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La face cachée du projet de loi Création & Internet, dite « HADOPI »

C’est le feuilleton législatif, tant au niveau national qu’européen, de l’hiver et du printemps 2009. Le projet de loi Création & Internet n’en finit pas d’être ridiculisé, par l’assemblée nationale, par l’assemblée européenne, par les acteurs du net et, de manière générale, par tous ceux qui ne fricotent pas, de près ou de loin, avec les industries musicales et du cinéma ou le gouvernement. Mais là n’est pas le sujet.

Que cette loi soit inapplicable, que l’autorité qui l’accompagne ne voit jamais le jour ou s’avère incapable de répondre aux objectifs fixés (faire baisser le téléchargement illégal et, mécaniquement, relancer la vente de musique et de vidéos), que le financement pour sa mise en œuvre ne soit jamais trouvé ou que les sanctions soient particulièrement impopulaires, le gouvernement n’en a cure. Car, contrairement à la DADVSI qui avait pour seul but de protéger (maladroitement, certes) le droit d’auteur dans un environnement nouveau (internet), le projet de loi HADOPI se fiche bien des intérêts des artistes et autres créateurs ou de priver un internaute de sa connexion. Ca, ce n’est que la partie immergée, celle destinée à faire passer le reste, en catimini.
 
L’HADOPI n’est liée qu’indirectement au droit d’auteur. Les sanctions encourues ne punissent pas le fait de télécharger illégalement un fichier soumis au droit d’auteur ou la possession d’œuvres contrefaites mais la non sécurisation par l’abonné de sa connexion internet, ayant entrainé une utilisation (ou une présomption d’utilisation) délictueuse de cette dernière. Même si la nuance peut paraître légère, elle est néanmoins très importante. Tout simplement par le fait que ce n’est pas le téléchargeur qui est visé, mais le titulaire de la connexion internet qui a permis le téléchargement. A l’heure du WIFI, de la 3G, du BLUETOOTH et de tous les protocoles sans fil plus ou moins bien sécurisés/sécurisables cette distinction est majeure. D’autant plus que ce projet de loi propose d’ériger en tant que preuve irréfutable d’identification de la l’abonné la seule adresse IP, malgré les risques de fraudes et d’usurpation maintes fois soulevés. Il devient alors facile de pointer du doigt un coupable idéal en cas d’infraction (ou de simple présomption) et, surtout, il va devenir très simple de lui imposer (pour se protéger juridiquement de problèmes inévitables) l’installation de logiciels destinés à contrôler l’activité de sa ligne ADSL. Logiciels qui, pour être efficaces, devront être de type « propriétaires » et donc forcément incompatibles avec les OS « libres », tel Linux. et, le plus souvent, payants On entre là dans le vif du sujet, avec un texte qui ne fait rien d’autre que de légaliser le filtrage de l’accès à internet depuis le poste de l’internaute, à des fins autres que sécuritaires, et par des organismes privés.
 
Contrôler la connexion internet des citoyens peut être acceptable en soi. S’il s’agit de sécurité intérieure (terrorisme) ou de protection de l’enfance. Sauf que là, ce n’est pas le cas. Il s’agit de contrôler l’activité de l’internaute dans un domaine directement lié à une activité lucrative privée. Excusez du peu. Et ce n’est pas tout. Le contrôle et la répression éventuelle de l’activité de l’internaute sort de la seule compétence d’un juge pour entrer dans celle (pour la surveillance) de sociétés privées, et (pour la répression) d’une autorité administrative dont la composition est déterminée par le gouvernement. Si l’on ajoute à ça que la CNIL ou l’ARCEP n’ont pas leur mot à dire dans ce système, on voit rapidement ce qu’il sera possible au gouvernement ou aux multinationales de retirer de cette loi ou de ses probables extensions futures à d’autres domaines. Sans parler de la gestion et de l’utilisation des données personnelles non encadrée. Voilà pour la partie filtrage.
 
