Coke en stock (XXV) : les transplants de coke venus d’Argentine
Dans notre quête, il reste quelques pays dont nous n'avons que fort peu parlé. L'Argentine, par exemple, évoquée lors de l'affaire des "mules" féminines organisées par un mannequin (voir notre épisode XVI). Ou le Cap Vert, qui par son implantation géographique se présente comme le porte-avion terrestre idéal pour les candidats aux traversées atlantiques... ou même pourquoi pas pour les cargos désireux de se faire plus discrets (souvenons-nous de celui-ci, notamment, où la piste de la drogue n'avait jamais été évoquée, alors que le trajet s'y prêtait !). Or un événement récent vient de connecter les deux points : la saisie en ce tout début d'année en Espagne de presqu'une tonne de cocaïne dans un avion très particulier, en provenance du Cap Vert, après avoir décollé d'Afrique de L'Ouest, et être auparavant venu d'Argentine. Un moyen jusqu'ici inusité par les trafiquants.Au prétexte de transplantations d'organes, un appareil servait à transporter de la cocaïne ! Une première, semble-t-il, qui durait depuis pas mal de temps d'après certains commentateurs. Une seconde en fait, car ce n'est pas la première fois que l'on retrouve le gouvernement Kirchner indirectement embarqué dans ce genre d'histoire (voir ici), ou plus exactement celui du flamboyant... Carlos Menem et de la dictature qui a précédé. Après la valise de Chavez, voici les coffres à transplants !
L'affaire est toute récente, elle date du 2 janvier dernier. Un fort élégant petit Challenger 600, immatriculé N600AM, se pose sur l'aéroport principal d'El Prat International à Barcelone, en Espagne. C'est un habitué, celui de la société argentine Medical Jet, qui a comme spécificité le transport d'organes à transplanter. Une activité devenue au fil des temps fort lucrative (on en a pu lire ailleurs les effets pervers en effet....). Les douaniers montés à bord effectuent ce jour-là une inspection de routine, tant ils sont habitués à la visite de l'appareil. Et tombent ébahis sur 900 kilos de cocaïne (pure à 90% !) à vrai dire fort peu dissimulée dans l'appareil. "La dernière information que nous passions nos collègues de Catalogne donne à penser que les 940 kilos de cocaïne sont arrivés dans l'avion sans même se cacher, apparemment dans les soutes, et les policiers ont découvert des comprimés de cocaïne, enveloppés dans des couleurs différentes, rangés à bord comme des sets de table. L'avion est venu du Cap-Vert où il semble que la dogue a été chargé", a déclaré l'informateur espagnol", nous dit El Tiempo. Qui en l'occurrence se trompe sans doute : la drogue a très bien pu être chargée dès le départ, ou embarquée sur la côte africaine. L'avion médical déguisé n'est-il qu'un relais dans la livraison de la drogue colombienne, qui a été acheminée auparavant par une autre méthode en Afrique, ou sert-il de nouveau circuit direct entre l'Argentine et l'Espagne ? C'est un des problèmes que soulève cet avion... plutôt chargé !
Visiblement, à ne pas la dissimuler, cette drogue, les trafiquants croyaient à leur totale impunité davantage qu'à leur bonne étoile. Les douaniers découvrent que la veille encore l'avion était au Cap-Vert, sur l'île d'El Sal, et que l'avant veille "il survolait encore la côte Ouest africaine".
On est là sur un des trajets privilégiés de la remontée vers l'Europe de la drogue, les barons colombiens ayant fait de l'Espagne leurs lieux d'échanges, de villégiature ou même d'endroit où dissimuler leurs raffineries à cocaïne, comme lors de cette saisie monstrueuse du 18 janvier, deux semaines après l'arrivée de l'appareil. Celle d'un laboratoire complet de transformation de pâte en cocaïne à consommer. L'avion saisi semblait un habitué des traversées, en provenance le plus souvent de... Floride (et de Fort Lauderdale) comme le montre ce trajet du 5 novembre 2010. Un habitué de Luton également... et surtout un appareil qui fait resurgir toute une histoire. En fait, l'avion de Barcelone va faire remonter un trafic d'une taille impressionnante dont la base est située en Argentine : le Challenger argentin n'est que le petit bout d'un énorme iceberg. Et dans le coup, il y a en effet une bonne partie de l'armée argentine d'impliquée.
