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Accueil du site > Actualités > Info locale > Tourisme : « Be Breizh » ?

Tourisme : « Be Breizh » ?

Le Comité régional du tourisme (CRT), vient de lancer une nouvelle campagne de promotion de la Bretagne, avec le soutien de la région Bretagne, campagne présentée aujourd’hui dans Le Télégramme (page 8). "Be Breizh", est le nouveau slogan des pennoù bras ("grandes têtes" : responsables) du tourisme en Bretagne. Un slogan mi anglais (on suppose qu’il s’agit du verbe être anglais "to be"), mi breton avec "Breizh", qui signifie Bretagne... Mais qu’est-ce que cela signifie ? "Soyez Bretagne" ? "Sois Bretagne", ou "Etre Bretagne" ? Je connais "be careful" ("Diwall", "Fais attention"), mais "Be Breizh", ou "Be France", ou "Be Suisse", comment le traduire, le comprendre ? Et d’un point de vue lexical anglais, est-ce que cela signifie quelque chose ? Si des spécialistes peuvent nous éclairer...

"Repli identitaire" ?

Mme Maria Vadillo, présidente du comité régional du tourisme, explique ainsi ce choix dans Le Télégramme, répondant à la question d’un journaliste sur le fait que "Be" ne fait pas très "brezhoneg" : "Je suis d’origine espagnole. (...). La Bretagne est une terre d’accueil et d’ouverture. Pourquoi opter pour un slogan breton qui aurait immanquablement ramené à l’idée d’un repli identitaire"... Ah bon, utiliser le breton serait un signe de "repli identitaire". Il faut oser dire cela, en plein festival interceltique, et alors même que l’on est censé promouvoir la Bretagne, et donc la connaître.

Il est vrai que le Festival interceltique de Lorient (Fil) n’a jamais été à la pointe du soutien à la langue bretonne, loin s’en faut. Alors même que notre langue est en situation délicate, passant d’un million de locuteurs vers 1950 à environ 200.000 aujourd’hui, un festival de cette ampleur ne laisse qu’une place mineur à la dernière langue d’origine celtique parlée sur le continent. Allez comprendre.

Je signale à Mme Vadillo que bien des gens d’origine non bretonne ont appris et apprennent, le breton, et le pratiquent. Pourquoi ne pas vous y mettre ? Ce serait là un "signe d’ouverture".

Qui est "ouvert", qui est "fermé" ?

Parler et employer la langue bretonne n’est en rien un repli identitaire. C’est comme parler français, javanais ou tamalog, ou encore les milliers de langues humaines parlées dans ce monde. Au contraire, mettre de côté la langue bretonne, l’oublier volontairement, comme le font tant de Bretons, et tant d’institutions en Bretagne, suivant en cela les ordres des autorités françaises*, c’est marquer une fermeture à une langue et culture qui sont leur langue et leur culture d’origine. Et quand je parle d’origine, je n’évoque pas la préhistoire : la transmission de la langue s’est arrêtée à la génération précédente, celle des parents, ou celle des grands parents. Refuser d’employer et de transmettre la langue bretonne en Bretagne, c’est nier tout un pan de notre culture et de notre identité.

C’est dans le refus de l’emploi de cette langue qu’est la fermeture. Le site internet du Comité régional du tourisme comporte cinq entrées, en cinq langues : pas en breton. Pas une page... Qui est "ouvert" ? Qui est "fermé" ? Cette fermeture à la langue bretonne se pare des atours d’une pseudo modernité en employant un anglais douteux. Cet anglais là, oui, est le signe d’un conformisme intellectuel, d’une ignorance de la culture régionale, et d’un manque d’imagination confondant. J’ose même croire, au contraire, que la langue bretonne peut-être un atout pour attirer des touristes en Bretagne...

Mais que fait la région ?

Il est décevant de voir que la région Bretagne, qui pourtant fait des efforts importants en matière de soutien aux langues régionales (le breton et le gallo), approuve cette campagne publicitaire, et l’absence de breton sur le site du CRT. Une politique linguistique doit être horizontale, et concerner tous les domaines de la vie, pas seulement l’école et l’enseignement du breton. Y’a-t-il, par exemple, un bretonnant au Comité régional du tourisme ? Ce ne serait pas inutile, et cela pourrait donner du travail à une personne ayant suivi les formations longues de breton (six mois), à but professionnel, que le Conseil régional finance par ailleurs...

Christian Le Meut

La campagne publicitaire "Be Breizh" est visible sur http://www.tourismebretagne.com/

M’eus ket amzer, hiriv, da skriv un destenn divyezheg, e galleg hepken e vo neuze, ma digarez.


