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Accueil du site > Actualités > International > Taïwan : succès économiques et corruption, un cocktail explosif (...)

Taïwan : succès économiques et corruption, un cocktail explosif !

Taïwan, qui devient avec le temps et avec son rythme rapide de développement, une puissance économique, financière et industrielle qui compte de plus en plus dans l’économie mondiale, vit aussi une situation qui ne cesse d’inquiéter de plus en plus de ses citoyens.

Lorsque le parti KMT (parti nationaliste chinois) est revenu au pouvoir après 8 ans passés dans l’opposition, nombreux étaient les citoyens du pays à estimer que ce parti qui avait perdu le pouvoir du fait de sa formidable corruption interne et des scandales répétés de 1949 à 2000, avait pu en tirer des leçons et changer.

L’actualité taïwanaise de ces dernières années, de 2008 à 2010, tend à démontrer que ce parti qui dirige le gouvernement du pays a été incapable de se transformer en parti vraiment démocratique et intègre, ce que la multiplication des « affaires » mettant en cause ses élus locaux et nationaux prouve largement.

Les clignotants d’alerte à la corruption s’allument partout
 
Taïwan est devenu le pays du paradoxe : d’un côté, indiscutablement, les récents accords commerciaux signés avec la Chine ont eu un effet bénéfique pour l’expansion de l’économie taïwanaise.
 
Les chiffres sont là et les analystes en conviennent. Même si beaucoup de spécialistes tempèrent cette appréciation en indiquant que les effets positifs des accords ratifiés ne devraient pas dépasser les 3 prochaines années.
 
De l’autre, le pays connaît, à l’évidence, une forme de retour en arrière qui commence à franchement inquiéter, voire révolter l’opinion publique qui se retourne de plus en plus contre le gouvernement et les autorités locales du parti dirigeant.
 
Curieusement, le pouvoir taïwanais semble être repris par les vieux démons qui ont fait de l’histoire du vieux parti nationaliste chinois ; le KMT, un cauchemar réel où coexistent depuis 1924 tendances dictatoriales et corruption quasi-institutionnelle, les deux plaies purulentes de la Chine depuis ses origines jusqu’à nos jours.
 
Ce qui frappe l’observateur, qu’il soit taïwanais ou étranger, est que la corruption, mal importé sur l’île avec les premières autorités représentant l’empereur chinois, a changé de nature et de forme par rapport au gouvernement DPP (parti indépendantiste taïwanais), qui a exercé le pouvoir de 2000 à 2008.
 
Sous le DPP, la corruption touchait exclusivement les biens de l’Etat, les entreprises étatisées et le budget du pays. Mais, les secteurs de l’immobilier, de l’urbanisme, du logement et du tourisme, les achats de terrains publics, avaient été, à quelques rares exceptions près, épargnés.
 
Sous le régime KMT actuel, outre une nette volonté de se soumettre une Justice qui avait pris depuis 8 ans une relative et réelle indépendance, le pouvoir connaît des dérives graves : attaques réitérées contre l’Internet, critiques récurrentes contre les médias indépendants, le tout dans un contexte où fleurissent parallèlement de véritables scandales financiers qui menacent, par leur multiplication, la stabilité du pays, ceci assaisonné d’injustices flagrantes de traitement des citoyens du pays.
 
La terre appartient au peuple et l’argent public doit d’abord servir aux citoyens
 
Depuis quelques temps, deux gros dossiers rassemblent une opinion publique de plus en plus furieuse contre le pouvoir.
 
La première est relative aux projets d’implantation de grands complexes hôteliers de luxe, visant à accueillir de riches touristes chinois, sur la côte Est de Taïwan, une zone naturelle protégée et préservée jusqu’ici, d’autant que ces terres sont publiques, dont une partie est allouée aux tribus aborigènes du pays (400.000 personnes).
 
En quelques mois, ces projets aux budgets gigantesques, mais polluants et interdits par la législation concernant la protection de l’environnement et des droits des tribus aborigènes, se sont concrétisés.
 
