafic de coke vers les USA de l'ancien responsable de la lutte anti-drogue ayant quasiment le rang de ministre dans le pays. Aujourd'hui paisible retraité, il s'est fait prendre la main dans le container maritime...

Mais revenons en d'abord à nos appareils de l'épisode précédent. L'avion qui nous manquait dans la liste des appareils crashés est encore un de ces Cessna emblématiques en Bolivie. Le 4 août 2010, il s'était produit plus étonnant encore que ceux décris jusqu'ici : un Cessna T210M Turbo Centurion (décidément LE modèle préféré la-bas !) gris, violet et blanc, avec une immatriculation estampillée CP-2549, peinte avec des lettres de format différent et un drapeau bolivien sur la queue, se crashait en plein champ dans le district de Domingo Martínez de Irala, au sud de Ciudad del Este. L'engin était effectivement un monoplan à aile haute mais à train rentrant, et il semble bien que le pilote l'avait oublié en se posant !  Pour la police, en tout cas, c'est clair, l'avion a bien transporté des armes et de la drogue, que l'on retrouve sur place. Le temps de faire les constatations d'usage, et le lendemain... l'avion a déjà disparu ! Entretemps, les policiers sétaient vus offrir 20 000 dollars pour faire dispararaître les fameuses armes, avait-on appris... Envolé à nouveau, l'appareil, voilà qui ne va pas faciliter l'enquête ! L'équipage composé du le pilote Guillerm Lowen, et du copilote Carlos Enrique Padilla, un bolivien, a pourtant été arrêté la veille avec quatre autres hommes venus à leur secours (les brésiliens Cicero Netto et Gilberto Cavalcante Padilha, et les paraguayens Jorge Ricardo Villalba Ruben et Florentin Gimenez Baez) qui ont été arrêtés eux aussi. Et relâchés le lendemain également, l'avion s'étant entretemps volatilisé comme on l'a précisé. Pourtant, l'un des visages était archi connu des policiers et même du grand public bolivien : c'était Rubén Giménez Jorge Baez, qui avait fait l'objet de reportages TV sur le trafic de drogue sur les thème du "Réseau Armatráfico des trois frontières". Un réseau mêlant livraison d'armes et drogue !

Cette très surprenante apparition avait en effet aussitôt été reliée automatiquement par la presse à un précédent mémorable : le vol de mitrailleuses lourdes (des Browning de calibre 7,62 x 51 fabriquées aux USA) capables d'abattre des avions, trafic dans lequel des policiers avaient été mouillés. Or le lendemain de l'arrestation du groupe, le procureur Rafael Ojeda ordonnait sa libération immédiate. Deuxième mystère ! Mieux encore : le journal qui relate ces faits étonnants avait été mis sur la piste de Rubén Giménez Jorge Baez par un mystérieux coup de fil qui affirmait qu'il était à l'origine même du vol des armes anti-aériennes ! Une dénonciation anonyme, venue sans nul doute des milieux militaires. Il est à noter que le 14 mai 2009, au Mexique, la police avait montée la première mitrailleuse de ce genre saisie lors d'une opération anti-drogue visant le cartel de Beltran Leyva. En Bolivie, comment l'appareil s'est-il remis sur les roues, et qui a réparé son hélice ? Mystère et boule de coca !

Historiquement, la drogue et la Bolivie c'est une vieille histoire. Etroitement liée à la CIA s'entend bien. "La CIA a déjà eu une longue histoire d'interventions en Bolivie contre les socialistes et les travailleurs de foi chrétienne avec des penchants mélioriste (NDLR : méliorisme = relatif au méliorisme, doctrine fondée sur l'amélioration possible du monde) au cours des années 1960 et 1970. En 1980, la DEA est mêlée à ce qui allait être connu comme le "Coup de cocaïne" (*) en Bolivie, la CIA est alors reliée système politique argentin et aux barons de la cocaïne dans leur déposition 1980 du gouvernement bolivien. (Notez que l'explication de la CIA sur ce coup d 'état a été proche de celle sur la participation de la CIA au Chili quelques années plus tôt). En 1980, nous avions un régime politique socialiste bolivien qui, après avoir musclé sa politique anti-drogue, est devenu un adversaire naturel des barons de la cocaïne. Le monde souterrain de la cocaïne bolivienne serait un adversaire destiné à tout système politique qui mettrait en œuvre une politique anti-stupéfiants, ce qui rend les seigneurs boliviens à prendre des précautions pour préparer un coup d'Etat bolivien. Après la guerre des contras, la CIA a continué de s'associer à aux narco-militaristes en Colombie,au Venezuela, au Pérou, au Guatemala, à Cuba, à Haïti (on vient de le voir avec Martelly !), au Mexique et le Panama. Bon nombre de ces alliances ont changé, mais le principe continue ostensiblement, comme celui de transformer la Birmanie (Myanmar) en relais de machinations de la CIA dans le Triangle d'Or."