Mais d’autres cavaliers sont insérés. L’un d’eux est particulièrement instructif. Toujours sous couvert de protection du droit d’auteur et de relance des marchés de la musique et du cinéma, la nouvelle autorité aura le pouvoir de labelliser des sites commerciaux privés et d’imposer aux moteurs de recherche le sur-référencement de ces sites labellisés. Après la mise en œuvre d’un filtrage voilà que l’on s’attaque à la neutralité du net en imposant une mise en avant systématique d’acteurs privés sélectionnés, certes indirectement, par le gouvernement. Imaginons un instant une extension (très simple une fois le principe admis) de cette logique législative aux sites d’information ou aux blogs, … et on se rend compte que l’on est bien loin de la problématique du droit d’auteur, mais plutôt dans celle de la liberté de choix du citoyen.
 
DADVSI était une loi mal ficelée, incohérente, inapplicable et sans les fondements technologiques nécessaires. Mais, au moins, elle disait ce qu’elle était et sa destinée de loi mort-née n’a pas modifié en profondeur notre vie en tant qu’internaute. HADOPI sera, peut-être elle aussi, une loi mort-née, mais nul doute que les brèches qu’elle va ouvrir dans la protection de nos libertés individuelles sur internet se feront ressentir très au-delà de sa simple (non) application. Et tout ça, sans proposer la moindre réflexion sur l’évolution de la méthode de rémunération des artistes dans un environnement totalement dématérialisé. Belle prouesse politique.

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16 réactions à cet article    


  • pendragon 2 mai 2009 10:20

    Au lieu d’écrire 10 articles sur HADOPI aujourd’hui, vous auriez dû vous réunir pour en écrire un ensemble et sérieusement. Quand il y en a trop on ne lit plus.


    • Olivier from Madinina Olivier from Madinina 2 mai 2009 16:20

      Je suis d’accord avec ça. Ca rajoute, en effet, au bruit de fond sur ce sujet. Néanmoins, cet article a été proposé il y a une semaine, juste avant la reprise des débats à l’assemblée, et il n’y en avait, à ce moment, pas encore autant qui traitaient du sujet.

      Pour terminer, cet article est avant tout destiné à mettre en avant la dérive actuelle du gouvernement envers le média internet (en général) que de traiter du projet Internet & Création en lui même.


    • fredleborgne fredleborgne 2 mai 2009 12:41

      D’accord avec Pendragon, mais en en faisant 2

      - un qui défend la légitimité des artistes
      - un qui défend la légitimité des internautes

      et ainsi, on voit bien, comme dans cette conclusion intelligente, qu’Hadopi n’est pas la loi efficace pour défendre les droits des auteurs

      Sinon, j’ai bien apprécié votre article


      • Olivier from Madinina Olivier from Madinina 2 mai 2009 16:57

        On sort là un peu du sujet qui n’était pas de traiter de la possible efficacité du projet de loi dans la sauvegarde de la création, mais plutôt de s’attarder sur les brèches qu’il ouvre dans les libertés numériques individuelles.

        La légitimité des artistes n’a pas à être traitée, elle est là, point. Et de cette légitimité historique et nécessire, doit découler une rémunération adaptée au travers du droit d’auteur. Tout le monde est d’accord avec ce principe. Le problème est que, depuis quelques années, dans les faits, on ne cherche pas à trouver des solutions pour rémunérer les artistes dans un système dématérialisé, mais à maintenir les rentes d’une industrie qui n’a pas été capable (ou n’a pas voulu) s’adapter à un environement profondement modifié. Le modèle actuel n’est plus adapté et le sera de moins en moins au fur et à mesure de l’évoution de la technologie, et plutôt que d’adaper ce modèle, on cherche à contraindre la technologie. On est dans une impasse.

