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La discordance des temps

Franco la Muerte !

La discordance des temps.

 Étrange surgissement …

 Il est parfois des télescopages curieux dans les actions que nous entreprenons, les décisions que nous prenons auparavant et qui, soudainement, se trouvent étrangement mises en écho par le brouhaha des temps présents. C'est ainsi que lorsque les amis de l'association culturelle ABCD décidèrent de célébrer (si ce terme a un sens dans pareil cas) le quarantième anniversaire de la mort de Franco, rien ne présageait alors l' exécrable atmosphère du moment.

 Une quinzaine d'artistes s'était retrouvée autour de l'ami Pierre pour proposer à un public d'habitués et de connaissances, au travers de chansons et de rappels historiques, de poèmes et de commentaires, une évocation de l'histoire de la guerre civile espagnole. Les auteurs qui étaient tombés sous les coups de l'abominable dictateur qui sévissait à nos portes dans l'indifférence de nos démocraties si promptes à se prosterner devant les bourreaux pourvu qu'ils soient fréquentables, ces martyrs étaient à l'honneur, célébrés par des chansons et poèmes en espagnol pour l'essentiel.

 Inutile de vous dire que depuis ce qui est curieusement désigné sous le vocable réducteur d' « évènements récents », les interprètes avaient quelque peu la gorge nouée et l'estomac de travers. Chacun voyait dans ce rappel historique, le substrat d'une étrange discordance des temps, un retour en enfer qui donnait aux textes proposés une inquiétante actualité.

 Si les conditions, les circonstances et les acteurs n'étaient pas les mêmes, on ne pouvait faire l'économie du jeu des analogies et des mortelles inquiétudes. La monstruosité des uns, l'impuissance honteuse et indécente des démocraties occidentales, la mort au bout du voyage. Le souffle de la bête immonde, toujours présent malgré les années, toujours actuel sous de nouveaux masques.

 Le silence se fit dans ce grand salon qui était devenu pour l'occasion une salle de spectacle exiguë. Le public , comme les acteurs de cette cérémonie, était conscient de commémorer là, non seulement la fin d'une dictature, mais bien les menaces toujours présentes qui pèsent sur la démocratie. Point n'était besoin de minute de silence ni de Marseillaise vengeresse ; ce soir-là, il y avait un émotion palpable, un respect tangible, une empathie et une gravité qui dépassaient bien des démonstrations souvent oiseuses …

 Comment évoquer le présent au travers d'un passé qui n'est pas encore cicatrisé ? Comment défendre la culture, la liberté, la République et toutes nos valeurs par le biais d'un récit décalé ? Personne ne se posait ces questions ; la discordance des temps jouait à plein son rôle, les deux temps distincts étaient si intimement mêlés que nul discours idéologique n'avait besoin de se glisser dans la force des mots.

 La poésie suffisait à donner à ces instants une dimension universelle, une valeur universelle renforcée par deux textes issus des drames chiliens et argentins. La qualité de l'écoute, la force du silence, l'émotion des chanteurs, le recueillement de tous faisaient de ce spectacle impromptu une célébration, une cérémonie culturelle d'une force incroyable.

 Tout du long de ces instants inoubliables je me disais que c'est de cette manière que nous devrions enseigner la liberté dans nos écoles. Nul besoin de faire le procès des monstres qui se terrent tout près de nous avant de fondre pour semer la désolation. La chanson et la poésie de ceux qui avaient eu à risquer ou perdre leur vie pour combattre l'arbitraire, la folie, la haine poussaient bien plus loin la réflexion que les pauvres discours de nos représentants.

 La beauté des mots, la force des évocations, la transcendance des métaphores et la magie des mélodies furent, ce soir-là, bien plus émouvantes que tout ce que nous avions eu à attendre depuis une semaine. C'est la culture qui avait été attaquée, c'est elle qui ripostait avec la grâce et la perfection qui en font justement cette arme non létale si redoutée par ceux qui veulent détruire notre civilisation des lumières.

 Le spectacle terminé, tous ceux qui avaient eu la chance d'assister à ce miracle ne voulaient plus se séparer. Il leur fallait parler, échanger, se retrouver pour expliquer ce flot d'émotion qui avait submergé chacun d'eux. Nous avions entamé notre deuil au travers de la mort d'un monstre, curieuse substitution des monstruosités, étrange pouvoir des mots quand ils se refusent à la haine.

 Ce spectacle mériterait à n'en point douter d'être reproduit pour que d'autres, plus nombreux encore, bénéficient à leur tour de cette force intérieure qu'il nous a impulsée. Je ne remercierai jamais assez tous les acteurs de ce moment de grâce nécessaire et salvateur. Merci, oui vraiment merci à vous, d'avoir su répondre à la bête immonde ! Les loups ne feront jamais taire les poètes.

