Moi, Président !
Tour d'horizon de la fonction …
Vous avez peut-être suivi les difficultés de l'une de mes associations dans le remarquable billet « Ma chorale déchante ». Quand il faut dénouer une situation tendue, le plus simple est de se retrousser les manches et de passer à l'action. Quand tant d'autres ne font rien, je ne suis pas de ceux qui comptent éternellement sur les autres. C'est donc ainsi, avec ma grande gueule et mon sens de la formule qui fait mouche, que je me retrouve Président. La belle affaire pour quelqu'un qui chante tout juste mieux qu'une casserole et qui est totalement béotien en solfège.
Mais de tout ça, balayons d'un grand geste méprisant les chausse-trapes et les inévitables tracas qui vont se présenter devant moi pour aller plus avant dans les différents profils de président que j'ai eu l'occasion de croiser dans ma longue carrière associative. Le mieux pour moi serait de ne pas suivre les mauvais exemples et de tirer le meilleur des rares sujets d'exception en ce domaine. Mais je sais par expérience qu'il y a toujours un grand écart entre les promesses et la réalité, aussi je me garderai bien de fanfaronner, tel notre pauvre François, en déclarant, péremptoire et solennel « Moi, Président, … » pour finalement n'en tenir nul compte.
Des présidents, donc, j'en ai vu beaucoup et pas souvent du meilleur acabit. Il y a d'abord celui qui régente tout, occupe la première place sur la photographie comme à table, qui veut tout savoir et qui dit « Moi, je » en parlant de l'association. Celui-là est le plus détestable. Incontournable, il veut tout contrôler, ne délègue rien, décide de tout, ordonne plus qu'il n'exécute, prend seul la parole lors des réunions et est d'un ennui mortel. Il décourage les bonnes volontés, il fait fuir ceux qui aiment leur liberté. Il est l'association à lui seul …
Il y a encore cet autre qui se pense indispensable. Son travail est exemplaire, son implication sans faille. Il fait tout et même beaucoup plus encore. Il abat un tel ouvrage que personne ne songe à lui disputer la place. L'association est son enfant, sa chose, son bien propre. Après lui, le déluge ; les autres ayant pris l'habitude de se reposer sur ce stakhanoviste de l'organisation et du détail qui tue. Pourtant, après son départ, l'association continuera à vivre, de manière fort différente mais elle continuera quand même. Il se peut même que nul alors ne songe à lui dire merci pour tout ce qu'il avait fait.
Il y a celui qui n'est jamais là. Le président suprême, celui qui dispose d'une bonne raison pour jouir ainsi d'un prestige absolu. Il jouit d'une fortune personnelle qu'il met modestement au service de son association ou bien il a un nom qui sert de vitrine, de référence pour faire briller tous ceux qui se placent sous sa bannière. Celui-là est une sorte de Dieu le père ; un mot suffit à faire disparaître un gêneur, il ne fait rien mais a tous les pouvoirs. Quand il vient à se lasser, quand il tire sa révérence, c'est souvent la fin des haricots et rien ne résiste à sa trahison.
Le président historique est aussi une curiosité. Il fait tellement partie des murs qu'il se confond avec l'association. Ses qualités, son savoir-faire l'ont installé dans une fonction à vie qui ne présage rien de bon. Il agit souvent avec justesse, il délègue, prend en compte l'avis de tous. Il serait parfait, s'il ne s'était créé un mausolée de son vivant. À ne pas forcer la main d'un éventuel successeur, il a conforté chacun, bien malgré lui, dans la certitude que, lui seul, pouvait tenir la baraque. Et s'il vient à partir, si la mort l'emporte ou bien un raz-de-marée, c'est le tsunami, l'accident industriel et l'association ne s'en relève pas.
Le président fantoche n'est pas mal non plus. Celui-là ne dispose d'aucun pouvoir. Il n'est que le faire-valoir de quelques malandrins qui font leurs petites affaires en sous-main, se servent parfois copieusement, se couvrent grâce à ce brave homme qui signe et ne contrôle rien. Il va inaugurer les chrysanthèmes, se farcir les réunions de la mairie et les défilés pompeux, signer les yeux fermés et ne rien comprendre à ce qui se trame réellement dans la maison. C'est lui qui aura les ennuis quand le pot aux roses sera découvert ; en attendant il coule des jours heureux sans se douter qu'il est assis sur une bombe à retardement.
Il faut mentionner , mais c'est plus rare heureusement , le président roublard qui a créé une association de papier pour tromper le fisc et profiter d'une couverture factice. Personne ne peut adhérer à son association : c'est un paravent, un leurre qui ne trompe personne. Il profite de la complicité de ceux qui ont quelques avantages à fermer les yeux sur ses manigances. Il bénéficie de la bienveillante mansuétude des notables ; dans ce pays frauder est un devoir pour les gens de la bourgeoisie et un crime de parasite quand ce sont des pauvres qui le font. Celui-là ne défend rien que ses intérêts, a les doigts crochus et ne dit jamais merci.
Fort heureusement il est des présidents qui annoncent la couleur. Font un mandat ou bien s'engagent pour une durée déterminée. Ils ne phagocyteront pas l'association ; ils organisent le débat, permettent la contradiction, délèguent et confient des responsabilités à chacun. Il ne font jamais de rétention d'information et agissent seulement pour le strict nécessaire. Une association n'est pas une entreprise : elle a besoin de fédérer toutes les énergies autour d'une activité qui lui confère sa légitimité et est l'essence même de son âme. Ce président-là n'est qu'une courroie de transmission qui sera remplacée quand son tour passera.
Présidentiellement vôtre.
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