Lien en anglais : http://www.taipeitimes.com/News/front/archives/2010/10/02/2003484331
 
A l’évidence, les autorités locales (toutes KMT) essaient de contourner les lois et les règlements afin de permettre la réalisation de ces grandioses constructions qui détruisent totalement le paysage, ne respectent aucune règle de salubrité publique (notamment via le rejet des eaux usées directement dans l’Océan Pacifique) et méprisent les droits élémentaires des populations locales.
 
Quand la Justice entend faire appliquer la loi, les autorités réagissent immédiatement afin de reprendre les autorisations accordées en infraction à cette loi et violent ouvertement l’état de droit dont Taïwan avait fait une des fiertés essentielles depuis 1989.
 
Deux gouvernement provinciaux sont au centre de ces scandales affairistes qui provoquent manifestations et colère violente des habitants : celui de Hualien Hsien* et de Taïtung Hsien, en charge pourtant de la plus belle et naturelle côte maritime du pays !
 
Pour compléter ce pitoyable et révoltant tableau, le gouvernement veut à marche forcée faire voter des crédits pour construire une voie routière plus rapide accédant à cette côté Est, projet appelé la nouvelle Suhua (abréviation pour les deux villes à relier, Suao et Hualien).
 
Or, le projet retenu, outre son coût exorbitant, présente d’autres difficultés : les géologues estiment que la nature des roches dans lesquelles il faudrait creuser de longs tunnels, à proximité d’un Océan Pacifique agitée, aux courants marins puissants, ne peut permettre de garantir la sécurité pérenne des voyageurs éventuels. Pire encore, le tracé de cette voie rapide pourrait détruire un site classé au patrimoine naturel mondial de l’UNESCO, les merveilleuses et sauvages gorges de Taroko.
 
Les opposant aux projets en cours indiquent de leur côté que la terre vendue aux promoteurs immobiliers irrespectueux de leur nature appartient au peuple et ne peut être ainsi bradé en contradiction aux lois du pays et au mépris des décisions de Justice. Ils soulignent que les autorités sont en passe de détruire le patrimoine naturel public du pays et de violer les droits constitutionnels des tribus aborigènes de cette zone.
 
L’autre dossier est tout aussi explosif, mais politiquement plus dangereux pour le gouvernement.
 
Récemment, il a été découvert par des médias indépendants que des étudiants chinois venant étudier à Taïwan recevaient de l’Etat une allocation d’études de 1000 US$, soit 30000 NT$ (dollars de Taïwan).
 
Lien en anglais : http://www.taipeitimes.com/News/taiwan/archives/2010/11/12/2003488339
 
Cette information a créé une onde de colère dans tout le pays. Et d’abord dans la jeunesse scolarisée taïwanaise qui ne perçoit presque rien du gouvernement pour des études souvent très onéreuses. Ensuite, chez les parents qui exigent que l’argent du peuple (les impôts des citoyens de Taïwan) serve d’abord aux enfants du peuple.
 
Le gouvernement a géré ce dossier d’une manière particulièrement maladroite et provocatrice. Non content d’expliquer que ces allocations pour des étudiants chinois allaient continuer tandis que pas un dollar n’irait aux étudiants taïwanais, il s’en est pris à un intervenant lors d’une émission de télévision publique qui, sur ce sujet, a qualifié le Président de la République de « fils de p..... ».
 
Or, la campagne du gouvernement contre ce citoyen en colère, au lieu de servir sa cause, s’est brutalement retournée contre lui : des centaines de milliers de Taïwanais ont fait savoir que cet intervenant au langage quelque peu rude avait dit tout haut ce que l’immense majorité du pays pensait du Président et de sa politique d’ostracisme envers la jeunesse taïwanaise.
 
D’un coup, la jeunesse taïwanaise qu’on présentait comme « dépolitisée » se révèle choquée, révoltée et indignée par ces allocations discriminatoires qui placent des étudiants chinois issus des sphères privilégiées du pouvoir en place à Pékin en priorité nationale alors que des centaines de milliers d’étudiants taïwanais ont besoin d’une aide financière pour achever et réussir leurs études. Sur ce dossier, les enquêtes d’opinion sont nettes et sans appel : le gouvernement est totalement en porte à faux avec le pays !
 
