L’illettrisme : fléau de notre société
Les statistiques sont malheureusement là pour nous le rappeler : en Suisse, mais sans doute en Europe aussi, près d’un adulte sur cinq éprouve des difficultés face à la lecture, à l’écrit et au calcul.
Les chiffres annoncés sur le site de l’association Lire et écrire de Suisse romande (www.lire-et-ecrire.ch) sont éloquents : entre 13 et 19% des adultes suisses (ici, les étrangers ne sont pas pris en compte) qui ont été scolarisés ressentent des difficultés plus ou moins grandes face à l’écrit et au calcul. Il ne s’agit pas là d’hésitations quant à l’orthographe d’un mot ou à la tournure d’une phrase, mais de réelles incapacités à déchiffrer et à rédiger un texte, même simple. Je n’ai pas les chiffres pour les autres pays européens, mais il n’est pas exagéré de penser qu’ils doivent se tenir dans ces mêmes proportions.
Selon le site, les personnes illettrées (à ne pas confondre avec les analphabètes qui n’ont pas bénéficié d’une scolarisation dite normale) ont suivi entre 8 et 9 ans d’école obligatoire. L’adage qui voulait que tout enfant quitte l’école en sachant au moins lire, écrire et compter n’est malheureusement plus d’époque.
Les mauvais résultats obtenus par la Suisse à l’étude PISA 2004 ont montré que ce handicap (car c’en est un) n’est pas près de disparaître. Les maîtres d’apprentissage se plaignent des faibles performances des jeunes commençant une formation.
L’illettrisme a de nombreuses conséquences, notamment une mésestime de soi découlant du fait qu’on n’est pas capable de « faire comme tout le monde ». Comment assumer le fait qu’on ne sache pas lire devant ses propres enfants ? Les relations avec les administrations, les hôpitaux, les assurances se basent essentiellement sur l’écrit. La difficulté (voire l’impossibilité) de trouver un emploi ; l’écrivain public peut bien rédiger la lettre de candidature, mais qu’en sera-t-il des communications internes, des notes de services ou des contrats de travail ? Le troisième aspect concerne sa propre sécurité : on ne peut pas lire un avertissement ou un danger immédiat. Enfin, toute participation à la vie civique est empêchée : comment voter, élire, adhérer à des partis politiques ou s’inscrire sur des listes ? Ne pas savoir lire, c’est ne pas être citoyen !
On ne se rend pas compte du nombre de textes qui nous passent devant les yeux en seulement 24 heures. Cela va des manchettes de journaux aux annonces de soldes, en passant par les horaires, les publicités et les enseignes, sans parler du courrier.
Autour de l’illettrisme, il y a un profond sentiment de honte ; c’est un sujet tabou. On parlerait presque plus facile de sexualité. Les « victimes » ne sont pas stupides, bien au contraire ! Elles travaillent le plus souvent, mais doivent se contenter de tâches peu valorisantes, et n’espèrent pas gravir un jour les échelons hiérarchiques.
Fort heureusement, des associations luttent activement contre ce fléau : elles proposent des cours et l’enthousiasme des participants montre qu’elles sont sur le bon chemin. Mais il reste encore tant à faire ! Le pas le plus difficile est certainement d’entrer en contact avec de tels groupes. Cela signifie reconnaître qu’on a un problème, mais surtout qu’on veut trouver une solution. L’apprentissage est aussi plus difficile, car on n’apprend pas à quarante ou cinquante ans comme à huit !
Malgré le développement des nouvelles technologies, le problème demeure, et, peut-être, se renforce de plus en plus. Les pays industrialisés, sous cet angle, n’ont rien à envier aux pays émergents.
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