En résumé, cela s'est passé c'est lors de la reprise du pouvoir en Bolivie le 17 juillet 1980, par le général Garcia Meza via coup d’Etat d'une extrême violence, dans lequel on trouvait pas mal de militaires argentins, anciens tortionnaires désaffectés. Meza avait ainsi ainsi empêché Hernán Siles Zuazo de devenir président, qui venait juste d'être élu avec 34% des votes. Le régime dictatorial de Meza était dévolu aux trafiquants de cocaïne, Luis Arce Gomez son ministre de l'Intérieur, finissant extradé aux États-Unis sous le gouvernement de Jaime Paz Zamora et Meza éjecté le 4 août 1981. Or, au milieu des activistes derrière Meza on trouvait un homme fort particuier : "Klaus Barbie (sous le pseudonyme d'Altman), criminel de guerre, ancien chef de la Gestapo de Lyon, Stefano Delle Chiaie, membre de Gladio, qui participa à la stratégie de la tension pendant les années de plomb, ont pris part au Cocaine Coup (en) de Meza Tejada, soutenu à Buenos Aires par la junte de Jorge Rafael Videla (voir Opération Charly) ainsi que par le parrain de la drogue Roberto Suárez Goméz". Gomez, le roi de la cocaïne !

A l'époque, les avions utilisés à la fois par la CIA et le trafiquant Carlos Lehder étaient essentiellement des DC-3 et des C-46, dont une grande partie finira effectivement au service des barons de la drogue colombienne (et bolivienne). On en trouvait encore quelques uns en ruine sur des plateaux andins, il y a quelques années. A La Paz, à 4061 m d'altitude. Dans les années 60, ils cotoyaient même de vieilles forteresses volantes B-17 converties en appareils civils. En C-46, c'est le CP-1655 (numéro de fabrication 33294), acheté tardivement en 198 à LB Smith, Transair Congo, devenu TABA (pour Transportes Aereos Regionais da Bacia Amazonica S.A.) puis revendu à Servicios Aereos Cochabamba in Bolivia. Il sera cédé aux Servicios Aereos Oriental en 1995 et trois ans après à Transportes Aereos Universal Ltd avant de devenir appareil de chez SAO (Servicios Aereos del Oriente)... En mai 2001, on fêtait les 70 ans d'un C-46, immatriculé CP-1319 : en 2009 seulement il avait fini par raccrocher alors qu'il volait encore en 2007. En 1991 il avait moins fière allure. En juin 2010, le Curtiss C-46D-10-CU (c/n 32941, CP-973) démarrait encore.... selon Srephen Piercey, auteur de "Sky Truck 2 book", "à 13,000 pieds, dans l'air raréfié de l' atmosphere de La Paz, en Bolivie, vous aviez surtout intérêt à croire en Dieu et aux and Pratt & Whitney si vous vouliez faire voler un C-46 Commando (quel boucan au décollage !)."

Ces C-46 dépareillés, vestiges des opérations douteuses de la CIA, c'est Carlos Lehder qui les achetait en Bolivie. L'homme qui organisait le trafic dans les années 70. Des témoignages sidérants sont restés de cette époque faste de la cocaïne déversée à pleins flots vers les Etats-Unis par le trafiquant super-équipé. Tel celui-ci : "j'étais au Ministère du Tourisme des Bahamas à Nassau, au bureau, un matin, en 1978 je crois, quand un garçon américain est apparu à ma porte et m'a demandé si j'étais américain, moi aussi. Oui, lui répondis-je. Il avait l'air nerveux, inquiet. Il s'est invité à l'intérieur, s'est assis, et s'est présenté : Terry Knight, un membre de l'écurie d'autos de courses de Paul Newman et le propriétaire d'une maison à Norman Cay.  Knight a dit qu'il était terrifié. Il a affirmé qu'il était constamment harcelé par des hommes avec des armes automatiques, chassé de sa propre plage par des chiens Doberman. Il a expliqué que les jours précédents, il était sur son petit bateau à voile quand un hélicoptère est arrivé au dessus de lui et a tellement descendu bas que le souffle de l'hélice à fait chavirer son bateau. Il m'a dit que des hommes armés à bord de l'hélicoptère utilisaient un haut-parleur pour l'informer qu'il serait tué s'il essayait de naviguer de nouveau à cet endroit. Il est venu me espérant je pourrais convaincre quelqu'un du gouvernement des Bahamas pour protéger ses biens, qu'il percevait maintenant comme étant sans valeur et dangereux à visiter. Il a dit qu'il n'avait confiance en personne dans le gouvernement des Bahamas et a estimé qu'ils avaient été payés par les trafiquants hors-la-loi de Norman Cay. Je l'ai dirigé vers le consulat des États-Unis quelques pâtés de maisons et je n'ai plus jamais entendu parler de lui." La suite, on la connaît... A noter que Terry Knight (de son vrai nom Richard Terrance Knapp) était aussi musicien et a même eu un certain succès avec son "pack". Il fera en fait fortune en devenant le manager de Grand Funk Railroad ! A noter aussi que Lehder louait sa piste d'atterrissage aux USA... c'est à dire aussi directement à la CIA !

