Robert Hainard, le premier écolo

Robert Hainard, est en effet de par son engagement et ses œuvres artistiques l’un des premiers écologistes, et pourtant, il est largement méconnu du grand public, ce qu’un livre qui vient de paraître, essaye de changer.
C’est entendu, le grand public connait plutôt le commandant Cousteau, l’homme au petit bonnet rouge, et pourtant il aurait eu quelques casseroles, assombrissant sa carrière et faisant douter de la sincérité de son engagement écologique.
Quid en effet de ce navigateur patenté qui ne savait distinguer le bâbord du tribord ? Qui éclatait à grand coup d’explosifs les récifs coralliens pour comptabiliser les espèces qui s’y trouvaient ? Ou qui massacrait à coup de carabines des requins dévorant un cachalot blessé par l’hélice de la Calypso ? lien
D’autres vont plus loin, rappelant le passé pour le moins trouble du commandant, assurant qu’il avait été espion dans la marine, et qu’il aurait eu des postures discutables lors de la dernière guerre…n’avait-il pas déclaré : « on devrait éliminer 350 000 personnes humaines, chaque jour, pour conserver l’écosystème »… ? (Soit près de 130 millions d’humains par an). lien
Bref son « monde du silence » savait aussi étouffer d’autres bruits…
Le grand public connait aussi un certain Hulot, bien éloigné de l’homme qui prenait des vacances au cinéma, pour le plus grand plaisir des cinéphiles.
Ce Hulot, Nicolas de son prénom, est diablement habile lorsqu’il s’agit de donner de lui une bonne image d’écolo, bien éloignée de la réalité.
Mandaté par François Hollande, il fait aujourd’hui campagne pour la COP21 dont on craint surtout qu’elle soit l’occasion de relancer l’énergie nucléaire, laquelle prétend à tort lutter contre le changement climatique.
N’est-il pas inquiétant que celui-là même, dont la fondation sponsorisée entre autres par EDF, le chimiste Rhône Poulenc, et l’Oréal, entreprises qu’on peine à qualifier de très écologistes, soit l’un des animateurs de cette rencontre ?… lien
Alors que l’énergie nucléaire vient de subir deux revers dramatiques, avec la catastrophe de Tchernobyl, suivie par celle de Fukushima, les lobbyistes pro-nucléaires reviennent au devant de la scène, avec les récentes annonces d’une relance de l’industrie nucléaire, par ses EPR, alors qu’ils sont à l’évidence des échecs avant même leur mise en route ? lien
Oublions donc Nicolas Hulot, et le Commandant Cousteau, en évoquant un homme qui les dépasse de plusieurs coudées, et qui n’a été pourtant que rarement médiatisé.
Il s’appelle Robert Hainard.
L’une des premières fois ou je l’ai rencontré, c’est lorsque je m’occupais d’un ciné-club savoyard, à Annemasse, dans le cadre du FJEP (foyer des jeunes et d’éducation populaire), alors que nous avions fait le choix, lors de chaque projection, d’inviter un expert, capable de prolonger la réflexion du film projeté.
Ce fut Robert Hainard qui nous avait fait le plaisir d’accepter l’invitation, afin de prolonger le film par un débat, lors de la projection de " les animaux " de Frédéric Rossif, réalisateur réputé, et nous étions persuadé que les images magnifiques proposées par le réalisateur régaleraient l’expert qu’était Robert Hainard.
Nous allions vite déchanter.
À fin du film, notre invité pris la parole et il était très en colère.
Ce film est un scandale, déclara-t-il tout de go, expliquant que plusieurs séquences étaient bidonnées…par exemple, lorsque 2 bouquetins luttaient pour prendre la tête du troupeau, le vaincu ayant été projeté dans le vide d’un ravin.
Or Robert Hainard fut formel : lorsque l’un des combattants est vaincu, il a toujours la vie sauve, et quitte le troupeau…ce qui signifie que l’animal que nous avions vu tomber dans le vide était l’objet d’un attentat de la part du réalisateur.
Il décrivit d’autres séquences tout aussi bidonnées…et par contre nous demanda s’il était possible de revoir le court métrage qui avait précédé le film, dont le sujet était le grand Héron blanc…ce qui fut fait.
J’ai eu à quelques reprises le privilège de rencontrer à nouveau Robert Hainard, il pensait que le plus dangereux prédateur de la planète était l’être humain, et que les autres animaux se porteraient bien mieux sans notre présence encombrante.
Il est vrai qu’aujourd’hui la notion de plante ou d’animal nuisible a du plomb dans l’aile, tant il est vrai que chaque partie du vivant est un morceau de « la chaine », et que lorsque nous en brisons l’un des maillons, nous provoquons un déséquilibre.
