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Palestine, perd et passe

La Palestine sera peut-être un jour un Etat. Encore faudra-t-il régler la question des frontières avec Israël. Sur ce point précis, il n'y a rien à espérer du gouvernement Netanyahu. En attendant l'Autorité palestinienne précipite Ramallah dans l'affairisme et l'enrichissement à courte vue...

Indigne droite israélienne ! crie Zeev Sternell dans le Monde du 9 octobre. Le point d'exclamation exprime la colère de l'historien. Il clame une vérité admise de tous en Israël - le caractère fondateur de l'indépendance en 1948 - comme s'il pouvait soudain ébranler les certitudes de ses lecteurs français. Les murailles de Jéricho ont cédé au son des trompettes des Hébreux. Mais quels objectifs Zeev Sternell poursuit-il ? Il s'inquiète sans doute de l'isolement diplomatique de son pays, qui a perdu le soutien officieux de la Turquie et de l'Egypte et ne peut compter à Washington sur un appui sans faille de l'administration Obama. Peut-être note t-il aussi les succès engrangés par l'autorité palestinienne dans sa quête d'une reconnaissance internationale en tant qu'Etat indépendant : à l'Unesco le mois dernier. Mais j'émets là deux hypothèses.

Dans le texte, Zeev Sternhell évoque en creux l'actualité. Benjamin Netanyahu se mobilise contre une admission de la Palestine à l'ONU [source]. A tort ? On ne lira pas clairement l'opinion de l'historien, même s'il ne cache pas sa déception. J'y reviendrai personnellement par la suite. La droite dure dirige en tout cas le pays ; voilà pourquoi il s'agace. Qu'elle s'appuie sur sa base religieuse ou sur sa base laïque, elle ne suit qu'un seul mot d'ordre, celui de la terre à conquérir. La colonisation parachève une idéologie mêlant ultranationalisme - ce qu'il appelle le nationalisme intégral - hostilité à l'humanisme et au libéralisme. "[La droite dure] abhorre, comme disait le maître de l'Action française, ces 'nuées' que sont les droits de l'homme et les valeurs universelles."

Décelant les traits caractéristiques de la pensée contre-révolutionnaire (Maistre et Maurras) l'historien critique la primauté du groupe sur l'individu, du Juif sur l'Arabe dans l'idéologie du Likoud. Le Palestinien, du point de vue de la droite dure, n'a aucune voix au chapitre. Il doit céder la terre à coloniser. La critique de Zeev Sternhell ne suscite pas de commentaire... J'ai pointé les mêmes références, il y a quelques mois dans les déclarations du premier ministre israélien : 'Naissance du rétro-sionisme ?' Cela étant dit, je trouve l'analyse trop réductrice.

Le fait militaire à l'intérieur de la droite israélienne mériterait à lui seul un développement. Ehud Barak ou précédemment Ariel Sharon ont occupé les plus hautes responsabilités à l'intérieur de Tsahal. Ces généraux n'ignorent peut-être rien de l'histoire de la pensée politique au XIXème siècle. Néanmoins, je les devine plus impressionnés par les Etats-Unis, pays allié qui s'impose à Israël lors de la guerre du Kippour. Le premier ministre actuel n'a pas travaillé au contact des militaires américains, mais a vécu de nombreuses années aux Etats-Unis, à l'adolescence, comme jeune actif (à Boston) puis comme diplomate. C'est devant le Congrès, en mai 2011, qu'il se montre le plus précis sur ses intentions en Cisjordanie : 'Le onzième commandement'.

Pour Netanyahu, la Palestine s'apparente visiblement au Far West. Et les tuniques bleues repousseront les Indiens-Arabes au-delà de la Frontière du Jourdain.

Pour le reste, Zeev Sternhell s'en tient à une recommandation simple. Tout devrait ramener les responsables politiques israéliens à 1948-1949 : tout, et rien que cela [carte en incrustation]. En voulant repousser la ligne verte Netanyahu croit sauver Israël, suggère t-il. Il renie au contraire un double héritage : des frontières reconnues internationalement, et le statut de citoyen israélien. A la place des premières la droite dure refuse aux Palestiniens la possibilité de quémander un Etat. Elle nie le fait que la guerre des Six-jours s'est achevée sur un cessez-le-feu sans signature d'un traité de paix. Du second, elle ne retient qu'un besoin de terres à bâtir. "Ce qui fait que la colonisation des territoires conquis en juin 1967 n'est pas moins légitime que la colonisation du Néguev, de la Galilée, des vallées agricoles du Nord, ce berceau du kibboutz et du paysan-soldat, ou, si l'on préfère, de la renaissance nationale juive." ['Un très grand fossé']

Du côté palestinien, le préalable se fait toujours attendre. Car les Arabes doivent avaler le plat le plus indigeste, celui de leur première défaite (la Nakba). L'historien gage que l'amitié règnera entre Juifs et Arabes dès lors que l'on reviendra au socle de 1948-1949. Je suis pessimiste. Pour la droite dure, c'est au prix d'un renoncement à elle-même. Or sans le vote des colons, Netanyahu et ses proches perdent la main. Le désir de paix existe, qui donne raison à l'historien.