 Franchement leur.

 

 

FRANCO LA MUERTE

 

La guerre civile et le franquisme  Pierre et Jeanne

Poème 1 « El crimen » de Antonio Machado Jeanne et Jean Michel

 

CHANTS REVOLUTIONNAIRES

 

« Ay Carmela » et « Si me quieres escribir » (Si tu veux m’écrire), étaient des chansons chantés par les soldats républicains et les volontaires des brigades internationales pendant la guerre civile. Les paroles font référence au siège de Gandesa aux troupes marocaines de choc de l’armée franquiste, (appelés les réguliers) et au passage de l’Ebre des troupes républicaines sous les bombardements constants des fascistes.

« Ay Carmela » José + chœur

« Si me quieres escribir »  José, Eric et Alexia

Poème 2 « Aceituneros » de Miguel Hernandez Jeanne et Jean Michel

 

LE FRANQUISME

 

« Que volen aquesta gent »  de Maria del Mar Bonnet Teresa et Jean Michel

 Chanson en hommage à Enrique Ruano étudiant en droit et militant antifranquiste espagnol, mort dans des circonstances mystérieuses en détention de la Brigade de politique sociale, la police politique du régime de Franco.

 Enrique Ruano a été arrêté à l’aube le 17 Janvier 1969, pour lancer de la propagande de son parti, et emmené au poste de police. Trois jours plus tard, il a été emmené dans un appartement à Madrid, pour effectuer une fouille et il est tombé d'une fenêtre du septième étage. Ils ont prétexté un suicide…

 

« Franco la muerte » de Léo Ferré Pascal

« Je n’irai pas en Espagne » de … Pierre Louki, Pierre et Pascal

Poème 3 « Mi casa mi corazón » de Marcos Ana Jeanne et Jean Michel

« Et si mon chant est triste » texte français de la chanson de Luis Lach, en hommage à Salvador Puig Antich  Aimée et Jean

« Al Alba » de Luis Eduardo Aute  Aimée et Alexia

 

Chanson en refus aux derniers crimes du franquisme effectués à l’aube du 27 septembre de 1975. Une chanson en souvenir des victimes, écrite comme une chanson d’amour pour échapper à la censure par Luis Eduardo Aute les jours précédents à la fusillade

 

 

LES PAYS DE L’AMERIQUE DU SUD (ARGENTINE ET CHILI)

 

« Como la cigarra » de Maria Helena Walsh Daniella, Nicolas et Emmanuel

Cette chanson, écrite en 1972 par la poétesse et auteur pour enfants Maria Elena Walsh, fut interdite sous la dictature militaire. Elle est connue comme la première « cancion de protesta » (Chanson de protestation.

 Le texte :

 « Tant de fois on m'a tué, tant de fois j'ai disparu, tant de fois on m'a effacé, et pourtant je suis là, de retour, chantant au soleil comme la cigale qui a passé un an cachée sous la terre »

Cette chanson nourrit l'espérance de survivre à la dictature, aux persécutions, à la privation de liberté et à la censure, et notamment la situation des disparus Le chant de la cigale est la métaphore de la voix des dissidents, bâillonnés pendant la dictature. Ce texte évoque aussi la douleur, la solidarité et l'espérance.

 

« Marta Ugarte se queda » de Sergio Ortega Daniella, Nicolas et Emmanuel

 Marta Ugarte (29/7/1934 – probablement 9/09/1976) fut une professeure chilienne, détenue disparue puis assassinée par la DINA (Services secrets) pendant la dictature militaire d'Augusto Pinochet.

 

Son cadavre, horriblement torturé et brûlé, fut jeté à la mer dans un sac du haut d'un hélicoptère, et fut retrouvé sur la plage de La Ballena, à 182 km au nord de Santiago du Chili. Cette information à l'époque a été dissimulée par les médias qui ont occulté son identité.

Elle était membre du comité central du Parti Communiste Chilien, et était chargée des questions d'éducation de son Parti sous le gouvernement d'union de la gauche d'Allende.

 

Poème 4 « El poeta » de Atahualpa Yupanki Jeanne et Jean Michel

 

 

CHANTS A LA LIBERTE

 

« L’estaca/Le pieu » de Lluis Llach/ Marc Robine Jean et Teresa

 Composée durant la dictature du général Franco en Espagne, c'est un cri à l'unité d'action pour se libérer de l'oppression, pour atteindre la liberté. D'abord symbole de la lutte contre l'oppression franquiste en Catalogne, elle est devenue un symbole de la lutte pour la liberté.