Gestion politique de l’affaire des frégates dites de Taïwan
 
A tout cela vient s’ajouter un jugement sur un dossier d’une grande sensibilité à Taïwan aussi : plusieurs anciens officiers de la Marine de guerre taïwanaise ont été innocentés, ou plus exactement, reconnus non-coupables de corruption dans le contrat des frégates françaises de type Lafayette.
 
Les observateurs ont noté que la relaxe de ces accusés depuis 2001 s suivi un parcours assez particulier : alors que les juges avaient rendu leur verdict en juin 2010, il avait été décidé de ne pas rendre l’information publique avant le 31 octobre 2010.
 
Certains estiment ici que le gouvernement taïwanais voulait sauvegarder les apparences morales et juridiques jusqu’à la décision de la Cour d’Arbitrage International qui a alloué près d’un milliard d’euros à Taïwan dans cette affaire, pour non-respect des clauses du contrat.
 
D’autres soulignent que les relaxés sont, par un hasard portant chance à leur destin judiciaire, tous membres du KMT, et que ce parti est revenu au pouvoir en 2008, ce qui pourrait avoir influé sur leur jugement dans un contexte où les gens du KMT essaient de remettre la Justice du pays sous leur contrôle et d’en faire une alliée politique, voire un bras répressif au service exclusif de la politique du KMT.
 
Des commentateurs analysent ce jugement comme un jeu politico-judiciaire : pour eux, le gouvernement KMT veut protéger ses membres impliqués dans le scandale, tout en agissant de sorte à gagner ses dossiers juridiques et à récupérer les 600 millions de US$ gelés dans les banques suisses.
 
La marge de manoeuvre du gouvernement taïwanais actuel est étroite et dangereuse : il lui faut à la fois donner l’impression de vouloir poursuivre les assassins et donneurs d’ordre qui ont tué le capitaine de marine Yin en décembre 1993 alors que nul n’ignore que des militaires haut placés liés au KMT ont été, de près ou de loin, liés à ce meurtre et à ses causes profondes (protection du réseau de corruption via les rétro-commissions).
 
Sur ce dossier aussi, les autorités du KMT sont accusées de revenir au passé et de protéger des personnes malhonnêtes, voire les meurtriers d’un officier taïwanais. Cela n’est pas innocent, mais doit aussi être réintégré dans un contexte plus global pour être mieux décrypté.
 
Taïwan : l’apparente prospérité qui cache la menace de l’instabilité
 
En toute hypothèse, Taïwan est aujourd’hui un pays d’apparente prospérité qui peut s’enflammer à tout moment d’une crise politique et sociale grave puisque tous les ingrédients nécessaires à une telle situation sont rassemblés : une jeunesse révoltée par une injustice flagrante autant que cynique, des adultes en colère que leurs impôts servent à payer des études à des enfants de parvenus chinois plutôt qu’à leurs filles et fils, les Aborigènes qui se mobilisent pour leurs droits élémentaires, les paysans pour l’environnement et les classes moyennes qui refusent de voir leur pays défigurée par des projets immobiliers au parfum odieux de corruption manifeste des élus et des autorités.
 
C’est dans ce contexte explosif que vont se tenir fin novembre 5 élections municipales dans les plus grandes villes du pays. Comme en France lors de scrutins récents, le parti au pouvoir risque bien de voir ses candidats laminés par une vague de fond, traduction sur le plan électoral d’un rejet populaire qui croît en force et en détermination.
 
Déjà en 2006, des millions de citoyens taïwanais avaient manifesté dans les rues du pays contre la corruption du Président de la République de l’époque. Celui-ci dort dorénavant en prison, avec son épouse, pour des délits de corruption, et au moins pour 11 ans.
 
Un enseignement de l’histoire taïwanaise récente que l’actuel Président et ses ministres feraient bien de méditer : le peuple taïwanais a appris à défendre ses droits, sa démocratie, sa Justice, ses médias libres. Comme en France......
 
PS : un Hsien* est une unité administrative taïwanaise territoriale qui peut se comparer avec un département ou une région en France.

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12 réactions à cet article    


  • ZEN ZEN 16 novembre 2010 12:12

    Bonjour Philippe,

    Moi qui pensait que Taïwan était un modèle de démocratie...

