Le legs de W. Bush : une démocratie détournée (6-2)
Hier nous avons commencé à étudier l’un des plus beaux cas de mercenaire apparu tout au long de ces huit années de mensonge. Un homme qui a vraisemblablement était éliminé, comme l’a été un Mike Connell. Nous en étions resté à ces premiers trafics et ses premiers exploits, je vous propose aujourd’hui de découvrir le plus important d’entre eux, qui par son ampleur peut expliquer sa chute. L’homme avait fini par proposer un énorme contrat à la nouvelle armée irakienne en gestation. Celle-ci, déjà escroquée dans les grandes largeurs par les polonais (voir notre article ici), allait se voir offrir de vieux tanks rafistolés pour lutter contre une insurrection essentiellement urbaine. On comprend tout de suite que ce contrat surréaliste n’avait en aucun cas comme but d’éradiquer la résistance intérieure, mais bel et bien de s’en mettre une nouvelle fois plein les poches, l’armée américaine fermant les yeux sur les transactions.

Des armes, de la nourriture, ou tout simplement le cuivre ou le laiton des douilles des obus, denrée fort prisée avec la remontée fulgurante des cours du métal rouge. un document étonnant évoque en effet le détournement par Stoffel de près de 70 000 tonnes de cuivre en Irak, pour 350 millions de dollars. L’équivalent d’une caravane de 3500 semi-remorques ! Déposés en plein Falludja, dans une usine construite en 1988 par une entreprise autrichienne. Le cuivre devait être vendu à des ukrainiens : "I am coming to Tadji tomorrow, accompanying me will be my friend, the Ukrainian Military Attaché Colonel Anatoly Vasylenko who will value the scrap and then present it to the superiors in Kiev. The Ukrainian ministry of defense will assemble a team of experts so they can complete their work in Tadji. If the Attaché accompanies me we will be able to carry out the work quickly. " écrivait alors Stoffel. Il ne reste aujourd’hui aucune trace sur place de ce cuivre ou de ce laiton.
Mais Stoffel avait crû décrocher un autre contrat juteux en 2004, avec le "refurbishing" (la remise à neuf) des anciens chars T-72 de Saddam saisis pendant le conflit pour construire les rudiments d’une armée irakienne munie de matériel lourd. A savoir ce que des chars lourds peuvent faire en ville contre des insurgés est un autre problème : au nom de la "reconstruction", on est prêt à tout, semble-t-il : "Rebuilding " consisted in this case of 28.3 million dollars so Iraq could have a new. ...Tank brigade for the Iraqi Army. What a tank brigade can do against insurgents is another question" précise Bush Planet. Un accord passé avec le général Petraeus, tenu au courant constamment de l’affaire. "The man in charge of implementing that strategy was Lt. Gen. David Petraeus, who led the 101st Airborne Division’s drive to Baghdad and now runs the Multinational Security Transition Command-Iraq, or MNSTC-I. In Iraq, it is phonetically referred to as "Minsticky." Pour cela, Stoffel avait dû remonter tout le système corruptif du gouvernement irakien : "there he had shared a house with a man named Mohammed Al-Chalabi, a cousin of Ahmed Chalabi, who introduced Stoffel to another cousin of his, named Ghazi Allawi. Ghazi Allawi introduced Stoffel to a man named Mashal Sarraf, a well-heeled civil servant who worked for Allawi’s brother, Ali Allawi, who was then the Minister of Defense in the new Iraqi government, according to a statement given by Sarraf to The Washington Monthly.". Une fois Sarraf joint, il y "était" : "Sarraf took Stoffel’s idea to Iraq’s Minister of Defense, and he signed a contract that would pay Wye Oak $24.7 million to refurbish three battalions worth of armored vehicles. L’eldorado promis venait enfin d’être atteint ! 25 millions de dollars !
A part que Stoffel avait oublié une chose en Irak : la corruption, installée à tous les étages des ministères et à tous les niveaux de la société (mais aussi de l’armée US) : "and that’s where the trouble started. The Ministry told Stoffel his invoices were inexact and demanded that he accept payment not directly from the Ministry but through a private intermediary—a financier, or "bank guarantor." The intermediary’s name was Raymond Zayna, a cultured, suave French-Lebanese businessman with a company called General Investment Group". Un Zayna intermédiaire qui va toucher seul l’argent : "in October, the Iraqi Ministry of Defense disbursed the $24.7 million to Zayna. In a written statement sent to The Washington Monthly by a source close to Zayna, the source said that Zayna put the money in a trust account in an international bank in Lebanon ; he won’t say which one. The source says Zayna obtained a "bank guarantee," which was required by the Iraqi government". Mais un Zayna qui ne va pas le remettre à Stoffel, lésé sur toute la ligne. Décidé à ne pas se laisser faire, il écrit tout d’abord... au général Petraeus, en menaçant de révéler le deal passé en sa présence : "If we proceed down the road we are currently on, there will be serious legal issues that will land us all in jail," Stoffel wrote in an e-mail to a senior assistant to U.S. Army Lt. Gen. David H. Petraeus, who was overseeing the task force in charge of the arms deal, according to the story." Un site anglais, le The London Book Review, reprenant les faits n’y va pas par quatre chemins pour conclure ce à quoi on assiste alors "...I assume that Stoffel is saying here that the U.S. Military, specifically General Petraeus and his assistant, Colonel David Styles were engaging in illegal activity and it had to stop or they might all go to jail." Petraeus, choisi par W.Bush, présenté comme le César de l’Irak "pacifié", jeté en prison ?
Ecœuré, Stoffel repart alors aux USA, tenter de secouer un peu les relations qu"il s’est fait en revendant ces missiles au Pentagone. Essentiellement, deux hommes politiques , tous deux républicains bien entendu : "on his return to the nation’s capital, Stoffel quickly met with aides to Sen. Rick Santorum (un "paléo conservateur" bien réac !).), who is not only a senator from Stoffel’s home state but one of K Street’s strongest allies on Capitol Hill. Santorum fired off a letter on Dec. 3, to Defense Secretary Rumsfeld asking the Pentagon to raise the issue of Stoffel’s contract with the Iraqi Minister of Defense. Stoffel, who had cut his ties with Charles Black’s BKSH when he broke with Chalabi, went to another lobbyist he had on contract—the connected Republican insider Pat Templeton". De retour à Bagdad, devant Petraeus, toujous attentif aux négociations, Stoffel rencontre Zayna qui lui promet de lui verser 4,7 millions de dollars pour débuter. Stoffel exulte, il est enfin devenu riche ! On est alors le 7 décembre 2004. Le lendemain, sa BMW se fait mitrailler sans merci, comme on vient de le décrire dans les faubourgs mêmes de Bagdad. C’est 8 jours après avoir envoyé le mail à Petraeus menaçant de tout révéler. Personne ne peut croire à une attaque d’insurgés : le lendemain, un communiqué arrive sur le bureau de ce même Petraeus, émanent d’un obscur et inconnu mouvement islamique ("the Brigades of the Islamic Jihad") revendiquant "l’assassinat de l’espion traître Stoffel". Alors qu’à Bagdad, les assassinats ne sont plus revendiqués depuis longtemps déjà. Quant à savoir qui a tué Stoffel, certains ont déjà trouvé une solution plausible. Une véritable mafia militaire a eu raison de lui, qui était tenté de révéler tout ce qu’il savait. Sa disparition prématurée, c’est disons "la méthode Connel" qui recommence. Suppression des intermédiaires des mauvais coups, la garantie de durer plus longtemps.
L’exemple de Stoffel n’est qu’une part de l’iceberg de l’argent détourné. Dans la Navy, d’autres ont tenté de se sucrer d’une autre façon, avec des projets mirobolants dont là aussi les subsides ont été détournés comme le raconte si bien But Naked Politics : "One of my favorite stories involved a contract to build a small hybrid submarine for the Navy SEALS [the Advanced Seal Delivery System (ASDS)]. It started in 1994 as a $70 million contract. By May 2007, we taxpayers had paid $885 million to the contractor (Northrup Grumman) for a submarine that didn’t work. (SeeGAO report)". Dix fois la somme initiale dépensée pour un fiasco final. De quoil largement engraisser au passage !!! L’incurie touche tous les types de matériel, des avions en passant par leurs hélices par exemple, avec toujours comme intermédiaires les mêmes : "KBR and Northrop Grumman are far from alone in their questionable performance. In 2006, General Electric (and 2 subcontractors) paid $11.5 million to settle a government suit alleging that GE had sold defective blades for the engines of U.S. military planes and helicopters." Les hélices défectueuses, ou les boîtes de transmission, la pièce indispensable sur un hélicoptère : "In 2000, Boeing settled a fraud suit for $54 million after allegedly putting defective gears in Chinook helicopters sold to the Army. One Chinook crashed during a 1988 mission in Honduras, killing five service men. Another crashed in Saudi Arabia during Operation Dessert Shield, injuring 2 people. In 2000, the Chinook fleet was partially grounded." Des soldats américains en sont morts,sans même avoir combattu : mais qu’importe, pourvu que Grumman s’enrichisse. Au conseil d’administration de Grumman, il est vrai, Donald Rumsfeld figurait en bonne place...
La gabegie, les détournements et les goinfrages semblent avoir assez duré. Dans l’annonce d’un budget en déficit abyssal, (12,3 % du produit intérieur brut !) Barack Obama a réservé deux milliards encore pour l’armée, essentiellement vers l’Afghanistan. 250 milliards de dollars "pour sauver les banques américaines" et 200 "seulement" pour l’armée (75,5 milliards pour 2009). Budget militaire réduit, mais aussi la promesse sénatoriale de s’attaquer aux "excès" de l’administration Bush : j’ai comme l’impression que l’on va découvrir dans les mois à venir d’autres cadavres, dans d’autres placards. Celui de Stoffel me paraît tout indiqué, au moins que ceux de Kelly ou de Connell. "Rien n’a fait plus de dégâts à la stature et à l’autorité morale de l’Amérique que la révélation que, ces huit dernières années, nous avons abandonné notre engagement historique pour les droits de l’homme, en outrepassant la loi", vient de dire Patrick Leahy. Voyons jusqu’où irons les belles promesses sénatoriales : logiquement, ça devrait se terminer derrière des barreaux pour des gens dont vous connaissez les noms, maintenant.
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