 Les paroles évoquent, en prenant la métaphore d'une corde attachée à un pieu (estaca en catalan), le combat des hommes pour la liberté3.

 « Canto a la libertad » de José Antonio Labordeta tous

Elle a été composée l’an 1975 et représente un rêve de solidarité, d’humanité, de justice sociale, d’espoir, de liberté et constitue un hymne pour le peuple.

 


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12 réactions à cet article    


  • nofutur 30 novembre 2015 16:21

    Merci Nabum,

    Fils et petit fils de républicains espagnols, en relisant votre post ainsi que les poèmes chantés, cela m’a redonné les larmes aux yeux.
    J’adore a galopar...et beaucoup d’autres...

    Un grand merci à vous.


    • C'est Nabum C’est Nabum 30 novembre 2015 17:45

      @nofutur

      Un grand merci aux artistes qui ont travaillé à la réalisation de ce moment unique

      Oui, les poètes savent transcender l’histoire et la douleur pour magnifier le meilleur de l’âme humaine et effacer les pires abjections


    • Clark Kent M de Sourcessure 30 novembre 2015 16:49

      merci Nabum


      « C’est partout le bruit des bottes 
      C’est partout l’ordre en kaki 
      En Espagne on vous garotte 
      On vous étripe au Chili
      On a beau me dire qu’en France
      On peut dormir à l’abri
      Des Pinochet en puissance
      Travaillent aussi du képi... »

      Jean Ferrat
      Le bruit des bottes

      • C'est Nabum C’est Nabum 30 novembre 2015 17:46

        @M de Sourcessure

        Et dans notre bonne vieille démocratie, l’état d’urgence fédère une population de moutons



        • C'est Nabum C’est Nabum 30 novembre 2015 19:15

          @Samson

          Merci à vous pour ce lien

          N’oublions jamais


        • Samson Samson 30 novembre 2015 17:58


          « Si je n’ai pas la chance de tomber contre un mur,
          S’il n’est quelqu’un de libre pour me donner la mort,
          Quand je commencerai à manquer de futur
          Je me me pendrai au ciel en entrant dans mon corps ! »

           Tristan Cabral in Du pain et des pierres


          • C'est Nabum C’est Nabum 30 novembre 2015 19:16

            @Samson

            Et les balles traversent toujours les corps pour finir leur course contre le mur
            Terrible réalité balistique


          • Le421... Refuznik !! Le421 30 novembre 2015 18:47

            Une information que je trouve géniale !!

            Chassez le naturel, il revient au galop...

            Vous avez dit « fasciste » ?? En voilà un excellent exemple.

            http://www.franceinfo.fr/actu/politique/article/marine-le-pen-s-en-prend-la-voix-du-nord-apres-sa-une-sur-le-fn-748723


            • C'est Nabum C’est Nabum 30 novembre 2015 19:18

              @Le421

              La menace se précise mais crier au loup ne sert à rien tant qu’il n’a pas investi la place
              Les moutons suivent et honorent la dame, elle parle d’une voix qu’ils comprennent et approuvent mais quand elle aura le pouvoir, il en ira tout autrement

              La peur, la haine, le malheur seront au rendez-vous sans qu’il en serve à rien de le dire avant


            • julius 1ER 1er décembre 2015 08:02

              cet article va faire un tabac .... vu le nombre de nostalgiques de Franco que l’on croise sur ce site .


              cet homme a sauvé le monde du communisme, c’est à peu près ce que j’ai entendu le plus souvent
              rien que pour cela il a eu droit à un immense mausolée qui existe toujours à ce qu’il parait !!!!!!

              il serait aussi arrivé au pouvoir en marche arrière, en serrant le frein à main, à l’insu de son plein gré en quelques sorte, ce qui ne l’a pas empêché de rester plus de 40 ans en place,.........

               avouons que pour un type qui n’était pas intéressé, c’est pas mal................

              beaucoup de politiques signeraient pour beaucoup moins .......... ;

              la réécriture de l’histoire c’est quelque chose qui me laisse toujours perplexe et complètement incrédule tant certains faits semblent acquis et puis ... non.... certains arrivent et te font penser que ce qui semblait vrai n’était qu’une fiction .....

              il est encore tôt mais il faut se réveiller !!!!!!!



              • C'est Nabum C’est Nabum 1er décembre 2015 08:46

                @julius 1ER

                Un tabac ?
                Il n’y a pas de fumée sans feux ...

                N’espérons rien de nos contemporains, ils sont si oublieux du passé, qu’ils veulent à nouveau vivre l’aventure désastreuse du fascisme ...

                Nous les aurons prévenus !

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