    Toute analogie avec la France est évidemment exclue... smiley

    Amicalement


    • Philippe Vassé Philippe Vassé 16 novembre 2010 12:41

      Cher Zen,

      Certes, des analogies avec le pays appelé « Sarkoland » que moque le monde entier sont possibles, mais il existe aussi des différences majeurs et aussi significatives.

      L’ancien Président de la République et son épouse dorment en prison, et pour le premier, il y restera 19 ans enfermé pour corruption et détournement de l’argent de l’Etat. Des anciens ministres, et des actuels, des députés et des patrons, sont convoqués par les Juges et plusieurs font aussi des séjours en prison, quelque peu longs.

      Il existe donc des analogies en termes de volonté politique des gouvernants actuels de Taïwan (encore que tous ne sont visiblement pas sur la même ligne du fait de très forts intérêts divergents, voire contradictoires en termes d’ambitions qui ne passent que sur les emprisonnements et condamnations d’amis du même parti !!!), mais la résistance populaire à ces dérives est forte et très influente, ce qui caractérise une démocratie où existent de puissants contre-poids au pouvoir en place.

      2006 a marqué la population et lui a démontré sa force massive quand le peuple est uni sur une même revendication majeure et claire.

      Il est aussi bon de dire que nul ne peut comparer le PS français, bateau ivre soumis aux mêmes intérêts que l’UMP en dernière analyse, aux oppositions à Taïwan, lesquelles sont dynamiques, actives et parfois même violentes quand elles veulent s’exprimer.

      Entre souveraineté populaire, base de la démocratie et soumission à des intérêts extérieurs, ceux d’une dictature corrompue de bas en haut, il n’existe pas de « consensus possible ».

      Un exemple pour les citoyens de France et d’ailleurs.....

      Bien amicalement,


      • Olivier CHAZOULE Olivier CHAZOULE 16 novembre 2010 14:03

        Article tres bien vu et incisif mais necessaire.
        Bravo !


        • Philippe Vassé Philippe Vassé 16 novembre 2010 17:13

          Olivier Chazoule,

          Merci beaucoup de votre commentaire, qui, notamment sur le sujet de la démocratie et de la corruption, deux concepts irréconciliables, est bien connu de vous sur une commune de France que je ne citerai pas ici.

          Bien cordialement,


        • Vent d'est Vent d’est 16 novembre 2010 14:59

          Décidément, c le bordel de partout.

          Très bon article, bien documenté, et clair.


          • Philippe Vassé Philippe Vassé 16 novembre 2010 17:17

            Vent d’Est,

            Je ne sais si le terme utilisé est le plus pertinent pour décrire la situation à Taïwan et dans le monde, mais on peut surtout constater que ceux qui disent diriger les évènements et les Etats sont, de tous côtés, de moins en moins maîtres de processus contradictoires qui leur échappent de plus en plus.

            Merci pour l’appréciation sur l’article qui essaie de refléter une situation existante que d’aucuns essaient de me pas voir.

            Bien cordialement,


          • alberto alberto 16 novembre 2010 15:24

            Bonjour Philippe

            Merci pour ces nouvelles de votre île.

            Une autre (petite) différence avec le cas français : ainsi que vous le dites, Taïwan est un pays prospère !

            Une autre grande différence, ainsi que vous l’écrivez : ici quoiqu’ils fassent, les présidents ne dorment jamais en prison...

            Espérons que tout ça pourrait changer ?

            Bien à vous.


            • Philippe Vassé Philippe Vassé 16 novembre 2010 17:27

              Cher Alberto,

              Merci de votre commentaire fort pertinent.

              En effet, un aspect de Taïwan est effectivement son actuelle prospérité qui permet aussi des progrès sociaux, sanitaires et de niveau de vie pour la population.

              Quant à votre seconde remarque d’une grande justesse, je pencherais pour ce théorème bien que la France soit séparée de Taïwan par presque 10000 km : le chemin que montre la démocratie taïwanaise avec les condamnations de l’ancien Président et de son épouse, ainsi que d’autres élus ou ex-élus corrompus et/ou voleurs, est un exemple à suivre.

              Il se pourrait bien qu’en France, une série d’immenses scandales successifs mettant à nu et au jour les pratiques infâmes de politiques français provoque une révolte populaire telle que les Juges auraient alors le droit de juger les élus de tous niveaux et de toutes couleurs comme un citoyen de base...et de les condamner si les faits sont avérés.

