Grèce : qui détient des CDS ?
On comprendrait mieux les enjeux de négociation et les attitudes des différents acteurs de la crise grecque si l'on savait qui détient des CDS, c'est à dire des titres assurant les banques contre les défauts de paiement. Mais ce marché, organisé par des contrats de gré à gré, est totalement opaque.
Les CDS, ou Credit Default Swaps, encore appelés "dérivés de crédit", sont des contrats de protection contre l'impayé. Passés de gré à gré, variables dans leurs clauses librement rédigées par les parties, ils sont d'une totale opacité.
Le blog Melvine en action, s'inspirant d'un article de Louise Story paru dans le New York Times, vient de faire paraître un interessant article intitulé Y a-t-il un AIG dans la zone euro ?
AIG est un assureur américain qui s'est trouvé au bord de la faillite suite à la crise de 2008, car il assurait les pertes de nombreux autres acteurs financiers. La question posée revient donc à demander : en cas de défaut de la Grèce, y a-t-il un acteur qui perdrait énormément, plus encore que les créanciers directs non remboursés, car il serait leur assureur ?
La même question peut aussi se poser en ces termes :
Qui a passé des contrats CDS garantissant les défauts sur la dette grecque (et européenne en général en cas de "dominos") ? Celui-ci, ou ceux-ci, sont les AIG potentiels de la crise grecque. Si l'on pouvait les identifier, on aurait certainement la clé des positions prises par ces acteurs. Il importerait d'autant plus de les identifier que nous voyons, au travers des positions prises par les acteurs gouvernementaux, qu'ils savent fort bien faire relayer leurs intérêts au niveau politique.
Le problème se complique du fait qu'il y a deux types d'acteurs qui peuvent gagner ou perdre gros sur les CDS :
Ceux qui ont vendu des CDS à titre d'assurance peuvent perdre gros en cas de défaut.
Ceux qui pourraient gagner gros, ce sont ceux qui ont pris des CDS sans avoir de contrat de prêt à couvrir (c'est légal). En cas de défaut grec, ils toucheraient la grosse assurance sans avoir subi la perte correspondante.
Pour mémoire : ceux qui en ont acheté à titre d'assurance d'un vrai prêt (par exemple : une banque exposée au risque grec) verraient leur risque diminué du fait de l'existence de l'assurance.
La question de savoir ce qui est un défaut et ce qui ne l'est pas est donc centrale dans le jeu des intérêts, d'où l'enjeu à trouver un mode de re-structuration (ou roll-over ou autre euphémisme) qui ne soit pas considéré comme un défaut. Question complexifiée par le fait que rien ne définit précisément le défaut, sauf les contrats de droit privé dont nous venons de parler.
Ce qui est sur, c'est que les potentiels payeurs au titre des CDS défendent bien leurs intérêts, puisque nous voyons la BCE et les chefs d'Etat tout faire pour qu'il ne survienne aucun "évément de crédit", rien qui puisse être qualifié de "défaut".
Le problème, c'est que, pour éviter ce genre de "défaut", ils s'interdisent d'imposer aux banques de contribuer à l'allègement du fardeau de la Grèce. Leur participation ne pourrait être que volontaire. Angela Merkel demande encore qu'elle soit substantielle, mais, sur ce point, elle recule pas à pas.
Si bien que c'est le contribuable européen qui paiera la totalité ou presque du plan d'aide à la Grèce.
L'article conclut :
"Certains analystes suggèrent que certaines des banques impliquées dans les transactions financières en Grèce il y a plusieurs années peuvent avoir eu connaissance dès le départ de la faiblesse de la situation financière du pays, d'autant plus que certaines banques ont contribué à masquer cette faiblesse en utilisant des instruments dérivés."
Le blog Melvine va jusqu'à prononcer des noms : Goldman Sachs et JP Morgan.
Il importerait que ces points soient éclaircis, car Goldman Sachs en particulier a des anciens bien placés à la Banque Centrale européenne, et intervient dans les médias, comme le montre cette vidéo.
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