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4 réactions à cet article    


  • Fergus Fergus 11 août 2010 11:00

    Bonjour, Christian.

    « Be New » eût été mieux choisi !

    Blague à part, entièrement d’accord avec cet article. Et je fais partie des non-bretons qui ont suivi des cours de « brezhoneg ».

    Naguère, une grande campagne avait été déclinée sur le thème « Bretagne tonique ». Cela parlait à tous, autrement plus que ce slogan bâtard !


    • Fergus Fergus 11 août 2010 11:05

      Je vois que vous êtes de Pontivy.

      J’en profite pour inviter ceux qui le peuvent à écouter l’extraordinaire Ker Pondi (Pontivy en breton) chanté par Yann-Fanch Kemener accompagné au violoncelle par Aldo Ripoche. je n’ai, hélas, pas trouvé de lien musical sur le net.

      Bonne journée à tous.


    • Claude Guillemain Claude Guillemain 11 août 2010 11:58
      Fans de Bretagne ? Une relation biunivoque entre Breizh et les Bretons de l’Etranger

      Lire : http://lorient.letelegramme.com/local/morbihan/lorient/ville/fans-de-bretagne-un-site-pour-eux-11-08-2010-1016425.php

      Une relation biunivoque entre deux ensembles est une relation qui à chaque élément du premier ensemble fait correspondre un élément et un seul du second. Si l’on a pu établir une telle relation, alors on est en droit d’assimiler les deux ensembles car on peut passer de l’un à l’autre de façon automatique en appliquant la table d’équivalence ou la règle explicitant la relation biunivoque.

      On peut considérer que les Bretons, dans leur immense majorité, pour des raisons culturelles et historiques que l’on a pas besoin de détailler, portent en eux deux vocations nationales : la bretonne et la diasporique, c’est à dire, au fond, la française.

      Elles ne sont jamais traitées sur le même niveau, ce qui est parfaitement normal, mais cette relation n’est pas biunivoque et, de fait, pénalise l’efficacité d’une coordination pourtant souhaitée par les deux groupes.

      La nationalité française de la diaspora bretonne est visible partout, elle est évidente, et se place d’emblée comme marqueur efficace d’altérité. Sans disserter sur les caractéristiques de cette nationalité et de ce qu’elle peut justement impliquer dans le rapport à la notion d’altérité (!), on constate que, sorti des frontières françaises, un Breton assume généralement parfaitement cette nationalité. Cette nationalité implique par ailleurs très fortement, voire consubstantiellement, un attachement fort à l’Etat, ce qui dans un contexte diasporique, implique une solidarité de citoyenneté, plus qu’une solidarité nationale. Par ailleurs, il faut souligner que les relations internationales ne sont vécues que sur un mode interétatique (confusion si courante anglais/britannique, exemple parmi tant d’autres)

      La nationalité bretonne de la diaspora, elle, est vécue de façon hirsute. Pour des raisons évidentes (perte de la langue pour les Bretons concernés, ignorance quasi totale de l’histoire de Bretagne, réflexe d’Etat) la nationalité bretonne se comporte à peu près exactement comme ce que la psychanalyse traditionnelle désigne comme l’inconscient, avec le lot de lapsus, d’actes manqués, qui viendrait en quelque sorte parasiter la visibilité lisse d’une nationalité française affichée. Ce refoulé national s’exprime également dans une sorte de rhétorique que nous qualifierons de poétique : autosatisfaction purement verbale d’être breton (cela n’est pas et ne peut pas être réellement vécu pour l’instant), nostalgie et amour déclaré du pays, dans les limites que lui réservent les clichés français (la mer, la gastronomie, un certain folklore, musical ou culinaire). Une place à part doit être réservé au discours économique ou technocratique : « la Bretagne est riche, compétitive, a réussi à s’en sortir… ».
      Pour nous, il s’agit purement et simplement de légitimer avec les moyens du bord la résurgence individuelle de sa propre nationalité bretonne. Une sorte de lapsus travaillé, de sublimation rhétorique d’un sentiment qui de toutes façons, ne s’inscrit jamais dans le réel.

      Dans tous les cas, la relation entre Breizh et la diaspora est univoque et est délimité par les acteurs politiques, économiques, associatifs, identitairement corrects et déclarés représentatifs de la Bretagne, et les formules obligatoires (”nous sommes ouverts sur le monde”, “nous nous intéressons à la diaspora” ? “Le thème de la diaspora est très tendance”,”donnez-nous votre fichier d’adresses”, etc. ») qui rappelle la colonisation, la prière au chapelet ou la politesse conventionnelle.