L'Argentine, nouveau fief de trafIquants ? C'est en effet ce qu'affime Claudio Izaguirre, de l'AADA ("Argentine Anti-Drugs Association )", une organisation non gouvernementale située à Buenos Aires : "l'Argentine est devenue un producteur et exportateur de cocaïne au cours des cinq dernières années, et l'Europe est depuis tributaire de l'Argentine pour la cocaïne" avait-til précisé en ajoutant : "que six cartels de la drogue avaient pignon sur rue en Argentine au cours des cinq dernières années, deux en provenance de Colombie et quatre en provenance du Mexique." Quant à savoir d'où provient la coke, là-dessus aussi Aguirre a sa petite idée : "L'Argentine a une grande frontière avec la Bolivie et le Paraguay, deux producteurs de drogue à grande échelle ayant des contrôles aux frontières faibles, y compris la couverture radar dans l'espace aérien autour de l'Argentine". Mr Izaguirre a déclaré que le gouvernement de Mme Kirchner avait encore à se réveiller face au problème croissant de trafic de drogue, qui, selon lui devient "de plus en plus compliqué." Plus compliqué, c'est un euphémisme... à découvrir l'ampleur du trafic et des équipements nécessaires aux habituels petits bimoteurs bien connus...
Un rapport officiel confirme les déclarations du représentant de l'association anti-drogue, mais en "oubliant" l'Argentine (logique le rapport a été écrit avant 2006) : "Les routes de transport se sont multipliées. Selon un rapport de l’OCRTIS20 (2005) la drogue est acheminée principalement par le Brésil et le Venezuela pour être débarquée dans certains pays d’Afrique. Le rapport cite notamment le Cap-Vert, le Sénégal, l’Afrique du Sud et le Nigeria. Pour être plus précis, les dernières données indiquent que l’Espagne est la plaque tournante du trafic. Ce pays réceptionne la moitié des quantités exportées qui sont ensuite disséminées dans toute l’Europe. La Colombie utilise quatre circuits pour atteindre l’Espagne : Antilles, Canaries, Brésil, Afrique. Le Pérou et la Colombie utilisent les routes du Brésil et de l’Afrique. " "L'engouement stratégique des cartels sud-américains pour l'Europe obéit à une stricte logique commerciale : le marché américain étant saturé, la cocaïne se vend plus cher en Europe où elle demeure plus rare, ce qui gonfle sa marge. L'an dernier, le prix en gros du kilo de cocaïne oscillait en Europe entre 28 000 et 56 600 euros, contre seulement 9000 à 28 000 euros aux Etats-Unis, selon les données de la DEA."
L'appareil de Barcelone aurait dû être surveillé depuis longtemps : cela faisait plus de 10 ans que la firme qui l'employait avait eu maille à partir avec la justice américaine, notamment en, Floride, son lieu de résidence d'origine : il n'avait en fait même pas le droit d'effectuer son service de transport d'organes, n'ayant pas reçu les autorisations nécessaires de la part du gouvernement argentin ! "La Quatrième District Court of Appeals a mis en défaut pour violation de contrat le propriétaire de l'aéronef argentin avec Signature Flight Support. Medical Jet avait allégué auprès de Signature Flight Support qu'il pouvait travailler avec cet avion, car le propriétaire argentin de l'aéronef avait paraît-il obtenu la certification émanant de l'autorité des aéronefs nationaux et de réglementation argentine (La Dirección Nacional de Aeronavetabilidad ou "ADN ").
Juste après la signature du contrat par MedicalJet et l'inspection et la préparation de vol de l'avion qui a suivi, le 23 avril 1998, Medical Jet a pris la direction de l'Argentine. Or le 14 mai 1999, l'avion n'avait toujours pas été accepté par l'autorité de vol US parce que son inspection annuelle chez Signature Flight Support n'avait pas reçu une attestation d'ADN valable, quand l'appareil à été inspecté et remis à neuf . L'avion aurait par la suite dû être maintenu à terre, avec interdiction de voler", précise la juridiction. Ce qui signifie qu'en 2011, cela fait 13 ans que l'appareil était hors-la-loi aux USA... tout en sillonnant régulièrement... les USA. Mieux encore en 2006, avec une seconde histoire louche. Un deuxième jugement allait toucher le même propriétaire, cette fois au nom d'American Air Network, Inc, une autre de ces sociétés : dans le jugement de la cour, l'administrateur de la FAA avait confirmé l'appréciation d'un juge de droit administratif infligeant une amende de 7 000 dollars au civil à l'encontre de la société qui avait fait voler le second commandant de bord de l'avion dont le certificat médical était expiré. Tout cela aurait dû avertir les autorités : il n'en a rien été. Pourtant, il aurait suffi de regarder les noms du propriétaire ou des pilotes pour avoir quelque méfiance... ou de regarder les liens entre le vendeur de l'avion et l'armée US...
