Ces paradoxes qui nous enchaînent
Retour de flamme.
La vie réserve des surprises. Je fus sollicité par une dame qui a dépensé une énergie à nulle autre pareille pour sauver quelques platanes menacés en bord de Loire. Elle a mené son combat avec une énergie folle, remuant la terre entière ou peu s’en faut pour trouver des appuis afin de parvenir à ses fins. Elle a fouillé dans les textes de lois, trouvé une parade législative pour faire reculer le maire de l’époque grâce à des décisions de justice en sa faveur.
Elle a contacté des gens médiatisés afin qu’ils parrainent un platane pour alerter une opinion publique un temps indifférente au sort des vieux arbres. Je fus moi aussi parrain d’un vieil arbre fendu. Pour cet arbre menacé et ses voisins j’ai écrit des contes, je suis venu à son pied pour raconter des histoires, j’ai fait spectacle pour éveiller quelques personnes sensibles à ce sujet. La somme de toutes ces actions eut raison de l’obstination d’un homme au patronyme arboricole. La dame pouvait être heureuse, elle avait gagné son bras de fer.
Le temps, la justice et les urnes lui avaient donné raison. L’écologie avait été son cheval de bataille et c’est du moins ainsi que nous pensions que la Pasionaria locale de la cause environnementale se mouvait. Elle, comme beaucoup d’autres, pour le plus grand malheur de la planète n’est pas à l’abri des contradictions qui font de nous, pauvres humains, des êtres versatiles et inconséquents, capables du meilleur mais aussi de comportement plus douteux pour la cause environnementale. Je n’irai pas lui jeter la pierre, n’étant pas non plus irréprochable.
Cependant son histoire mérite d’être narrée car elle démontre que la nature sait quant à elle reconnaître et tendre la branche à ceux qui l’ont défendue bec et ongles même si ce geste malheureusement peut se retourner contre elle. La dame, loin des préoccupations durables, se mouvait en avion de tourisme privé. Voilà une pierre de taille dans ses convictions, un gros pavé dans la mare.
Survolant la forêt d’Orléans, ce mode de transport énergivore eut des hoquets, des ennuis techniques suivant la formule consacrée. La situation devint critique, le vol tourna au drame et le petit avion de tourisme perdit de l’altitude avant de que s’abimer dans les cimes des arbres. Ce fut là un doux réceptacle confortable et protecteur pour la défenseure des platanes. D’autres essences, reconnaissantes, lui tendirent leurs bras tandis qu’elles faisaient sacrifices de leurs branches pour la recevoir sans encombre.
Avec seulement quelques contusions à la clef, la femme put s’extirper de son habitacle fracassé, descendre de son nid et tenter de quérir de l’aide. Elle fut ainsi récupérée par un passant surpris de trouver une marcheuse hébétée, porteuse de multiples contusions. Pendant ce temps, le mal couvait. L’avion cracha son dernier venin pour la nature. Le feu prit et brûla 5 000 mètres carrés de forêt. Injuste récompense pour ceux qui avaient épargné une vie.
Celle qui avait sauvé des platanes venait de condamner au bûcher de sa vanité des chênes, des pins, des hêtres et des bouleaux. Faudra-t-il la qualifier d’ingrate ? Serait-ce pour elle une leçon salutaire ? Personne ne peut en décider à sa place. Elle fera avec ses contradictions comme nous tous, dans le secret des décisions de sa conscience.
Il n’est pas aisé de prendre de la hauteur après ce bref récit. Que faut-il en conclure ? Que les arbres se sont montrés bienveillants en sauvant celle qui avait bataillé quelques-uns de leurs congénères. Leur bonté d’âme se paya fort cher au feu de l’enfer pour ceux qui avaient tendu leurs bras à la dame. Il n’est rien de plus à dire, l’avion est au cœur de ce désastre dont les humains sont responsables un peu partout de par le monde. Prendre ce mode de transport c’est participer consciemment ou non à ce terrible écocide.
Environnementalement sien.
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