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« Nif » et Manif ! suite

Ceci est la suite de « Nif et manif » paru il y a plus d'un mois et dans lequel je relatais les circonstances socio économiques ayant conduit les jeunes algériens à se révolter contre l'ordre établi.

 

En revanche, les évènements de ces derniers jours qui expriment pourtant un ras-le-bol général, n’aboutiront à rien de concret sur le plan politique. C’est d’ailleurs l’avis de plus de 74% de personnes interrogées par le quotidien « Le Soir d’Algérie » lors d’un sondage dont la question est : « Pensez-vous que les émeutes qui viennent de secouer le pays vont déboucher sur des réformes politiques profondes » ? L’opinion publique est à prendre au sérieux. Ses prévisions ne se démentent pas.

Le pouvoir actuel va certainement procéder à quelques replâtrages pour améliorer un tant soit peu les conditions de vie des « laissés pour compte » et ça s’arrête là. Pour preuve, dès le lendemain de ces manifestations, sa première réaction a été d’annuler cette fameuse loi concernant les grossistes importateurs de sucre et d’huile et de maintenir en l’état les prix de ces derniers produits de première nécessité considérés par la presse, non à juste titre d’ailleurs, comme étant la cause de ces débordements. Il ne faut pas être naïf pour croire que quelques échauffourées ça et là vont transformer de fond en comble un pouvoir bien assis sur son trône et qui, pour se maintenir en place, a dû ruser pour modifier la constitution. La situation actuelle, aussi pourrie qu’elle soit, ne peut imposer ne serait-ce qu’un simple nouveau regard sur la constitution ni sur les prérogatives du Président de la République ou de tel ou tel ministre. Et puis, à quoi cela servira-t-il de changer des textes si cela n’est pas suivi d’un changement des hommes ? Le drame de l’Algérie, et ce depuis l’indépendance à nos jours, réside non pas dans les textes, les lois, et autres décrets et leur application effective sur le terrain mais dans le fait que nous sommes toujours gouvernés par les mêmes hommes, ceux qui tirent soit disant leur légitimité de la guerre de libération. Si ce n’est pas Moussa El Hadj, c’est El Hadj Moussa !

En Algérie, il y a des jeunes très jaloux de leur pays, aptes à prendre la relève et à relever le défi sur tous les plans. Mais, ils sont marginalisés. C’est cette réalité-là que les manifestants auraient dû brandir à la face du pouvoir pour qu’il comprenne bien que le problème du sucre et de l’huile n’est, en fait, que la goutte qui a fait déborder le vase. Envisager le problème de cette façon-là, c’est-à-dire croire que les jeunes algériens se sont révoltés pour une histoire d’huile, serait très réducteur et indigne d’eux ; ça équivaudrait à prendre l’Algérien pour un tube digestif. Or, les Algériens, à l’instar des autres peuples de la planète, ont aussi d’autres préoccupations quotidiennes. Des préoccupations d’ordre politique en premier lieu. Les émeutiers ne portaient pas de pancartes ou de banderoles pour l’exprimer clairement, mais c’est certainement le message qu’ils ont voulu transmettre au pouvoir en s’attaquant d’abord, comme en 88, à tout ce qui symbolise l’Etat. Comme leurs ainés de 88. 

Par ces manifestations de rue qui ont fait « tâche d’huile » pour reprendre encore ce satané mot, « huile », accompagnées malheureusement de saccage et de pillage des biens publics, qu’un être de sensé ne peut que déplorer pour ne pas dire condamner, les jeunes algériens nous ont montré qu’ils constituent une force vivante, une énergie juvénile que certaines Nations, sans aucun doute, nous envient. Ne peut-on pas canaliser cette force vivante, cette énergie juvénile vers la construction et non la destruction du pays ? Ce rôle n’incombe-t-il pas aux différents partis politiques et autres organisations de masse qui sont pourtant légion dans notre pays ? Voilà encore un point qui sera en faveur du pouvoir actuel pour ne rien changer à sa politique : c’est que, ne serait-ce que sur le papier, la démocratie existe bel et bien en Algérie. En effet, quel est le pays du pourtour méditerranéen qui compte le plus de partis politiques que l’Algérie ? Malheureusement, ces partis politiques ou ils ont fait allégeance au pouvoir, c’est le cas des partis de la coalition gouvernementale, ou ils n’ont pas assez de représentativité au sein des deux chambres (Sénat et APN), c’est le cas du RCD, ou ils sont carrément absents de la scène politique, ces derniers ne se manifestant que lors des échéances électorales et ce pour une raison bien connue : bénéficier des prébendes que leur distribue le pouvoir pour la compagne électorale ! Et comme on ne donne rien pour rien, ceux-ci sont en fait récompensés pour faire de la figuration. Pour servir de lièvres aux véritables tenants du pouvoir.

 Enfin, ce mouvement de protestation populaire n’aboutira pas à quelque chose de positif parce que, dès le départ, il n’était pas encadré par un parti politique de taille ni par des syndicats autonomes ou autres intellectuels non « organiques » c’est-à-dire ne défendant pas automatiquement le point de vue du pouvoir. 

 En effet, le pouvoir algérien a plus d’un tour dans son sac. Et il a beaucoup de « pépètes » dans ses caisses, pour reprendre un terme cher à un jeune du quartier, ancien maffioso reconverti dans le « trabendo ». Avec ses ruses et ses devises, il peut faire face à toutes les situations chaotiques engendrées par sa politique. Du moins jusqu’à une certaine limite. N’a-t-il pas coupé l’herbe sous les pieds de ceux qui appelaient à des marches et manifestations même pacifiques en se hâtant d’annoncer la levée de l’état d’urgence dans un proche avenir ? Sachant que cette question était la principale revendication des « marcheurs », les marches n’ont plus maintenant lieu d’être, estiment la plupart des gens d’ailleurs. Mais, en fait, selon certains analystes qui sont au fait de la situation sécuritaire du pays, il ne s’agit pas à proprement parler d’une levée pure et simple de l’état d'urgence mais plutôt d’un allègement de celui-ci telle que la suppression de certains barrages de la Gendarmerie Nationale qui causent beaucoup de désagréments aux usagers de la route par exemple. Le terrorisme en Algérie est toujours actif et on voit mal comment on pourra le vaincre définitivement si du jour au lendemain tous les services de sécurité réintègrent leurs casernes. Force est de reconnaitre donc que, sur ce point-là, les pouvoirs publics ont peut- être raison de ne pas lâcher beaucoup de lest. La vigilance doit être toujours de mise. 

 « La guerre est ruse » disaient les anciens islamistes du FIS. Le pouvoir algérien semble aujourd’hui reprendre à son compte cette maxime. Pour pouvoir sortir indemne de ce Tsunami hivernal qui ballotte pas mal de pays arabes, il ne compte pas seulement sur ses forces de sécurité, il emploie AUSSI la ruse. Et, au cas où la situation socio économique du pays l’exigerait, il aura recours aux devises (dollars) qui sont bien au chaud dans des banques américaines ou ailleurs ! Ça pourrait paraître anecdotique, mais c’est comme cela que doivent certainement penser nos gouvernants.

 


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