Logement social : toujours plus ?
Les affaires de l’OPHLM92 de "Pasqualand", la récente amnistie présidentielle de Guy Drut (affaire des HLM de Paris), les appartements de Juppé ou de Gaymard rendent évidemment la droite éminemment suspecte sur tout ce qui concerne le logement, et le fatras habituel des propositions de M. Borloo est loin d’apporter la clarté d’objectifs que l’on serait en droit d’attendre face à un problème de ce type.
Je ne suis pas un spécialiste du sujet, mais je me suis documenté au cours des dernières semaines, et voilà un diagnostic "libéral non-anti-social" qui, peut-être, ouvre des voies jusqu’ici non explorées.
Le premier constat, qui fait l’unanimité, est que le nombre de demandeurs de logements sociaux est très supérieur à l’offre (environ 100 fois). En constat subsidiaire, il est certain que quelques centaines de milliers de personnes ou familles extrêmement ou très démunies font partie de cette immense liste d’attente, et doivent en attendant vivre dans des "squats" ou des hôtels ou immeubles insalubres. Il ne fait aucun doute pour moi que ces personnes ou familles ont droit à un logement décent, et que seul le logement social constitue une réponse à leur situation dramatique.
Le second constat qui, lui, est bien plus polémique, est que près de 14 millions de Français vivent dans des logements sociaux. Un Français sur quatre bénéficie d’un avantage extrêmement significatif correspondant à une économie de loyer de 50 à 70% !
Ces deux constats apparemment contradictoires s’expliquent fort bien :
- on ne construit qu’environ 50 000 logements sociaux nouveaux par an (de quoi loger entre 100 000 et 150 000 personnes) contre 120 000 à 140 000 logements construits (au demeurant très laids et de mauvaise facture) au début des années 1970
- très peu de gens bénéficiaires de ce type de logements quittent leur logement (considéré parfois comme un véritable "patrimoine" familial et transmis de père en fils !).
On comprend d’ailleurs fort bien pourquoi nos bénéficiaires ne quittent pas ces logements aux loyers modérés : si leurs revenus dépassent 40% du "plafond de ressources" (environ 1 SMIC par personne logée), la seule sanction financière est de payer un "surloyer" bénin (celui-ci ne correspond qu’à 0,5% des loyers perçus par les OPHLM) et surtout, ils bénéficient d’un "droit au maintien dans les lieux" (visiblement, selon une loi datant de 1948 !).
La situation est donc "inégalitaire" (au sens de La Machine... de Minc) à plus d’un titre :
- des gens extrêmement ou très démunis ne bénéficient pas d’un tel logement
- des foyers aux revenus similaires au-dessus du "plafond de ressources" mais bénéficiant, pour l’un, d’un loyer de HLM et, pour l’autre, d’un loyer du secteur privé, engagent des dépenses mensuelles pour se loger qui varient du simple au triple
- pour les bénéficiaires des différentes aides au logement, ces dernières ne tiennent que faiblement compte du montant du loyer payé, renforçant ainsi le caractère privilégié des locataires du secteur social par rapport à leurs homologues à iso-revenus qui n’y ont pas eu accès.
Avec la même philosophie que celle de l’emploi à vie et de la défense acharnée des avantages acquis, la seule solution envisagée est de construire plus de logements sociaux, de détruire ceux qui sont vraiment "invivables" et de rénover ceux qui méritent de l’être. Tout ceci est louable, mais on nous dit que cela coûte fort cher, et qu’il n’y a pas assez de moyens pour tout faire. Pourtant...
Lorsqu’on étudie les chiffres fournis par la DGUHC (Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction), on constate que l’endettement des OPHLM et des SA HLM (principaux gestionnaires du parc de logements sociaux) est d’environ 90 milliards d’euros (une belle somme) correspondant grosso modo à la valeur "au bilan" des 4 millions de logement gérés (soit moins de 25 000 € par logement, donc très/trop peu) et que les loyers hors charges perçus sont d’environ 12 milliards d’euros (soit environ 250 € par mois et par logement, donc un ratio loyer/valeur très favorable).
Pour le "financier" que je suis (capable de faire la différence entre coût et prix), ces chiffres sont porteurs d’un réel levier totalement inexploité : vendre le patrimoine ancien et sous-valorisé, réaliser de confortables plus-values permettant de rembourser une partie de la dette, et donc se réendetter pour construire du neuf, ou tout simplement de construire du neuf "sur fonds propres" au lieu de recourir, comme aujourd’hui, à l’augmentation des taxes locales.
Ce levier n’a pas été utilisé, puisqu’il semble qu’un logement HLM ne puisse être vendu qu’à son locataire (ou à un autre organisme HLM). Quelques cessions ont lieu aux locataires, mais un marché dans lequel il n’y a qu’un seul acheteur ne peut être un marché efficace !
Si l’on adoptait la mécanique qui consiste à vendre tout immeuble "vendable" (une partie du parc HLM est sans doute "invendable" et devra plutôt être "détruite") âgé de plus de vingt ans à des sociétés foncières privées en leur demandant de gérer une période transitoire (de 5 ans par exemple) de maintien de "loyers modérés", puis à faire rentrer dans le secteur privé (locatif ou non) ces immeubles, on aurait de multiples bénéfices :
- en faisant jouer la concurrence entre ces acquéreurs privés, on maximiserait la plus-value et donc les moyens à consacrer à la construction neuve et à la destruction des "invendables" (on peut même imaginer des chiffres records pour quelques HLM situés dans le Marais, le 16e arrondissement ou sur la Côte d’Azur)
- ces logements neufs additionnels pourraient enfin accueillir les plus démunis qui sont en liste d’attente
- en obligeant les locataires HLM concernés à être sous le "plafond de ressources" à l’issue de la période transitoire pour avoir à nouveau droit à un logement social, on éradiquerait périodiquement les bénéficiaires indus
- en ayant un parc rajeuni, on baisserait le coût annuel de rénovation
- en mettant sur le marché des immeubles anciennement HLM, on favoriserait une forme de mixité sociale sans doute beaucoup plus naturelle (similaire au mouvement des populations des centres-villes vers les banlieues qui entraînerait, par exemple, la reconstitution d’îlots de prospérité dans des départements comme le 93), et on permettrait à plus de gens d’accéder à la propriété ou à des loyers privés mais raisonnables
- les communes concernées auraient des recettes fiscales (taxes foncières et d’habitation) nouvelles et supérieures leur permettant d’améliorer le cadre général de vie de tous leurs habitants
- on serait enfin capable de maintenir un pourcentage de logements sociaux (sans doute aux alentours de 20-25%) sans connaître le phénomène endémique actuel issu d’un historique de près d’un siècle.
Bref, si les quelque 600 organismes chargés du logement social (OPHLM, OPAC, SA HLM...) agissaient de façon cohérente, coordonnée et patrimoniale, un coup de "booster" et un régime permanent vertueux seraient réalisables.
Il suffirait, pour cela, de renoncer au fameux "droit au maintien dans les lieux", avantage acquis en 1948, à une autre époque, mais auquel les bénéficiaires, qui sont nombreux (et aussi des électeurs), semblent farouchement attachés...
En fait, il faudrait faire et réussir une réforme, et ça, ce n’est pas notre fort !
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