MES : une nouvelle arnaque européenne ?
Demain le traité instaurant le mécanisme de stabilité européenne va être soumis au vote des députés. Qu'en est-il exactement ? Ne veut-on pas forcer la main aux députés ? N'y a-t-il pas un air de déjà-vu ? Vigilance.
Par Christian Tallon, géopoliticien

Lettre ouverte aux députés et sénateurs tentés de ratifier le traité instaurant le MES
Madame, Monsieur le député,
Mardi, vous vous prononcerez dans l'urgence et peut-être sous la menace d'un vote bloqué sur le traité de ratification du MES (Mécanisme Européen de Stabilité).
Ce texte, sous prétexte de sauver la zone Euro effectue un transfert de souveraineté illimité dans le temps à une institution non élue et juridiquement inattaquable.
Comme il n’y a pas eu de référendum sur le transfert définitif et permanent de pouvoirs vers Bruxelles, ni de débats publics sur le fond du problème, votre responsabilité personnelle est immense.
Sans rentrer dans le détail du texte, nul gouvernement ou parlement ne pourra s'opposer à ses injonctions même a posteriori. Le MES sera le dictateur financier de toute la zone Euro.
Beaucoup de français ignorent tout de ce texte. D'autres de toutes sensibilités pensent qu'il s'agit là d'un coup d'état. Votre vote est le seul moyen de s'y opposer.
Au nom de la République Française et des principes démocratiques qui la fondent, nous vous demandons d'être effectivement présent à ce vote et de bien réfléchir avant de voter. Vous en porterez la responsabilité jusqu'à la fin de votre carrière politique.
Nous savons que vous serez confronté à des pressions formidables pour voter ce texte, peut-être sans avoir le temps de le lire. On vous dira probablement qu'il s'agit du seul moyen de sauver la monnaie commune : l'Euro. On vous parlera probablement moins de ses effets probables sur le niveau de vie de centaines de millions d'Européens et de ses effets catastrophiques qui ne vont pas tarder à se manifester notamment en matière d'émigration.
Beaucoup de français pensent que pour des raisons de différence de nature des économies qui composent la zone Euro, l'Euro est une monnaie non viable, sauf à organiser un transfert massif et permanent de richesse du nord de l'Europe vers le sud, et donc une nouvelle fuite en avant dans l'union sans cesse plus étroite des peuples, ce dont les peuples ne veulent clairement pas (les trois pays qui ont eu droit à un référendum ont clairement dit non).
La monnaie soi-disant unique a été dès le début mal pensée. Elle présente un vice de conception que le MES espère résoudre en instaurant la terreur économique sur les pays à faible économie et la dictature sur les gouvernements et les parlements des économies plus fortes. L'Europe n'a pas une économie mais juxtapose une demi-douzaine d'économies différentes, certaines plus faibles que d'autres. Au sein de la zone Euro certains pays du nord ont une balance des paiement structurellement excédentaire tandis que d'autres en ont une structurellement déficitaire.
Il s'en suit que les pays faibles doivent emprunter sur les marchés et contre intérêts (ils n'ont pas le droit du fait même des traités de le faire auprès de leurs banques centrales respectives ou de la BCE) tandis que d'autres accumulent des excédents leur permettant d'investir massivement dans des technologies qui leur permet de creuser toujours plus l'écart de productivité per capita.
Avant l'euro, ces pays pouvaient dévaluer leur monnaie de façon à rendre les produits d'importation plus chers et rendre les produits d'exportation plus compétitifs. Cela décourageait les importations, favorisait les exportations et rétablissait la balance des paiements du pays. Ceci est un mécanisme universel. L'histoire économique montre que toutes les économies sans exception se sont développées à l'abri de la concurrence trop forte de l'extérieur. Si elles n'ont pas pu le faire, elles ont été détruites et ont régressé à l'état de fournisseur de main d'œuvre ou de matières premières. L'Allemagne, les États-Unis, le Japon, la Chine, La France et même l'Angleterre avant sa désindustrialisation ont eu recours à des protections tarifaires ou non tarifaires. Un vaste marché ouvert avec une seule monnaie ne provoque pas la spécialisation pour le bonheur de tous mais la destruction d'économies entières et l'émigration.
C'est pour tenter sauver ce système monétaire mercantiliste mal conçu qu'on vous demande de ratifier en urgence et avec le minimum de réflexion un texte mettant en place une dictature économique définitive et non contrôlée démocratiquement sur les gouvernements des pays de la zone Euro.
De plus en plus de français commencent à prendre conscience :
- Que de la vraie nature de la crise de l'Euro est due à un vice de conception que le MES ne réglera pas, ainsi qu'à une guerre à mort entre des monnaies, le dollar en premier lieu, des instruments financiers remplaçant les bombes mais les morts et les destructions étant bien réelles.