              Il arrive souvent dans l’histoire, comme en géologie, que l’accumulation-sédimentatation de scandales révoltants créent une situation où les protections internes ne peuvent plus opérer, voire se transforment en dénonciations tous azimuts.

              Comme le dit un dicton aborigène taïwanais : « la vague de l’Océan vient de loin et a mis du temps pour arriver à la côte, mais c’est en déferlant qu’elle montre sa puissance ».

              Bien amicalement,


            • iroiro 17 novembre 2010 23:30

              Est-ce que tout ça n’est pas un peu dramatisé ?

              Le KMT n’est au pouvoir que depuis deux ans et demi – par la volonté du peuple.

              Une élection majeure est imminente, si le peuple veut montrer son mécontentement, qu’il le fasse, c’est maintenant.

              Que le KMT soit un parti qui ne peut s’adapter à la démocratie, c’était évident dès 2004.

              Que le président Ma soit favorable à l’unification à la Chine était une évidence aussi.

              Que le procès de CSB soit un procès politique avant tout était aussi une évidence.

              Maintenant, dire que l’ECFA apporte la richesse à l’économie taiwanaise est assez prématuré. Il faudrait d’abord sortir un minimum du commerce triangulaire où Taiwan n’est qu’un passage, avec les investissements et les emplois taiwanais se retrouvant en Chine, Taiwan restant avec son chômage. Le taux de croissance de Taiwan est une illusion. De toute façon l’ECFA n’est même pas encore opérationnel. Au plus pourrait-on croire à une légère « détente » dans le détroit – mais ce n’est peut-être que très provisoire.

              Corruption de CSB, corruption du KMT : c’est en fait la même, le juge qui a condamné Chen avait innocenté Ma, et pourtant c’était pour la même chose. La corruption de la justice taiwanaise appartient au KMT, comme s’il s’agissait d’un héritage laissée par la période de loi martiale.

              Concernant le dossier des subventions accordées aux étudiants chinois, il me semble que KMT et DPP avaient discuté et voté cette loi ensemble, et je crois que l’aspect financier avait été discuté aussi. D’autre part, le gouvernement a répondu que cette subvention ne serait pas allouée pour les 2000 étudiants chinois qui seront prochainement accueillis. Alors, est-ce qu’il n’y a pas emballement ?

              Mais, encore une fois, si les étudiants taiwanais sont mécontents, qu’ils se donnent la peine d’aller voter.

              Taiwan, moyennement prospère, en perte de vitesse depuis 2004 au moins, parce se trouvant à l’ombre d’un géant qui grandit, et qui attire à lui la richesse de Taiwan, et parce qu’un autre dragon, la Corée du Sud, l’a surpassé.

              Taiwan se mit dans une situation instable lorsque le président Ma fut élu, alors que Lien avait conclu un pacte avec la Chine, qui signifiait une trahison vis à vis de Taiwan. Tout était déjà écrit en Mai 2008.

              Tant que le peuple pourra s’exprimer à travers les élections démocratique, la situation peut être renversée sans tomber dans la révolution.


              • Philippe Vassé Philippe Vassé 18 novembre 2010 09:45

                Iroiro,

                Merci pour votre commentaire qui, malheureusement, comporte quelques faits qui sont contredits par les chiffres et les évènements.

                Sur la prospérité globale de Taïwan- ce qui n’exclut pas un chômage réel, bien que faible- le fait que le PIB par tête ait récemment dépassé le Japon, sans même parler de la Corée du Sud, est assez parlant en lui-même pour faire la clarté sur ce sujet.

                Les rapatriements de capitaux et d’emplois de Chine vers Taïwan sont aussi un processus net, que les données statistiques confirment bien. Je ne voudrais pas vous contredire, mais sur ce dossier, cela fait un certain temps que ce « retour », plus ou moins fort selon les moments, est en cours....

                L’accord ECFA a été ratifié et il ne vous aura pas échappe que certaines mesures qu’il contient avaient été anticipées.