Derrière chaque mouvement en Bolivie, il y a depuis deux choses : les groupuscules actifs d'extrême droite et la CIA, comme j'ai déjà pu vous le dire ici-même et que montre aussi cet excellent magazine vidéo. Carlos Lheder, co-fondateur du cartel de Medellin né de père allemand réfugié en Bolivie et grand admirateur d'Hitler n'est jamais très loin. La manipulation des populations y est évidente. Et elle devient flagrante récemment, le 7 janvier 2011 avec un dépôt de plainte de la part d'une famille... irlandaise. Souvenez-vous : je vous avais parlé de mercenaires venus en Bolivie, dont certains recrutés sur les plateformes de forages irlandaises de Shell. Parmi ceux-ci, je vous avais cité le cas de Michael Dwyer, 24, de Tipperary (Tiobraid Árann). "Tibor Revsz avait amené avec lui un irlandais, Michael Dwyer, tué lors de l’assaut de la Police bolivienne. Faisant partie du même groupe et responsable d’exactions sur la population bolivienne. Une amitié qui le relie encore davantage à l’extrême droite. Eduardo Rozsa-Flores, surnommé en Croatie "Chico", ayant donc participé au nettoyage ethnique en ex-Yougoslavie, un autre beau cas d’espèce d’extrême droite. On est bien au milieu d’un creuset de néo-nazis voire de pro-nazis véritables, partisans chez eux de "l’élimination des Roms". De véritables dangers pour l’Union Européenne, tant ils jouent en ce moment les trouble-fêtes électoraux !" avais-je écrit en septembre 2009. 

L'homme était mort lors du raid de la police qui s'était tenu à Santa Cruz. Selon la police, il y avait eu échange de tirs nourris entre les mercenaires et elle : les hommes avaient été accusés d'attenter à la vie d'Evo Morales, le président du pays. Or, selon Wikileaks, il n'y avait eu aucun échange mais bien une exécution rondement menée. C'est la thèse en tout cas que défendait également depuis le début Matyas Jozsa, l'ambassadeur hongrois en Argentine. Avec pour preuve les armes qu'ils détenaient : des pistolets, de la dynamite C4 et des munitions de calibre 5,56mm... des armes "non disponibles en Bolivie" avait alors clamé le vice président Garcia Linera. Or selon Wikileaks, ces armes provenaient du vol d'une caserne en 2008 située en bordure du Paraguay. Un vol auquel aurait participé Rubén Giménez Jorge Baez ! Il est vrai que les "preuves" photographiques de leur arsenal en forme de bric à brac semblaient bien étranges...

