Quelle Europe voulons-nous ?
Les 25 réussiront-ils à doter l’Union d’un budget digne de ce nom ? Réponse au prochain Conseil européen. Mais derrière les marchandages, se profile une question de fond... que personne n’aborde, pour l’instant.
« Marchands de tapis », « chiffonniers », « bataille de pingres »... Les commentateurs semblent à court de vocabulaire direct pour décrire les discussions des 25 sur le budget de l’Union. Un rappel : les « marathons budgétaires » s’inscrivent dans la tradition communautaire depuis les débuts de la CECA...
Chaque fois, ou presque, c’est au « finish » qu’un accord est trouvé. Nous avons vécu des périodes de « chaises vides », mais jamais de « caisses vides ». Inutile donc de dramatiser, même si Barroso a raison d’exhorter les 25 gouvernements à faire preuve d’un peu plus d’ « esprit européen », et de secouer un peu un Tony Blair, trop thatchérien : « Un petit pas des Britanniques serait un grand pas pour l’Union ».
Nous pourrions être plus sévères et surtout plus exigeants à l’égard des Britanniques, si les autres États-membres considéraient les dépenses européennes pour ce qu’elles sont : des INVESTISSEMENTS, et non des cotisations à un club ou à des œuvres de bienfaisance... Et si un vrai débat de fond avait eu lieu sur les besoins réels à mettre en œuvre pour donner à l’Union les moyens des ambitions affirmées... A quoi rime ce seuil du 1% du PIB, qui devient un plafond ? C’est se condamner à ne pas développer des politiques communautaires.
Nous pourrions railler davantage les Anglais (qui n’ont obtenu que l’appui de Malte dans les discussions d’hier) si les grands contributeurs n’étaient pas eux-mêmes aussi empêtrés dans des difficultés financières, ne se noyaient pas autant dans des déficits irresponsables. Où va-t-on, quand l’impôt ne suffit plus à payer les intérêts des emprunts ? Dans le mur.
Pourtant, pour créer des richesses et des emplois, pour enrayer les spirales des inégalités, pour relever les défis, il faut investir. Il ne faut pas que des « fonds anti-chocs » : il faut des fonds pour l’avenir, donc pour les infrastructures, pour la recherche et le développement, pour l’éducation, la formation, la santé....Où trouver l’argent ? Jacques Delors avait suggéré un grand emprunt européen pour un programme de grands travaux qui, lancé voilà 15 ans, aurait constitué un moteur pour la croissance, et aurait permis de mieux réussir le développement des anciens pays dits de l’Est. C’est en elle-même et par elle-même que l’Europe doit trouver les moyens de sa croissance, et non dans la dépendance aux dynamismes américains ou ... chinois.
C’est parce que les débats budgétaires ne sont pas mis dans ces perspectives qu’ils débouchent sur des marchandages exclusivement comptables, où les mots d’ordre, comme ceux lancés par Chirac ce matin à Barroso, ne sont que des vœux pieux : « Solidarité, équité, stabilité ». Pour l’heure, les mots d’ordre appliqués sont : égoïsme, inégalité, inefficacité, autrement dit : insatisfaction, frustration et régression.
Les propositions britanniques, heureusement jugées « inacceptables », avaient un côté à la fois arrogant, insultant et irresponsable :
- Arrogant ; s’accrocher au « chèque de Maggie », comme si le Royaume-Uni affrontait des difficultés énormes, est un réflexe de profiteur. Jean Monnet avait raison : « Il ne faut jamais faire de cadeau aux Anglais »...
- Insultant : comment refuser aux nouveaux membres, qui sont confrontés aux ardoises lourdes de leur colonisation soviétique, les moyens de se développer ? Les fonds structurels constituent le seul outil de cette « Europe sociale » qui existe si peu. Heureusement que jacques Delors avait obtenu leur doublement. Aujourd’hui à nouveau, il faudrait les doubler.
- Irresponsable : on ne peut pas à la fois assumer une présidence et ne se préoccuper que de sa propre boutique. Il est vrai que Londres rêve d’une Europe-espace, non d’une Europe-puissance, ni dune Europe influente. Or, l’Union n’est pas une simple zone de libre-échange : il est temps que les Britanniques en prennent conscience. Ou alors, il faut qu’ils se replient dans cette AELE qu’ils avaient créée pour tenter de briser le Marché commun. Personne ne peut être à la fois au balcon et dans la rue. Personne ne peut prétendre jouir de tous les avantages de L’union, sans en payer le prix.
Derrière les querelles budgétaires, se profile donc la question-clef : Quelle Europe voulons-nous ? Jacques Chirac et Angela Merkel devraient en parler à Berlin... Peut-être.
2 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON