Le chaos arabe : Un printemps ou un mirage ?
« Le premier des droits de l’homme c’est la liberté individuelle, la liberté de la propriété, la liberté de la pensée, la liberté du travail. »
Depuis plus de quatre mois, les peuples arabes connaissent, à des degrés divers, l’instabilité. Les révoltés se battent pour la liberté. Les révoltes dans chacun des pays ont des singularités, mais elles ont un dénominateur commun. Ce sont les jeunes qui en sont les moteurs. S’il est vrai que des dynamiques souterraines existaient pour se soulever contre les pouvoirs en place et les motifs sont légion, on ne peut pas cependant, exclure les manipulations occidentales qui, à des niveaux divers guident ou canalisent ces révoltes.
Nous allons examiner la situation actuelle de ces révoltes qui jouent les prolongations. Ainsi et comme l’écrit Ahmed Al Zorqa à propos du Yémen protégé par les Américains : « Le président Ali Abdallah Saleh a donné son accord à un projet du Conseil de coopération du Golfe prévoyant sa démission à moyen terme. Si les partis d’opposition semblent favorables à ce plan, les manifestants exigent toujours le départ immédiat du dirigeant yéménite. Le plan de sortie de crise présenté le 23 avril par les monarchies du Golfe est en réalité destiné à empêcher la transition démocratique au Yémen.(...) Car c’est l’Arabie Saoudite qui fait barrage aux demandes de chute du régime. Elle ne veut pas que les Yéménites réussissent leur transition démocratique, de peur de perdre son influence sur le pays voisin, qu’elle considère comme son arrière-cour.(1)
Mieux encore, les dépêches en provenance de Bahreïn [ où il y eut une répression avec l’aide de l’Arabie Saoudite] révèlent que les forces de sécurité continuent de violer
Humanitaire à géométrie variable
On est en droit de se demander pourquoi l’Occident (les Etats-Unis et leurs alliés français et anglais) ont une conception de l’ingérence humanitaire à géométrie variable. Les Bahreinis ne sont-ils pas des humains au même titre que les Libyens ? Quarante-deux ans d’un pouvoir exécrable ne tolèrent, écrit René Naba, certes, nulle indulgence. Mais l’argumentaire occidental, « la protection des populations », une version réactualisée de l’ingérence humanitaire, gagnerait toutefois en crédibilité si une telle mesure s’était appliquée également aux pays en proie à la même contestation populaire, périphérique de l’Arabie Saoudite, particulièrement Bahreïn et le Yémen, où la répression a atteint le même degré de férocité qu’en Libye. L’imposition de cette mesure, le 18 mars 2011, révèle la duplicité de la diplomatie occidentale dans le traitement des grands problèmes internationaux, particulièrement en ce qui concerne la gestion des conflits du tiers-monde. Les tergiversations occidentales à l’égard de cette mesure masquent mal les compromissions de l’Europe avec le gouvernement du colonel El Gueddafi et s’expliquent par l’importance que revêt le marché libyen aux yeux des divers protagonistes, notamment au niveau des transactions militaires : quatorze des vingt-sept pays membres de l’Union européenne exportent des armes vers
Pour Manlio Dinucci, l’objectif de la guerre en Libye est double. « Il n’est pas seulement le pétrole, dont les réserves (estimées à 60 milliards de barils) ni le gaz naturel dont les réserves sont estimées à environ 1500 milliards de m3. Dans le viseur des « volontaires » de l’opération « Protecteur unifié » il y a aussi les fonds souverains, les capitaux que l’Etat libyen a investi à l’étranger. Les fonds souverains gérés par
Abdelatif Kerzabi explique cela par l’autoritarisme. Ecoutons-le : « L’autoritarisme (G. Hermet, 1985) est un rapport gouvernants-gouvernés reposant de manière suffisamment permanente sur la force plutôt que sur la persuasion. L’autoritarisme se manifeste par : l’absence de respect des droits de l’homme, l’embrigadement de la société par la réglementation de tous les aspects de la vie sociale, la persécution de l’opposition, la restriction des libertés d’association, d’expression et d’opinion, le recrutement de l’élite politique relève de la cooptation, enfin, les élections ne sont qu’une apparence démocratique et visent à légitimer le système politique aux yeux du monde. Voilà ce qui s’apparente aux régimes politiques dans le Monde arabe ». C’est contre ces régimes que la rue arabe explose. (...) Ils se font appeler Zaïms (leaders charismatiques) après les indépendances des pays arabes, et centralisent tout le pouvoir politique. C’est l’euphorie des peuples arabes qui viennent de se libérer du colonialisme. (...) » (4)
« Armés de leur légitimité historique, les Etats arabes ont imposé leur domination sur la société par la concentration des pouvoirs. Les pouvoirs en place n’admettent pas les voix discordantes. Ils se considèrent investis d’un message divin que les autres n’ont pas le droit de discuter. Ici et là, l’opposition est considérée comme une agression au Watan (la nation). Les opposants sont des Khaouana (traîtres à la nation). Dans les années quatre-vingt, alors que la démocratie se met en place en Europe de l’Est, les pays arabes font foi d’une certaine réticence dans un monde où la liberté des peuples apparaît comme une norme universelle (...) La démocratie libérale et le libre marché constituent désormais l’horizon indépassable pour toutes les sociétés nous dit le philosophe américain F. Fukuyama. Les Constitutions sont révisées pour ouvrir le champ politique à la société mais surtout pour pérenniser les pouvoirs en place. Les pays arabes ont réussi à mettre en place des institutions « démocratiques » tout en les vidant de leur substance. Invoquant l’ordre sécuritaire et l’ordre public, le législateur arabe privilégie le contrôle sur toute la société. Ainsi, les médias se transforment en porte-parole du régime, les libertés violées, le Parlement ligoté, etc. » (4)
« Depuis la chute de l’Empire ottoman, l’économie de rente dans les pays arabes est restée prépondérante même si elle a changé de forme. On ne peut pas dire que le Monde arabe a réussi son développement. Selon le Pnud, environ 40% de la population des pays arabes, soit 140 millions de personnes, vit en dessous du seuil de pauvreté. (...)Nous pensons que le calme qui a régné dans la rue arabe est dû en grande partie à la fermeture des espaces publics qui n’a pas permis le passage de l’indignation individuelle poussée jusqu’au suicide, à l’indignation collective. Ce sont les télévisions satellitaires et l’Internet qui vont faire ce que l’imprimerie (encore une découverte arabe) a fait pour la révolution française. Internet avec ses réseaux sociaux ainsi que les chaînes satellitaires (Al Jazeera, Al Arabia, BBC, France24...) ont bouleversé le paysage médiatique dans le Monde arabe. L’enfermement médiatique et culturel des pays arabes ne résiste pas à ce déferlement des médias portés par les nouvelles technologies. » (4)
« Désormais, on informe et on s’informe, on sait ce qui se passe ailleurs, on lit les ouvrages interdits, on discute...Bref, le peuple arabe s’émancipe et saute les verrous de la censure. Face aux intellectuels nationalisés qui courtisent le prince, des jeunes internautes animent le débat public. A défaut d’espaces publics, la génération « Facebook et Sms » a créé un espace virtuel où chacun profiterait de sa liberté. L’alibi culturel qui fait que les peuples arabes sont réfractaires à la démocratie et aux valeurs universelles, est contredit par la rue arabe. Pis encore, c’est le manque de liberté qui les a conduits à se réfugier dans l’Islam pour l’utiliser à des fins libératrices. La radicalisation de cet islamisme dans sa forme violente au nom de la « guerre sainte » a donné aux pouvoirs totalitaires une raison de plus pour maintenir sous contrôle les sociétés arabes. »(4)
Pour l’universitaire, Olivier Roy Directeur du programme méditerranéen de l’Institut universitaire européen de Florence. « L’avenir du mouvement démocratique dans le Monde arabe se jouera sur une longue durée, comme les révolutions du XIXe siècle Ce mouvement des Jeunes, un mouvement générationnel de jeunes modernistes, à la fois par leur technique de communication, leur comportement et leurs demandes : démocratie, liberté, fin de la corruption, dignité, respect. Ce sont des révoltes indigènes dans un espace politique où la dimension idéologique est absente. Les référents idéologiques qui ont dominé le Monde arabe pendant soixante ans - nationalisme, panarabisme, panislamisme, antisionisme, anti-impérialisme - sont taris. On demande la liberté de créer des partis politiques, un Parlement, une Constitution. En ce sens, du point de vue politique, c’est une révolte libérale. Les acteurs politiques traditionnels (les Frères musulmans et l’armée) ont compris que les règles du jeu avaient changé et admis la nécessité des réformes. (...) Le mouvement somme les acteurs politiques traditionnels de mettre en place un espace politique démocratique ».(5)
Quel est le logiciel occidental de redécoupage du Monde arabe ?
Après l’échec de la démocratie aéroportée en Irak et dans le bourbier afghan, les puissances occidentales essaient d’arriver à la même finalité en mettant en oeuvre une autre tactique celle de miner le Monde arabe de l’intérieur. il faut dire qu’ils ont la partie facile tant les gouvernants qui cultivent le culte de la personnalité voire du sauveur « El Mahdi » ont tout fait pour installer leur peuple dans les temps morts, chacun utilisant une légitimité soit révolutionnaire, soit religieuse, soit divine...L’essentiel est de garder le pouvoir même au prix du désespoir de chacun (harraga, kamikaze...). Selon une étude de
En définitive, est-ce que ce qui se passe dans les pays arabes augure d’un printemps ou est- ce un mirage ? Pour Kurtz « Les révolutions suscitent l’étonnement, l’admiration, l’espoir mais aussi la compassion quant à la férocité de la répression des régimes en place.
Les peuples arabes ne veulent plus se situer « ni contre l’Occident ni à son service Ils veulent être libres et aspirent à la paix. Les gouvernants doivent comprendre la nécessité rapide de mutations pour qu’elles ne soient pas imposées de l’extérieur ». Le chaos arabe actuel n'est pas un mirage, il ne donnera pas naissance à un "printemps" selon la doxa occidentale et ses révolutions parfumées. Au contraire l’Occident continuera sa rapine il fera tout pour instrumentaliser les nouveaux dirigeants. "Il faut que tout change pour que tout redevienne comme en avant" s'écriait Tancrède dans "le guépard" de Luscino Visconti.
Les nouveaux pouvoirs copiant l'Occident et sur ses instructions, proposeront , le temps de la rente pour certains, une démocratie du ´´panem et circens´´, pain et jeux de
1.Ahmad Al-Zorqa. Un plan saoudien loin des revendications populaires. Magreb Press 26.04.2011
3.Manlio Dinucci. La rapine financière du siècle Mondialisation 25 avril 2011
Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
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