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Le temps de l’urgence

 On ne peut, impunément, continuer à fonder la prise de décision politique sur le postulat que la pénalisation de certaines catégories de citoyens dans ses droits immédiats à mener une vie digne conduira la société, dans son ensemble, vers une satisfaction future. Il existe des situations où le principe d’utilité ne peut trouver à s’appliquer, à défaut de bafouer la règle de l’inviolabilité de la dignité humaine. Et où une société doit alors revendiquer la justice, quel qu’en soit le coût.

Cela fait maintenant plus d’une semaine que les Italiens se sont rendus aux urnes pour élire, au terme d’une campagne électorale aussi courte que politiquement pauvre, leurs représentants au sein de la Chambre et du Sénat. Les urnes, dans leur infinie largesse, ont livré un verdict relativement attendu, fort d’un vainqueur incontestable, Silvio Berlusconi, auteur d’une remontée d’apparence miraculeuse, d’un perdant objectif, Pier Luigi Bersani, ayant galvaudé une victoire largement annoncée, et d’un messager, Beppe Grillo, qui, tel le prophète Balaan, semblait parti pour maudire le système institutionnel mais pourrait, au bout du compte, en être malgré lui le sauveur providentiel.

Car ce que nous ont dit les neuf millions d’électeurs du trublion génois, que l’on peut aisément additionner aux douze millions de transalpins ayant déserté le scrutin, est qu’une majorité de moins en moins silencieuse est en passe de se rassembler autour de deux idées relativement simples. La première est que les priorités programmatiques doivent impérativement reposer sur un assainissement préalable du corps politique. À cet égard, rappelons-nous de la maxime de Thoreau : seuls peuvent me contraindre ceux qui obéissent à une morale plus altière que la mienne. Il est donc indispensable qu’un consensus arithmétique soit rapidement obtenu sur l’adoption de mesures concrètes visant à restaurer, tant que cela est encore possible, un climat de confiance au sein du corps social.

Citons, à titre d’exemples, quelques-unes de ces possible mesures : L’adoption d’une loi sur le conflit d’intérêts, la réforme de la loi anticorruption, la suppression des listes électorales bloquées garantissant l’élection des candidats en fonction de la place sur la liste, indépendamment du nombre de voix de préférence recueillies par le candidat, la mise sur pied de la traçabilité des dépenses publiques, l’interdiction du cumul des mandats, leur limitation dans le temps afin de restaurer le principe de la délégation de pouvoir au détriment de son actuelle appropriation, l’application du principe de subsidiarité active pour les politiques locales, l’inéligibilité des candidats faisant l’objet d’une inculpation judiciaire, la réduction du nombre des parlementaires (actuellement 945), de la quote-part du remboursement public des frais de campagne électorale, etc. De la ratification rapide des ces mesures dépend, à n’en pas douter, la survie du système politique actuel. Car pour ébranler un dispositif, une cause visible et compréhensible par tous suffit. Celle de la moralité politique, on le sait depuis Platon, invoquée à cor et à cris par le leader du Mouvement Cinq Etoiles, remplit parfaitement ces conditions.

Mais la vertu ne pourra suffire, à elle seule, à éteindre l’ire des transalpins. Tout aussi limpide que le premier, le second message du scrutin consiste en une remise en cause drastique de la politique utilitariste menée, sous l’impulsion des autorités supranationales, au cours des dernières années. Tabler sur l’efficacité économique de l’austérité, comme l’ont fait à l’unisson le centre-droit et le centre-gauche en appui du gouvernement Monti, revient, en effet, à solder à bon compte plusieurs générations de citoyens au profit d’hypothétiques bienfaits à venir.

Or, pour être stable, une société doit impérativement reposer sur la notion d’avantages mutuels. Sans cela, le principe même de l’association perd sa raison d’être. Avec un taux de chômage de 50 % chez les moins de 35 ans, un pouvoir d’achat retombé au niveau de 1995, des coûts énergétiques records, un taux d’épargne raboté de 30 % en dix ans, une réduction dramatique de l’offre de services publics, une chute vertigineuse de la capacité de consommation des ménages des classes moyennes et inférieures, plusieurs composantes de la société ne perçoivent plus les avantages de la coopération sociale. Pire : elles se sentent sacrifiées au nom d’une promesse de jours meilleurs dont elles perçoivent pleinement le caractère illusoire. Dans ces conditions, l’émergence sociale ne peut plus attendre. Elle doit être affrontée de suite. On ne peut, impunément, continuer à fonder la prise de décision politique sur le postulat que la pénalisation de certaines catégories de citoyens dans ses droits immédiats à mener une vie digne conduira la société, dans son ensemble, vers une satisfaction future. Il existe des situations où le principe d’utilité ne peut trouver à s’appliquer, à défaut de bafouer la règle de l’inviolabilité de la dignité humaine. Et où une société doit alors revendiquer la justice, quel qu’en soit le coût.