        Quant à la légitimité des internautes, elle est simplement liée à la légitimité de l’internet. Là, ce n’est plus un problème corporatiste, mais un problème majeur de choix de société que ne pourra pas se passer d’une réflexion collective de grande ampleur et ne pourra, en aucun cas, être traité par une loi approximative passée au forceps.



        • patroc 2 mai 2009 15:37

           C’est la liberté d’expression qui est en jeu !.. 1000 articles ne seraient pas de trop.. Quand demain on vous obligera à acheter un espion gouvernemental sous peine de coupure alors que vous n’avez jamais téléchargé, il sera trop tard !.. Aujourd’hui, nous « complotons » librement, avec hadopi, ils peuvent tout savoir, demain, pression et coupure ?.. Un bon article..


          • Stéphane ERARD 3 mai 2009 08:27

            A mettre en perspective avec LOPSI2, HERISSON et j’en passe et des « meilleurs » (tout est question de point de vue).


            • Lucien 3 mai 2009 10:00

              Contrôler la connexion internet des citoyens peut être acceptable en soi. S’il s’agit de sécurité intérieure (terrorisme) ou de protection de l’enfance.

              Je ne suis pas d’accord avec ça. Le contrôle de la connexion internet des citoyens est inacceptable. Vous tolèreriez que, sous couvert de protéger les enfants ou de repérer des terroristes, on puisse épier toutes vos communications et vous implante une puce RFID pour suivre tous vos déplacements ?

              Ce qui est indispensable, c’est d’éduquer parents et enfants. Il incombe aux parents de surveiller l’usage que leurs enfants font d’internet, et pas à une autorité extérieure. Il existe un grand nombre de solutions de contrôle parental, et il est assez simple de les configurer correctement. Et qu’on ne me dise pas que les parents ne sont pas suffisamment formés pour ça, c’est leur boulot de se former, ça fait partie du job.


              • Thomas Thomas 3 mai 2009 11:32

                > Le contrôle de la connexion internet des citoyens est inacceptable.

                Tout dépend ce que l’on entend par contrôle.

                La surveillance est indispensable (et déjà réalisée) pour la lutte contre la criminalité.

                Le filtrage, qui modifie la perception du Net par l’internaute ou interfère avec ses libertés, n’est pas acceptable.


              • Lucien 4 mai 2009 12:38

                > La surveillance est indispensable (et déjà réalisée) pour la lutte contre la criminalité.

                Ça dépend aussi de ce que vous entendez par surveillance.

                Vous n’accepteriez pas qu’on lise toutes les lettres que vous recevez ou envoyez (par la Poste, s’entend), il n’est donc pas normal que les communications par internet soient davantage surveillées.

                Il est par contre légitime, en effet, dans le cadre d’une enquête, de surveiller les échanges entre personnes mises en accusation. Mais tout ça doit être fait sous autorité judiciaire, pas par une entité indépendante comme HADOPI.


              • Thomas Thomas 3 mai 2009 10:13

                Très bon article, qui recoupe largement le mien que vous avez eu l’occasion de lire et commenter. Inutile donc de préciser que je partage votre point de vue.

                Ainsi que j’ai eu l’occasion de l’ajouter dans les commentaires, je pense de plus en plus que le spyware sera non pas sur le PC mais dans les box. Ça résoudra tous les problèmes liés aux logiciels libres, aux différentes plateformes, à la compétence des internautes, ...

                Les FAI seront « priés » de l’intégrer dans une mise à jour du BIOS de leur box et ça apparaîtra au mieux dans une ligne des conditions générales, que personne ne lit jamais.

                Sans même attendre le vote de la loi HADOPI, l’état a d’ores et déjà commencé d’étendre le filtrage au delà des crimes et du droit d’auteur : Filtrage : les sites de paris en ligne bientôt bloqués par les FAI ?