                En tant qu’observateur, je ne pense pas que le KMT ait changé de nature à une date ou une autre, mais il est intéressant de noter qu’il est aujourd’hui divisé en deux groupes marquants : ceux qui penchent, plus ou moins, pour une réunification avec la Chine (chose qui conduirait en l’état à la fin du pouvoir KMT comme tel à moins de se transformer en succursale locale du PC chinois) et une aile pragmatique qui ne cherche que la stabilité à travers des accords et la prospérité des deux côtés.

                Entre ces deux tendances, les divergences, y compris d’intérêts, sont évidentes.

                Contrairement à ce que vous semblez indiquer, la démocratie ne se résume pas à un votre pour des élections tous les X mois ou années. Un peuple a aussi le droit permanent de manifester sa colère ou de protester dans les rues, comme en 2006, sans lien avec une élection ou les objectifs d’un parti.

                Taïwan n’est pas la France où les grands partis ne regardent que les élections, synonymes de postes bien payés, mais un pays où le peuple a appris dans sa chair et son sang ce que signifiait la vraie démocratie.

                Enfin, sur les allocations relatives aux étudiants chinois, si vous avez vu cela quelque part comme une loi votée, il serait bon d’alerter les médias taïwanais : ils ne l’ont pas vu passer devant le Parlement !

                Quant à la corruption de certaines autorités actuelles locales, elle est une donnée récurrente à Taïwan, quel que soit le parti au pouvoir.

                Ce qui a changé est justement que 2006 est resté dans toutes les mémoires et que Chen Chiu Bian et son épouse dorment en prison pour des faits avérés et indiscutables.

                Cela n’excuse personne du côté du KMT, mais il faut aussi comparer ce qui est comparable : lors du jugement concernant Ma Ying Jiou, il s’agissait de fonds à discrétion de la mairie de Taipei sans profit personnel. Dans le cas de l’ancien Président, on était dans la corruption et le vol d’argent public en système organisé sur une échelle nationale.

                Il importe donc de comparer ce qui peut l’être, le juge n’ayant rien à voir avec le dossier tel qu’il est.

                Espérant que ces remarques vous permettront une approche plus précise et réelle des questions abordées,

                Bien cordialement,


              • iroiro 19 novembre 2010 00:09

                Voici mes réponses, point par point.

                1) "Sur la prospérité globale de Taïwan ..."

                Je reste sceptique sur cette statistique et son interprétation. En gros, l’occident commande, Taiwan traite la commande en lançant la fabrication et la production en Chine. L’entreprise est taiwanaise, donc la richesse est considérée comme taiwanaise, intégrée au PIB taiwanais, mais en fait : le travail, les emplois, ça se passe en Chine.

                A Taiwan, les salaires sont au plus bas depuis 13 ans, le taux de chômage est le plus élevé des 4 dragons, la répartition de la richesse semble de plus en plus déséquilibrée.

                Voici des articles à ce sujet :

                http://focustaiwan.tw/ShowNews/WebNews_Detail.aspx?ID=201008210003&Type=aOPN

                http://taipeitimes.com/News/editorials/archives/2010/08/22/2003480970

                http://focustaiwan.tw/ShowNews/WebNews_Detail.aspx?ID=201008220004&Type=aOPN

                http://focustaiwan.tw/ShowNews/WebNews_Detail.aspx?ID=201008200013&Type=aOPN

                http://www.digitimes.com/news/a20100823VL201.html

                http://www.taipeitimes.com/News/editorials/archives/2010/08/26/2003481282

                http://focustaiwan.tw/ShowNews/WebNews_Detail.aspx?ID=201010120005&Type=aOPN

                2) "Les rapatriements de capitaux et d’emplois..."

                Je veux bien plus d’info sur ce sujet, mais attention à l’intox du pouvoir pro-chinois.

                Voici les miennes :

                Près de 145 milliards de dollars ont été investis par les entreprises taiwanaises en Chine depuis mai 2008  :

                http://www.taipeitimes.com/News/front/archives/2010/10/27/2003487001

                3) "L’accord ECFA ..."

                Y a t-il eu anticipation sur les droits de douane de "récolte précoce" ? Il me semblait qu’elle ne devait être appliquée au premier janvier. Y a t-il eu anticipation sur les services ? de quoi s’agit-il ?