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4 réactions à cet article    


  • Brontau 8 mars 2013 16:42

    Bonjour Giuseppe. Jadis c’était la religion qui promettait un avenir radieux (et hypothétique) aux miséreux en compensation de leurs souffrances, aujourd’hui ce sont les politiques qui leur font miroiter des jours meilleurs (mais toujours aussi hypothétiques !) aux prix de leurs sacrifices et de leurs renoncements. Etonnant, non ?


    • ETTORE ETTORE 8 mars 2013 17:12

      L’Italie est aujourd’hui dans dans un élan « créatif »

      créatif, car enfin ce pays à trouvé le levier par lequel il fera basculer
      les vieux monuments ,si longtemps vénérés, comme seuls capables de gérer le pays. 
      L’espoir est bien plus fort que les institutions car il appartient à chacun d’entre nous de l’augmenter et de le transmettre .
      Pourquoi donc se faire étrangler par une Supra-nationalité européenne d’un Monti à la solde d’une banque plus usurière que la Mafia locale ?
      les Italiens ont de l’imagination, sont extravertis et leur passé n’est pas uniquement enseveli et figé dans les ruines de Pompéï, non, il se crée, s’invente, se bouleverse en continu du Sud au Nord, du Nord au Sud de ce pays, malgré les différences locales.
      C’est comme un flux vital qui le transcende par fierté d’être Italien à la face du monde !
      Ce pays ne peut que réussir, car la violence qui lui est faite est contraire à tout esprit « de famille » qui y tisse des liens si forts.



      • BA 8 mars 2013 21:44
        Vendredi 8 mars 2013 :

        Italie : Fitch abaisse d’un cran la note du pays à BBB+, perspective négative.

        L’agence de notation Fitch a abaissé vendredi d’un cran la note souveraine de l’Italie, à « BBB+ » contre « A- », assortie d’une perspective négative, devenant la première agence à dégrader la note du pays, plongé dans une impasse politique à la suite des élections législatives de février.

        « Le résultat peu clair des élections législatives italiennes des 24-25 février rend peu probable la formation d’un nouveau gouvernement stable dans les semaines à venir. L’incertitude politique croissante et le contexte peu propice à de nouvelles réformes structurelles représentent un choc supplémentaire pour l’économie réelle, alors que sévit déjà une profonde récession », explique l’agence Fitch.

        Les statistiques du 4e trimestre 2012 confirment que la récession en Italie est l’une des pires d’Europe, souligne Fitch qui table sur une contraction de 1,8% du PIB en 2013, dans la foulée du recul de 2,4% de 2012. 

        Quant à la dette publique de l’Italie, elle devrait atteindre près de 130% du PIB en 2013, estime l’agence, qui rappelle qu’elle tablait sur 125% à la mi-2012.

        • ETTORE ETTORE 9 mars 2013 14:17

          Primo :coté agences de notation, on pouvait s’y attendre, même étonnant que ces « grandes institutions » à la solde des banksters n’aient pas prévus ce qui c’est passé. Déjà un point en moins pour eux ;

          Deuxio, le fait de baisser la note, prouve si il en était encore besoin, que ce qui est en cours, va à l’encontre des intérêts de l’oligarchie financière ! et tout ce qui est mauvais pour eux est bon pour les gens !
          Tertio, l’aveuglement de ces comptables qui ont la tête dans leurs profits, qui préfèrent sanctionner un pays plutôt que d’essayer d’imaginer une autre voie pour sortir de la crise.
          Malheureusement pour eux, le temps de préparer de nouveaux algorithmes financiers , leur château de carte risque de passer à la trappe et le tapis de jeux, changé et avec les bonnes règles qui vont avec !
          C’est même étonnant qu’il n’y ait pas plus de soubresauts dans les officines européennes
          peut être que les aspirines mettent du temps à fondre dans les verres de cristal.

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