      A qui s’adresse réellement ce discours ? Il pourrait être utile de se demander si pour les Bretons expatriés, le marqueur d’altérité n’est pas plus important que le marqueur de la nationalité bretonne qu’ils utilisent. L’essentiel étant, ne l’oublions pas, de vivre, de s’insérer, de se démarquer, dans un contexte international où la nationalité française apporte alors tout ce dont l’expatrié peut avoir besoin (services consulaires, formalités administratives, sécurité, scolarité, santé).

      Dans le contexte général de la diaspora, on peut regretter le refoulement de la nationalité bretonne et ses conséquences, mais il faut bien reconnaître la difficulté pour le Breton de l’Étranger d’inscrire sa nationalité bretonne dans le réel. A cela deux raisons : i) la relative ignorance de la Bretagne des motivations et des réalités de la vie de l’expatrié ii) la relative condescendance des acteurs  politiques, économiques, associatifs, déclarés représentatifs de la Bretagne vis a vis des Bretons de l’Etranger iii) hors des frontières de France, les bretons sont français. Dans un environnement francophone, la citoyenneté française devient même le seul critère apparent d’altérité.

      Les acteurs politiques, économiques, associatifs, déclarés représentatifs de la Bretagne ne devraient pas penser que les Bretons de l’Étranger souffrent du « syndrome de l’utérus » causé par l’éloignement de la Bretagne. Les Bretons de l’Étranger ne fantasment pas leur propre Bretagne. S’ils sont coupés des réalités quotidiennes bretonne, ils ne se réfugient pas pour autant dans la folklorisation de la Bretagne. Dans tous les cas, la nostalgie reste un phénomène individuel, et la Bretagne est une auberge espagnole. Si en Bretagne, le peu de tissu social breton, (et par là nous entendons aussi bien un réseau bancaire commun, un secteur de prospection pour un commercial, que les migrations des étudiants à Rennes ou à Nantes, voire France 3) peut forger un embryon de sentiment national, à l’étranger, il ne peut être que différent et plus préoccupée des réalités du pays d’accueil.
      Bref, encore plus qu’en France, être breton à l’Étranger ne sert strictement à rien, sauf si une réelle relation biunivoque s’instaurait entre les Bretons de Bretagne et les Bretons de la Diaspora.
      La préoccupation affichée de “faire la promotion d’un site dont l’objectif est de recruter les Bretons de l’étranger pour en faire des ambassadeurs” n’a aucun sens et ne peut, à l’étranger, évidemment pas exister, Le discours devient parfaitement inefficace. Le discours, dans un tel contexte, ne peut attirer que plus de « rêveurs » encore qu’ils n’en attirent en Bretagne. Adieu l’efficacité.

      Il nous semble que l’on retrouve ici ce qu’il y a de pire en Bretagne, du point de vue de l’inscription de l’identité bretonne dans le réel.

      Il nous semble qu’il y a un gros manque de discours. De la rhétorique poétique ou mythique, il faut passer à la rhétorique du business, au sens d’une pratique quasi culturelle, où la réussite des exportations bretonnes et les investissements bretons à l’étranger sont avant tout le marqueur d’une réussite nationale bretonne. On peut imaginer de faire de la communauté bretonne de la diaspora une sorte de plateforme stratégique opérationnelle, en ayant en tête que l’action commerciale et les pratiques utilisées ici apporteront des éléments de méthodes pour la Bretagne elle-même.

      Mais cette relation doit être biunivoque. Une diaspora ? Oui, pourquoi pas. Mais c’est tout un tissu social à construire ou à reconstruire, des services à proposer (aide administrative, pallier la solitude, etc.), des aides pour les Bretons de l’Étranger à la création d’entreprises en Bretagne, des appuis logistiques et humains d’aides à l’exportation et notamment d’exportation de l’expertise bretonne.

      Claude Guillemain

      Réseau des Bretons de l’Etranger - RBE -
      Centre Phénicia
      Avenue Habib Bourguiba
      2070 LA MARSA
      Tunisie
      Tel : + 216 71 778 379
      Cell : + 216 21 835 359
      E-Mail : [email protected]
      Website : http://rbe-suarl.com/
      Skype : klaodgillamaen


      • Jean-paul 11 août 2010 17:35

        Signes d’ouverture ?
        Au festival de Cornemuses de Lorient ,parler anglais est un signe d’ouverture pour recevoir nos voisins celtes anglais ,irlandais et ecossais .
        Parler breton est un repli sur soi meme ,de la plus de communications possible car tres peu le parlent .
        Kenavo .

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