En effet : Julia Gustavo le pilote de l'avion arrêté et le principal actionnaire de l'entreprise et son frère, ne sont autre que les fils du général de brigade Joseph Julia,l' ancien commandant des forces aériennes argentines sous la présidence de Carlos Menem. Et ce n'est pas tout : il y avait paraît-il quatre hommes dans l'avion (enfin, les autorités hésitent toujours sur le nombre exact... Le troisième à bord, et le co-pilote effectif lors de l'atterrissage à Barcelone, n'est autre que Gaston Miret, le propre fils du général de brigade José Miret, qui était secrétaire de la planification au cours de la dictature de Jorge Videla ! Celui qui avait racheté la maison de campagne paraguayenne du dictateur Lino Oviedo révèle la presse, et le fameux ministère l'endroit où avaient eu lieu des détournements de fonds et de biens, dans des proportions phénoménales, Videla, lui aussi, ayant aussi pillé son propre pays.
Le mystérieux quatrième homme est encore plus intriguant. Et c'est l'efficace El Tiempo qui va lever le lièvre. Une découverte assez ahurissante en effet. L'homme, au 15 janvier aurait déjà été libéré. El Tiempo, qui a ses sources, indique en effet "qu' un procureur expert du renseignement, qui a l'habitude de décrypyter les données n'a pas donné d'avis sur l'avion venu de l'étranger vers le Cap-Vert. Mais ses sources suivent la piste d'un cadre supérieur du magnat russe David Yakobashvili, qui, selon le magazine russe des Finances, est co-propriétaire de l'entreprise Wimm-Bill-Dann. Yakobashvili est le propriétaire d'un avion Gulfstream GV-SP, évaluée à 45 millions de dollars et d'un Bombardier Challenger 604, donné pour 28 millions de dollars : un modèle identique à celui utilisé par Julia de Buenos Aires pour rejoindre les îles du Cap-Vert l'Afrique, puis vers Barcelone". Le dossier de l'avion médical s'annonce donc comme explosif, par son contenu autant humain que par le poids de coke à bord, représentant plusieurs dizaines de millions d'euros.
El Tiempo expliquant que le transfert de la tonne (ou presque) de cocaïne avait été longuement préparé. Et que les préparatifs impliquaient du beau linge dans le pays... "Gustavo Adolfo Julia a rendu visite à plusieurs reprises aux États-Unis pour régler l'affaire de l'avion détourné en Espagne, un appareil avec un chargement d'une valeur comprise entre 10 et 30 millions de dollars. Peu avant, en avril 2010, Gustavo Julia a effectué un voyage à Santa Cruz de la Sierra, en Bolivie, où il a partagé le vol avec deux pontes du cartel de Sinaloa, selon la justice Argentine. La négociation pour l'achat de l'avion a été faite après aux États-Unis. Puis, Gustavo a fait plusieurs voyages en Espagne, apparemment, pour la conception de la logistique de livraison de drogue. Ainsi, le 8 Décembre 2010, il avait pris le vol Aerolineas Argentinas 1160 à destination de Barcelone. Rentré chez lui le 11, il y était retourné le 13, via cette fois un vol Iberia, et retournant 17 avec son frère aîné, qui a été expulsé de l'armée de l'air à deux reprises : d'abord par la tricherie lors d'un test, et la seconde pour un vol dans le mess des officiers". Bref, l'appareil piloté par les fils des anciens généraux des dictateurs argentins, exclus de l'armée pour malversations, avaient des liens étroits avec les cartels colombiens ;. Juste au moment où leurs pères réapparaissent en justice pour des actes horribles.
L'avion utilisé appartenait au départ à la société South Aviation Inc, et ces derniers tests en vol ont eu lieu à Morón, le 18 décembre, et ont effectués par Eduardo Juliá Noceti au nom de la société Federal Insurance Company.
A El Moron, une base... militaire ! Une révélation signée Urgente24, qui a révélé que l'avion avait bien résidé longtemps sur la base, alors que "l'organisme d'Etat d'aviation ANAC (National Civil Aviation Agency, et donc US) n'a pas compétence sur un jet immatriculé à l'étranger", et que selon la loi argentine, "un jet immatriculé à l'étranger ne peut pas séjour de plus de 3 mois en Argentine pour y exercer en prime le travail de taxi aérien".