Prenons l’exemple de la destruction d’une haie, jugée parfois inutile par des exploitants agricoles, car elle limite le terrain cultivé, et ne permet pas aux engins d’avoir une plus grande efficacité…
Or cette haie soit disant nuisible abrite des milliers d’oiseaux, lesquels se nourrissent de millions d’insectes, mais elle est aussi un outil efficace pour retenir l’humus lequel, si la haie disparait, s’en ira dans les rivières aux premières pluies, ou sera emporté par le vent, obligeant l’agriculteur à utiliser des engrais chimiques, lesquels vont non seulement altérer notre santé, puisque les pesticides se retrouveront dans nos assiettes, mais vont aussi tuer des millions d’abeilles, faisant dangereusement baisser la production des fruits, des légumes…
Et l’on peut se faire la même réflexion avec toutes les espèces jugées encore nuisibles…
Au moment ou Ours, Loups, et autres renards sont l’objet de traques meurtrières, alors qu’ils ne sont qu’une partie de la chaîne du vivant, il y en effet de quoi s’interroger.
Élevé dans un esprit de liberté par son père enseignant, lequel l’avait retiré de l’école à l’âge de 12 ans, Robert Hainard avait quitté les sentiers trop bien battus de l’enseignement traditionnel, et on peut s’interroger si ce n’est pas ce qui lui a permis sa magnifique carrière.
Il a passé une bonne partie de sa vie observant les animaux aux 4 coins de la planète, caché parfois dans un arbre, une nuit entière, juste pour voir passer un loup, un renard, un blaireau, et croquant en quelques secondes le portrait fugitif de l’animal qui passait. image
Sa production est impressionnante, 35 000 dessins, plus d’un millier de gravures, et quelques centaines de sculptures…vidéo
Son fils, Pierre, regrette dans cette courte vidéo, l’oubli relatif dans lequel a été plongé son père, constatant que c’est seulement maintenant, alors qu’il nous a quitté (en décembre 1999), que l’on commence à réaliser l’importance de sa pensée, et de ses créations.
Sa fille, Marie Pflug-Hainard vient de publier aux éditions Slatkine un magnifique hommage à ce grand artiste, ‘les Hainard à Bernex », racontant en long, et large, et en travers, sa vie, celle de son épouse, de ses enfants, ses voyages, et proposant des reproductions magnifiques de peintures, de sculptures, de gravures de ce grand artiste, qui était aussi un écrivain et un philosophe.
Extrait : « passant par hasard, vous pouvez ne rien voir de particulier sauf un terrain, mal peigné suivant la saison, avec des sculptures plus ou moins cachées dans les hautes herbes. Si vous venez avec intérêt, vous comprendrez mieux les personnalités qui ont vécu là pendant presque 40 ans. Ils y ont créé leur nid, leur terrier à leur ressemblance ».
Cette maison, sise à Bernex, dans la banlieue de Genève, est aujourd’hui dans les mains de la Fondation Hainard, et elle vous accueillera avec plaisir, sur rendez vous. lien
En tout cas, ce livre magnifique est l’occasion de mieux connaitre ce grand artiste, ses créations, celles de son épouse, dont une huile est proposée en couverture… Un joli cadeau à faire à ses amis à l’approche des fêtes…
Mais on peut aussi découvrir en édition numérique un autre livre, signé Robert Hainard celui-ci : Le Monde Plein, (aux éditions melchior), dans lequel il dévoile le fond de sa pensée.
Extrait : « de graves et savantes assemblées discutent de la mort des forêts, du réchauffement du climat, de l’usure de la couche d’ozone.
De non moins officielles assemblées travaillent à l’établissement de vastes complexes industriels, pour ne parler que de ma région, de la relance de l’expansion économique, du soutien de la démographie.
Tous ces gens ne s’ignorent pas, ils ne sont ni fous, ni idiots. Qu’est-ce donc qui ne fonctionne pas dans l’esprit humain ?
Une plaisanterie circulait dans ma jeunesse pour distinguer un homme sain d’esprit d’un fou : on les enferme, munis d’une éponge, dans une pièce inondée par un robinet ouvert, le fou essuie, l’homme sensé ferme le robinet.
Pourtant on ne songeait pas alors aux problèmes écologistes.
Moi oui.
J’ai trouvé le robinet. On ne le fermera pas d’un coup, mais c’est la seule action efficace à longue échéance.
Cela m’agace de voir de grandes assemblées discuter longuement de quelques % de CO².
Nous épongeons. »
Magnifiques paroles pleines de sagesse et de pertinence…et surtout d’actualité à quelques semaines de la COP21.
Comme dit mon vieil ami africain : « l’école nous apprend le passé simple, ils feraient mieux de nous enseigner le futur compliqué ».
L’image illustrant l’article vient de babelio.com
Merci aux internautes pour leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
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