                D’autre part, Comment pourrait-on aujourd’hui distinguer les effets de l’ECFA, des effets de la reprise qui a lieu en Asie ? Je pense que c’est trop tôt pour se faire une idée.

                Mais si vous avez des info économiques sur les effets dus spécifiquement à l’ECFA, je suis preneur.

                4) "En tant qu’observateur ..."

                A mon avis, ce qui est important, c’est le KMT qui est au pouvoir aujourd’hui. C’est sans ambiguïté puisque le président de Taiwan est le président du KMT. Il me semble évident que le pouvoir est favorable à la Chine, et qu’il suit en cela l’accord établi entre le KMT et la Chine en 2005.

                5) "Contrairement à ce que  ..."

                Est-ce que le peuple croit encore à ces manifestations ? Les jeunes sont désintéressés. Les dernières manifestations de l’opposition étaient peu suivies. De toute façon, le pouvoir actuel les ignore, et utilise des sondages pour cautionner ses décisions politiques.

                Mieux vaut, de toute façon, aller voter, plutôt que de défiler et de se faire filmer par les policiers d’un régime issu d’une dictature répressive - on ne sait jamais !

                Je ne crois pas qu’une démocratie puisse être dirigée par le pouvoir des manifestations ou des grèves, des blocages, avec des revendications catégorielles, comme en France.

                Un peu de manif, d’accord, trop de manif, non. C’est une dérive de la démocratie lorsqu’elle ne fonctionne plus.

                6) "Taïwan n’est pas ..."

                Taiwan est surtout d’abord une démocratie jeune, et la seule démocratie de langue officielle chinoise. C’est un exemple unique pour les autres pays de culture chinoise. Taiwan est un cas unique d’une démocratie gagnée sans verser de sang, et où le parti dictateur a survécu lors du passage en système multi-partis.

                La question, à mon avis est plutôt : est-ce que l’équilibre démocratique est atteint ? Malgré la pression du voisin ? Je ne crois pas. Il reste au moins à amender la constitution pour obtenir une démocratie qui soit déchargée du passé de la dictature et de la colonisation.

                7) "Enfin, sur les allocations ..."

                Je me suis sans doute mal exprimé. Le KMT et le DPP sont arrivés à un accord sur la loi concernant les étudiants chinois durant la session parlementaire d’aout. Les sujets financiers ont été abordés, puisque les frais d’inscription ont fait l’objet d’un débat pendant des mois. Je ne peux imaginer que le sujet des bourses d’étude ait été oublié.

                Pour le détail :

                http://www.taipeitimes.com/News/front/archives/2010/08/20/2003480845/1

                La clarification qui dit que cette subvention sera supprimée :

                http://focustaiwan.tw/ShowNews/WebNews_Detail.aspx?Type=aIPL&ID=201011090044

                8) "Quant à la corruption ..."

                La discussion à ce sujet pourrait être longue, car je ne suis pas du tout d’accord, d’autant plus que CSB et sa femme ont été innocentés dans une des affaires qui leur est reprochée.

                Voici en tout cas l’avis du DPP, que je partage :

                http://www.taipeitimes.com/News/front/archives/2009/09/12/2003453378/3

                Je reste de toute façon sur mon idée que le KMT utilise de manière récurrente la soit disant corruption de CSB comme argument électoral, et que les plus corrompus ne sont pas ceux qui sont en prison.

                Je considère que la famille Chen a été, et est toujours, victime d’acharnement. Qu’il y ait eu faute ou non, cela ne justifie en rien la manière dont cette histoire a été traitée. Je suis persuadé que, plus tard, le peuple taiwanais reconnaitra que justice n’a pas été rendue avec la sérénité qu’il aurait fallu. 


                • Philippe Vassé Philippe Vassé 19 novembre 2010 11:53

                  Iroiro,

                  Je vous remercie et vous félicite pour la recherche de données dans la presse taïwanaise, même si il faut distinguer entre effets d’annonce politique et réalités avérées.