- Que l'article 8 de ce traité établissant un lien entre l'aide du MES et le FMI et ses fameuses conditionnalités de sinistre mémoire dans les pays du Sud ou d'actualité en Grèce est rigoureusement inacceptable. Que vient faire le FMI en Europe ? Le but non avoué de ce vote ne résiderait-il pas dans cet article 8 ?
- Que la rigueur budgétaire imposée à des économies structurellement faibles ne sert rigoureusement qu'à plonger ces économies dans une spirale récessionniste comme de 1930 à 1932 en Allemagne ou en Grèce aujourd'hui, faisant le lit de la violence et du fascisme. Avec ou sans MES, la tragédie de la Grèce se reproduira pays après pays plongeant un continent entier dans le chaos et in fine provoquant une émigration massive non des cerveaux mais des estomacs vers l'Allemagne, les régions encore productives de la France et de la Belgique, les pays du nord de l'Europe. En votant pour le MES vous sauverez peut-être très temporairement l'Euro mais au prix de la création d'un Mezzogiorno à l'échelle de l'Europe au Sud, de trottoirs envahis de SDF au Nord. Probablement, tout ceci s'accompagnera de mafias, traites, émigrations, esclavagisme, insécurité, vols et à coup sûr la détestation par tout un continent de l'UE qui n'aura tenu aucune de ses promesses.
- Que l'on vous demande se sacrifier à l'idole de l'Euro, car il s'agit bien d'un sacrifice, plusieurs siècles de principes démocratiques que vous incarnez et qui sont l'identité même de l'Europe, les services publics, la cohésion sociale, les capacités d'investissement de votre pays et finalement votre fonction qui risque à terme d'être supprimée quand le peuple ou le dictateur européen se seront aperçus que vous êtes devenu inutile.
Madame, Monsieur le député, aucune des mesures que vous aurez à avaliser par votre vote ne pourra annuler les différences qui causent les déséquilibres économiques d'un continent. Au contraire, en plongeant certains pays dans la récession structurelle, vous les aggraverez. D'autres solutions sont possibles. Ce vote en urgence a pour but de vous forcer la main et de vous mettre devant le fait accompli.
Ce débat ne doit pas être l'occasion d'une nouvelle et peut être finale capitulation de votre rôle de représentant du peuple mais l'occasion de demander du temps pour vous informer et pour consulter vos électeurs. Ce débat doit être l'occasion par excellence de refuser que la fonction de parlementaire soit encore une fois et peut-être à jamais bafouée. Ce débat doit être pour toute l'Assemblée celle du sursaut et de la dignité. L'Assemblée Nationale n'est pas et ne devait jamais être une chambre d'enregistrement. Par ce vote en urgence, le gouvernement viole encore une fois l'Assemblée et avilit la fonction parlementaire. .
Madame, Monsieur le député, c'est donc le moment d'ouvrir les yeux et de prendre vos responsabilités. L'exemple grec ou islandais, les leçons de l'histoire des années 30, les traditions parlementaires, votre propre survie politique vous invitent à considérer votre vote comme un vote devant l'histoire.
Au nom du Peuple Français, merci de vous trouver effectivement à l'Assemblée Nationale mardi.
Mardi, soit vous vous placerez dans la lignée déflationniste de Pierre Laval ou de Brüning et des décrets-lois qui ont abouti au fascisme, pétainisme, nazisme et ferez sombrer un continent entier dans la misère, le désespoir et le fascisme, soit en sanctionnant vigoureusement cette initiative du MES (ou tout du moins en l'amendant considérablement), vous donnerez un coup d'arrêt à une dérive dictatoriale et totalitaire qui commence a devenir très dangereuse, pour vous y compris. Il est inadmissible que cette structure ne soit pas limitée dans le temps, que ses membres soient inattaquables et que le FMI ait quoi que ce soit à faire en Europe.
C'est pourquoi, nous, vos électeurs, sommes à vos côtés et n'oublierons pas votre vote, dans un sens comme dans l'autre. Une liste publique de la présence et du vote de chaque parlementaire sera tenue méticuleusement à jour et diffusée aussi largement que possible sur internet mais aussi par voie postale et d'affiches. Vos électeurs sauront dans tous les cas dans quel sens vous aurez voté.
Après le vote et avant les élections législatives, nous vous serions donc gré de faire savoir à vos électrices et électeurs par courrier postal les raisons de votre vote à ce texte. Si vous n'avez pas assisté au vote ou vous êtes abstenu merci d'en indiquer la raison. Se défausser d'un vote historique est aussi sérieux que de se prononcer. Le peuple que vous représentez est à vos côtés, vous soutient, mais saura aussi vous demander légitimement des comptes.
Madame, Monsieur le député, persuadé que vous saurez être à la hauteur de ce rendez-vous avec l'Histoire, nous vous en remercions d’avance et vous prions d'accepter notre plus haute considération.
Vos électeurs (électrices)
Liens utiles :
- Lien vers la liste des députés pour faire pression sur le sien
- Projet de loi de ratification accélérée du MES
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Lien vers la lettre à télécharger et à faire circuler
Video allemande sous titrée en français :
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