De quoi laisser entendre que les trafiquants d'armes ou de drogue étaient de mèche avec le pouvoir en place, près à tout pour redorer son blason. Mais Evo Morales, comme Chavez, est présenté partout comme inflexible, luttant avec acharnement contre les trafiquants, en renforçant sa police, dirigée d'une main de fer par René Sanabria : nous sommes alors en 2007 et en 2008, et Sanabria est tout simplement le chef de la Force spéciale de lutte contre le narcotrafic (FELCN), une sorte de "tsar" de l'antidrogue comme l'aiment à le présenter les américains eux-mêmes. Le 31 mars 2010, le pays annonce des saisies record de drogue. "Cette semaine 761 kg de cocaïne, sa troisième prise importante en mars, portant à 8,4 tonnes le volume saisi en 2010" annonce fièrement le gouvernement. Une drogue qui bien entendu ne vient pas de Bolivie "Le FELCN a dit avoir la « certitude absolue » qu'une majorité de la drogue récemment saisie provient du Pérou voisin (2e producteur mondial), acheminée en Bolivie (3e producteur), où elle est raffinée, puis exportée par des membres de la mafia colombienne" déclare le le colonel Molina. Le 1 er octobre 2010 on arrête même des entrepreneurs en bâtiment soupçonnés de blanchir l'argent sale de la drogue : or ils ne sont pas boliviens, mais... espagnols et portugais et habitent dans la province du Leon et au nord du Portugal. Tous ont des liens avec la Bolivie. "Au début de 2010, les chercheurs ont détecté un groupe de personnes vivant dans Ponferrada (León) et d’autres villes voisines avaient commencé une activité financière essentielle comparant les investissements nécessaires en Bolivie.  La première enquête a incité les agents de confirmer que le but réel de ces opérations était de cacher de l’argent provenant du trafic de cocaïne. Suite à ces rapports, les agents situés à Madrid, les membres de l’organisation responsable de la réception et la distribution de la drogue en Espagne. C’était un groupe de Boliviens qui ont reçu des instructions directes de la tête de l’organisation à Santa Cruz de la Sierra (Bolivie). Ces personnes ont reçu de la cocaïne par le biais de passeurs et ensuite distribués à des revendeurs dans d’autres régions espagnoles comme Barcelone et Tenerife." On se dit que le réseau est démantelé et que la Bolivie est sur la bonne voie : Sanabria peut prendre une retraite bien méritée, après avoir été nommé responsable du Center of Intelligence and Information Generation au Ministère de l'Intérieur bolivien en 2009. ll part s'installer au Panama.

Patatras ! Le 25 février 2011, la bombe médiatique éclate : l'ancien "tsar" de la police, le fameux René Sanabria, justement, vient de se faire pincer par la DEA américaine et le FBI en tentant d'envoyer par container 144 kg de cocaïne depuis la Bolivie vers la Floride, en novembre 2010. Pris la main dans le sac, sans possibilité de nier quoi que ce soit ! C'est une véritable catastrophe pour Morales, dont s'empare aussitôt l'opposition qui déclare que "nous sommes face à un narco-gouvernement" comme le dit Ernesto Justiniano, un des membres de cette opposition.  L'image d'un Morales bienveillant s'effondre totalement en effet, car d'autres collaborateurs proches sont impliqués. Et il est fort difficile d'imaginer que le président bolivien, qui avait fait de lui le chef de la lutte antidrogue n'ait pas été au courant : soit, et c'est peut-être pire encore, il a été pendant des années d'une naïveté confondante à l'écart de Sanabria ! Comme Chavez, Morales avait en effet expulsé il y a trois ans les services de la DEA américaine au nom d'un espionnage que l'agence ne devait effectivement pas se priver de faire, pour remettre tous les pouvoirs antidrogue à un seul homme. Pas le bon, pour sûr, aujourd'hui. Car la chute de Sanabria lui porte un coup certain. Dont il aura du mal à se remettre... la presse a titré partout "le leader de la lutte anti-drogue arrêté pour trafic" ; ce qui est plus qu'un paradoxe, et désormais, la suspicion remonte encore plus haut dans la pyramide gouvernementale.  "De plus en plus d'indices nous suggèrent que le narcotrafic a infiltré toutes ses sphères" a déclaré Ernesto Justiniano, laissant entendre lourdement que Morales savait. D'une certaine manière, le nombre d'avions de trafiquants sillonnant le pays avait déjà laissé entendre que le cocaïne, en Bolivie, vivait ses meilleures heures...

(*) voir à ce propos cet excellent reportage ici.


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5 réactions à cet article    


  • Robert GIL ROBERT GIL 13 mai 2011 11:16

    qui achete la drogue ?


    • morice morice 13 mai 2011 11:30

      la vie parisienne ?


      • morice morice 13 mai 2011 14:28

        Faut voir. T’as quoi ?

        il n’est pas parisien et moi non plus...

        • Bernie78 13 mai 2011 23:49

          L ça fait cinquante, et X devant ça fait moins dix, donc quarante. Est-ce qu’on pourrrait écrire XXXX ? Moi, je fais du XXL donc du 30.... ou XXX.


          • morice morice 14 mai 2011 00:36

            l’intérêt de ce post ? aucun.

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