Les territoires palestiniens présentent aujourd'hui un double visage : celui de Gaza la populeuse ['Israël, Etat superflux'] mais aussi celui d'une Cisjordanie plus prospère. A Ramallah, une métropole surgit. Le 23 septembre, le journal du matin de France-Culture se penche sur ce miracle économique. Un architecte fait le parallèle entre la ville palestinienne et Las Vegas, dans l'Arizona. Les affaires ? Dans ce micro-territoire affichant une croissance insolente elles s'expliquent grâce à l'argent venu de l'extérieur, celui de la diaspora vivant en Europe ou en Amérique du nord. Les investisseurs régionaux, venus d'Israël ou des pays du Golfe se sont donné rendez-vous.

L'avenir de Ramallah dépend évidemment des décisions prises à Tel-Aviv. Que Tsahal boucle le territoire et la vie économique s'interrompt. C'est un fait. Mais la fragilité palestinienne tient aussi à des causes internes. Les tours en construction ne dépareraient pas dans le paysage de Dubaï ['Dubaï a cédé']. On fait fortune dans l'immobilier, comme ce promoteur arabo-canadien rencontré par Agnès Gruda, qui vivait depuis 1985 en Ontario et qui a décidé d'investir à Ramallah dans des quartiers sécurisés (condos). Il projette d'en construire une soixantaine au nord de la ville. Le paradis de la périurbanisation.

C'est peu ou prou le secteur sur lequel pousseront les habitations de Rawabi (vidéo) financées grâce à des fonds qataris avec l'utilisation d'un main d'oeuvre locale : c'est-à-dire prête à accepter des salaires minimaux. Là-encore, c'est le modèle arizonien avec les petites mains mexicaines. A Hébron, le maire nommé (...) par Mahmoud Abbas se félicite de l'ouverture rapprochée d'un gymnase, d'un centre culturel, d'un théâtre, d'une école de musique et d'un stade de football. Et puis les jeunes ne trainent pas dans la rue.

Dans la ville de Ramallah, les traces de la guerre disparaissent. Le goudron recouvre les rues pour les voitures de riches citadins. Des fontaines trônent au milieu des places. Les restaurants aux noms français et à menus internationaux se multiplient. Quand le jour tombe, les jeunes peuvent en plus s'amuser : " il y a désormais une vie nocturne vibrante à Ramallah. Le soir, on sort. Et pas seulement pour fumer la chicha entre garçons. Au club Quattro, garçons et filles jouent aux quilles et boivent des cappuccinos dans un café-bar baignant dans une lumière bleutée. " Ramallah est mi-orientale mi-occidentale, comme on dit mi-figue mi-raisin...

La Cisjordanie comme l'Arizona, et Ramallah comme Las Vegas ? C'est justement à cause de cette proximité qu'il faudrait s'inquiéter. L'eau manque à Ramallah comme dans les Rocheuses (vidéo). Et lorsque les clients ne viennent plus ou moins, le mirage se dissipe (source). Personne ne sait combien de paumés vivent dans les souterrains de Las Vegas, inconnus des touristes venus jouer à la roulette (vidéo). En Cisjordanie, les difficultés ne manquent pas. "En juillet, les employés publics n'ont pas été payés. En août, leurs salaires ont été rognés de moitié. L'employé des Postes Mohammed Shahada n'a reçu que 300$ à sa dernière paie : 'Parfois, j'achète la nourriture à crédit', confie-t-il. [...] 'C'est vrai qu'il y a plus d'autos neuves dans les rues de Ramallah, mais ce n'est qu'une bulle', dit le consultant d'une organisation humanitaire. Si la demande palestinienne d'adhésion à l'ONU devait être suivie de sanctions, cette bulle risque d'éclater." [Source / Cyberpresse]

Ramallah n'est ni un port ni un carrefour de communication : voir carte. Quant à la Cisjordanie - tout comme une partie d'Israël - elle tourne le dos à sa vocation première, l'agriculture. Cultivateurs et éleveurs se heurtent de toutes façons aux multiples frontières intérieures qui les pénalisent pour valoriser leurs productions sur les marchés urbains. Dans le jeu, il y a peu de choses à gagner. Même pour les colons israéliens voisinant avec la misère du monde.

Palestine, perd et passe.


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2 réactions à cet article    


  • Rensk Rensk 15 octobre 2011 17:27

    Et maintenant ont viens nous prétendre que les USA se sont imposé en Israël...

    Il doit y avoir un truc dans le monde qui rend beaucoup de gens « Alzheimer »...


    • Rensk Rensk 15 octobre 2011 17:29

      Au fait... le pétrole et le gaz de Gaza vous semble être aussi « votre droit » ???

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