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OCDE recherche visionnaire désespérément

L’OCDE fut bien inspirée lorsqu’elle utilisa l’acronyme BEPS pour désigner son grand plan contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (« Base Erosion & Profit Shifting »). Le BEPS, c’est également l’abréviation répandue pour le Brevet Européen de Premiers Secours et c’est exactement de cela dont on parle : un rapport rédigé dans l’urgence pour panser les plaies béantes des citoyens européens et leur faire miroiter une guérison sur le long terme qui risque fort de se faire désirer.

L’idéal BEPS

On ne vous rappellera pas ici l’historique et les grandes lignes de cette initiative qui a déjà été commentée à maintes reprises depuis la publication du plan d'action en juillet 2013. Les plus curieux iront pêcher leurs informations sur le site de l’OCDE. Le BEPS est un plan d’action en 15 points rédigé à l'initiative du G20 et destiné à lutter contre l'évasion fiscale des multinationales.

Première surprise dès l’introduction :

« La mondialisation est bénéfique à nos économies nationales (…) (la mondialisation) accroît les investissements directs étrangers dans de nombreux pays. »

Pas de chance pour l’Union Européenne : les investissements directs étrangers entrants ne s'élèvent qu'à 159 milliards d’euros en 2012 contre 425,5 milliards en 2007. Mais ne soyons pas mauvais joueur, on ne peut pas gagner à tous les coups.

L’OCDE nous rappelle ensuite que tout le monde est lésé dans cette histoire d’évasion fiscale des multinationales : pouvoirs publics, citoyens et multinationales elles-mêmes. On se disait aussi que leur projet manquait de légitimité.

Tout au long du plan d'action, on nous serine la nécessité d’empêcher la séparation artificielle des bénéfices et des activités qui les génèrent. Rappelons que c'est l'OCDE qui a défini la majorité des règles fiscales internationales en vigueur et qui a contribué à rendre cette séparation artificielle possible par le biais notamment de commentaires fort abscons. Soit, l'Organisation a reconnu ses torts et il n'est jamais trop tard pour faire amende honorable. Ce qui gêne cependant est que, si l'intention change, la méthode reste identique (rapport, groupe de réflexion, consultation, re-rapport, re-réflexion, etc.) et on imagine dès lors mal comment éviter les écueils du passé.

De la poudre aux yeux ?

L’enfer est pavé de bonnes intentions. Plusieurs conclusions s’imposent à la lecture de ce plan d’action rédigé à la demande expresse du G20 :

  • N’importe quel fiscaliste international aurait pu écrire la même chose en moins d’une semaine. Le document ne fait qu’énoncer des lieux communs et des faits bien connus du milieu
  • Il y a énormément de redondances. Plusieurs actions se recoupent entre elles et des recommandations plus spécifiques auraient été appréciées. L'OCDE n'avance ici aucune solution concrète.
  • Ce plan d’action se voulait ambitieux mais n’effrayera nullement les multinationales et leurs conseils car ce document ne fera qu'ajouter à la complexité des règles en vigueur et c'est de cette complexité même que les fiscalistes internationaux se nourrissent.

Et la liste peut s'allonger indéfiniment mais le but ici n'est pas d'effectuer une analyse poussée du plan d'action mais plutôt d'insister sur la nécessité de concevoir le problème de l'évasion fiscale de manière plus nuancée.

L’espoir fait vivre

Le mérite de ce document officiel est d’avoir formalisé un débat qui existe depuis plusieurs années déjà. En revanche, on regrettera que dès les prémisses du plan d’action (chapitre 3 du document), toute idée d’une répartition forfaitaire d’un impôt global est d’emblée rejetée : « Les Etats reconnaissent que le passage à un système de répartition forfaitaire n’est pas .une solution viable ».

Ce n’est là qu’un camouflet de plus pour l'Union européenne qui planche depuis plus de dix ans sur son projet d’Assiette Commune Consolidée à l’Impôt des Sociétés (ACCIS ou CCCTB en anglais, voir notre article sur le sujet) et laisse transparaître une attitude pour le moins schizophrénique de la France et de l’Allemagne selon qu’elles tirent la locomotive de l’Union européenne ou font office de "membres honoraires" lors des réunions du G20.

Si l’échange spontané d’informations, fer de lance des défenseurs de l'équité fiscale, est un minimum pour permettre aux fonctionnaires du fisc d’exercer leur fonction correctement, l’Union européenne pourrait montrer l’exemple avec deux initiatives très simples :

  • Créer une « Euro Tax Unit », qui se chargerait du contrôle centralisé des multinationales avec une compétence territoriale au niveau de l’Union Européenne. Cela éviterait au fisc tous les tracas administratifs liés aux situations transnationales
  • Privilégier le contrôle en temps réel de ces multinationales à l’image de ce qui se fait au Royaume-Uni ou au Pays-Bas afin de sécuriser ex ante les recettes fiscales et permettre ainsi au multinationales d'avoir un interlocuteur privilégié et compétent.

Un petit dernier pour la route

La seule chose que l’on retiendra de ce plan d’action est la nécessité de taxer différemment, voire mieux, l’économie numérique. Ce point là est indéniable et mérite, à juste titre, un groupe de réflexion dédié. On regrettera cependant que ce groupe de réflexion n’aie pas été mis en place dès l’émergence des géants du web parce qu’en toute honnêteté, ce problème pointait déjà à l’horizon à l’aune des années 2000. La technologie avance et les politiques fiscales ont déjà un train de retard. Peut-être ces experts feraient-il mieux de s’interroger d’ores et déjà sur la manière de taxer l’usage d’imprimantes 3D à domicile car le temps où vous imprimerez votre tasse ou toge d’avocat chez vous n’est plus si lointain.

Le futur est à notre porte et les leaders d’aujourd’hui devraient avoir une longueur d’avance sur les innovations plutôt que de pleurer sur leurs erreurs passées.


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1 réactions à cet article    


  • Le Yeti Le Yeti 25 novembre 2013 11:23

    « De la poudre aux yeux ? »

    Ben tant qu’ça marche, pourquoi se priver !!!?

    Deux cas fréquents :
    Le FMI
    en Grèce patati patata ... Quelqu’un a lu les statuts du FMI ?
    A la base, le FMI est, comme son nom l’indique, un fond mais un fond financé par les pays industrialisés (« riches »), ce qui est toujours le cas (Ouais, enfin ... Pour ce qui est du financement ; parce que pour ce qui est de « Industrialisé », tout s’perd ma pauv’dame et « riche », oui, dans nos souvenirs ...) et destiné aux pays émergents ce qui en revanche n’est plus le cas. (Et pour ceux qui prennent le train en marche : oui, le FMI est bien une pompe en vase clos et qui plus est, farcie de fuites.)

    Et la BCE  ? Le « E » final ne signifie-t-il pas « Européenne ». Oui-da* mais uniquement concernant son champ d’action et non pas sa souveraineté ! Avec une jolie couche de vernis au téflon (ça glisse mieux) la BCE n’est rien d’autre qu’une FED européenne.
    * vieille expression française généralement rurale, vous pouvez vérifier !

    Ensuite, la liste des cas particuliers ou précis de sodomie démocratique remplirait une véritable encyclopédie en 28 volumes.


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