                Bien sûr, il restera possible d’utiliser un VPN, de crypter vos échanges (mais l’activité est soumise à déclaration et les cryptages vraiment efficaces > 1024 bits sont considérés comme des armes de guerre et interdit d’utilisation aux citoyens ordinaires). Cette loi peu connue risque de revenir en force.



                  • Alain Lipietz Alain Lipietz 3 mai 2009 12:27

                    En effet le débat Hadopi n’est plus seulement une affaire d’internautes. C’est une attaque majeure contre les libertés, qui prend bille en tête l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, par de multiples bouts.


                    Pour un petit roman policier (téléchargeable librement !) expliquant les conséquences de l’hadopi et comment lutter, voir ici :

                     

                    http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre22172.html


                    Et pour un point au 1er mai sur la situation au Parlement Européen (amendement Bono-Cohn-Bendit anti-Hadopi, devenu amendement 46), voir ici :

                    http://www.inlibroveritas.net/forum/sujet2936.html


                    • FR-ank FR-ank 3 mai 2009 14:13

                      Hallucinant et incroyable cette loi liberticide contre l’internaute et le citoyen sur son libre choix...donner tout le pouvoir a l’interet de qques groupes privees.
                      L’acces a internet, a l’information ( tel une biblioteque ) doit etre un droit universel
                      Tous ensemble pour une vraie societe de l’information mise en place par tous, tous les citoyens - votons citoyen le 7 juin 2009 - votons NEWROPEANS.
                      Cordialement



                        • Francky la Hache Francky la Hache 4 mai 2009 19:57

                          Le controler par les FAI, des transferts des internautes :
                          1) c’est pouvoir revendre à des sociétés privées des statistiques (même anonyme) sur vos réctions à de nouveaux produits, pour mieux vous entourlouper ensuite. A la manière des cartes de fidélités dans les magasins : VOUS gagnez 15€ par an pour qu’on étudie vos habitudes et variations de consommation ; les recoupements de paiements par CB sont interdits.
                          C’est un budget totalement énorme qui écrase de loin le problème de la création artistique, qui n’est qu’un prétexte.
                          2) c’est rien changer aux internautes (minoritaires) qui, experts, contourneront toujours les remparts pour faire toujours plus d’EXPLOITS.
                          3) pour le commerce en ligne de contenu média : ??? c’est imprévisible, à mon sens, et je m’en moque un peu d’ailleurs. je m’explique ensuite.
                          4) d’autres trucs auquels j’ai pas pensé, et il doit bien y en avoir un bon paquet. LUCRATIFS, c’est sûr.

                          --------

                          La rémunération des artistes.
                          A mon avis, c’est la scène qui doit rémunérer exclusivement les musicos et compositeurs.
                          La zik sur CD ou les produits dérivés pour téléphone (ce qui aujourd’hui est le plus lucratif), ce n’est que du vent. Perso, je paye cher mes concerts, et je n’achète plus de CD.
                          Ce principe plait peu à notre Johny, mais est revendiqué par Ziggy Stardust (alias David Bowie) et de nombreux artistes.
                          Pour le cinoch, une étude montre que le budget global a encore augmenté en 2008 malgré tout. Ainsi, même si beaucoup téléchargent du screener, du dvdrip ou un mélange à la qualité passable, le budget cinéma est conservé, voire augmenté.
                          Bonus : D’autre part, quand un jeune passe son temps à visionner des films moisis, il ne manifeste pas.

                          Conclusion, un status quo n’est pas pour déplaire à beaucoup (acteurs comme consommateurs).

                          Mais comme rappelé, le TROJAN inclu dans la loi H (inappliquée puisqu’inapplicable) sera lui une menace grave pour les consommations de masse (légales) qu’auront les internautes. Enfin, c’est déjà le cas avec les cartes de fidélité que les ménagères s’arrachent ; et peu s’en plaignent. Avec Hadopi, on sera tous étudié à la loupe, consentant ou pas.

                          Seule option ? Adieu internet !

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