Où des fils d'anciens militaires utilisent les pistes en dehors de toute législation. Il estr évident que l'armée de l'air argentine est dans le coup. Et participe donc au trafic, conclut clairement El Tiempo. Le 19 janvier, le ministère argentin de la Défense reconnaît qu'une garnison argentine d'aviation fait partie du trafic. Le même jour, il forçait à la démission le commandant Jorge Ayerdi,(en photo ici à gauche) à la tête de la base de Morón d'où le Challenger 604 avait décollé le 1er janvier dernier. Le spectre des généraux argentins véreux n'avait toujours pas disparu...
En Floride, South Aviation Inc était déjà une minuscule structure, dirigée par un pilote, Fred Machado, et un avocat Conrad S.Kulatz. L'homme a créé en 2007 une nouvelle société appelée Executive Jet Charters, avec exactement la même flotte que celle annoncée comme étant de South Aviation. Essentiellement une douzaine d'appareils, annoncés, dont surtout trois visibles sur le site de la société : un Hawker 800, un Hawker 700, un Gulfstream IIB... et dans la liste encore, un Challenger 601. Ses avions semblent davantage servir de support de photos pour mannequins qu'à autre chose. Une coquille qui semble bien vide... idéale pour les activités clandestines type CIA, et encore une fois située en Floride !
C'est en effet un trafic d'ampleur particulièrement bien organisé. A peine l'annonce du ministère argentin faite, on redécouvre en argentine un autre lot de 700 kilos de cocaïne, une information passée presqu'inaperçue en décembre dernier. Cachés dans un bois, derrière une propriété près de la région de Formose, à Estanislao del Campo. Le propriétaire du terrain où est cachée la drogue est arrêté à Corrientes. Derrière chez lui, une piste d'atterrissage de 400 m de long, où se posaient régulièrement de petits appareils, de type Cessna, selon les habitants du coin. Or l'homme, Hugo Palma, est un élu local. Il est directement liée au maire Gildo Insfran et à Martiniano Bush, le gouverneur de la région de Formose. Des péronistes, qui insistent pour que l'élu ne soit même pas arrêté ! Quelque temps plus tard, on découvre que le nombre de pistes pirates illicites dans le pays atteindrait les 39 ! En juillet 2009, une première estimation en avait en fait retenu 141 ! l'Argentine a des frontières plus que poreuses !
Les petits avions, nombreux, libres de toute surveillance radar, y atterrissent de nuit. "Ils se joignent à un petit avion tombe dans le territoire des provinces et des événements à confusion dans le Chaco où il y a eu quatre cas de trafic de drogues et de véhicules avec les fonctionnaires concernés, au point que le président de l'Association anti-drogues de l'Argentine, Claudio Izaguirre a déclaré que "depuis plusieurs années, nous avons mis en garde sur l'utilisation des véhicules officiels pour le transport de drogues et ce cas est l'une des nombreuses personnes qui ont dénoncé ce mode de réalisation préféré de la drogue », même en disant que ce serait alors la mise sous tension de notre région sous la coupe du cartel mexicain de Sinaloa, dirigé par le redoutable Joaquin "El Chapo" Guzman, selon Izaguirre".

Enfin, on apprend au détour de la presse relatant les faits que l'avion se serait posé "près de la côte du Sénégal". Justement, au Sénégal, il vient aussi de se passer des choses... qui nous ramènent à notre fameux Boeing 727 du désert. Un posteur attentif à mes articles et habitant semble-t-il en Afrique m'avait alerté sur l'évolution jufidiciaire de l'incident du Mali. Cette évolution, elle aussi, comme par hasard, nous ramène... au Sénégal, jusqu'ici semble-t-i l épargné par notre enquête. Mais cela nous le verrons demain (ou un peu plus tard) si vous le voulez bien... la famille Wade a quelques soucis à se faire, semble-t-il, dans les mois à venir ! Et ce n'est pas que pour une histoire de statue gigantesque !
En Espagne, pendant ce temps, les trafiquants regorgent d'imagination, ou plutôt appliquent les bonnes vieilles recettes colombiennes. Celle des fleurs coupées, celles évoquées déjà dans le crash de l'avion de Kalitta à Madrid (en Colombie, attention, ce n'est pas en Espagne !). Il y en avait ainsi pour 70 millions d'euros de coke à l'aéroport de Vitoria-Foronda, cachée au milieu des palettes de fleurs coupées, au pays basque, ou ont été vus des Antonov comme gros porteurs. Le grand cirque continue.
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