                  1- Sur le niveau de vie et les salaires à Taïwan

                  Les sources les plus variées indiquent un accroissement rapide du PIB et des salaires à Taïwan, après un net ralentissement de leur hausse en 2008 et 2009, comme conséquences de la crise mondiale.

                  http://www.kmt.org.tw/english/page.aspx?type=article&mnum=112&anum=8878

                  Cette source du KMT est tirée des données financières internationales et ne peut donc être taxée de propagande.

                  Cette autre source du KMT est aussi étrangère au jeu politique taïwanais et fait référence à des mesures statistiques internationales :

                  http://www.kmt.org.tw/english/page.aspx?type=article&mnum=112&anum=8869

                  On voit donc que le taux de croissance de l’économie taïwanaise est un des plus élevés du monde, comparable avec celui de la Chine tandis que le pouvoir d’achat a augmenté aussi, et dépassé celui du Japon et de la Corée du Sud.

                  Des « dragons asiatiques », Taïwan est celui qui est reparti le plus vite et le plus haut, selon les analystes internationaux.

                  2- Sur le retour des activités de Chine vers Taïwan

                  C’est un sujet que je connais très bien puisque membre d’une Fondation qui rassemble tout le patronat de Taïwan (Youth Care Foundation). Sans statistiques du gouvernement qui n’est pas favorable OFFICIELLEMENT vis à vis de l’ECFA à ce processus de retour, il vous suffit de discuter « affaires » avec les PDG des grands groupes et même des plus petits pour constater que presque tous rapatrient, à petites doses, sans « froisser » les autorités chinoises, leurs capitaux et productions de Chine vers Taïwan, voire les relocalisent au Vietnam ou en Inde aussi.

                  3- Sur la corruption des deux grands partis à Taïwan

                  Nul ne discute plus dans le pays, à part quelques fanatiques aveugles du DPP, de la réamité de la corruption totale de l’ancien Président, de sa femme, de sa famille et de ses proches. Ce sont des faits si multiples et si évidents que la sujet ne mérite pas débat.

                  Bien plus intéressant est le fait que la corruption est redevenue le mal absolu du KMT au pouvoir, comme le prouvent les affaires douteuses de projets touristiques de masse sur la côte Est de Taïwan.

                  Cette corruption de bas en haut du KMT est en passe, l’article le démontre, de devenir dans le contexte de croissance forte du pays un facteur de crise politique et sociale.

                  Nous aurons l’occasion d’y revenir quand les faits apporteront une vision plus publique du processus en développement.

                  4- l’ECFA et ses effets

                  Sans vouloir être désagréable, croire que l’ECFA est le début d’une ère nouvelle entre la Chine et Taïwan relève de l’amnésie ou de la négation des faits connus depuis 25 ans. Cela fait depuis l’époque de Lee Teng Hui que Taïwan investit en Chine et y a été un des vecteurs primitifs du décollage économique et capitalistique.

                  Cela fait longtemps que les sociétés taïwanaises, avec des moments de crises passagères, ont contribué au développement de l’économie chinoise. L’ECFA est donc plus le résultat d’un passé commun que le commencement d’autre chose : cet Accord formalise, matérialise les liens gagnant-gagnant entre patronats des deux rives. Le reste est littérature politique et lecture pour personnes non-averties.

                  5- Mouvements sociaux et dictature du KMT

                  Certes, le passage de témoin entre KMT et DPP s’est fait dans le calme, relatif, en 2000.

                  Mais, là aussi, les apparences sont trompeuses : le KMT avait été contraint de s’ouvrir sur le monde, donc de lentement démocratiser l’Etat après la mort du dictateur Tchang Kaï Tchek. Son fils (éduqyé en URSS), puis Lee Teng Hui (Taïwanais de souche) ont progressivement fait évoluer ce parti. On sait aujourd’hui où se situe politiquement Lee Teng Hui et le parti TSU qu’il a fondé....

                  Pour autant, la dictature de KMT fut une féroce dictature dont la Terreur Blanche et les massacres initiées dès le 28 février 1947 des élites taïwanaises par les troupes du KMT ont fait un nombre encore mal connu de morts et de personnes traumatisées à vie.

                  Je connais personnellement un dirigeant syndical paysan qui a passé 10 années d’horreur sur une île au large de Taïwan, où chaque jour, des camarades à lui du DPP clandestin étaient fusillés !!! Idem pour un des fondateurs du mouvement pour l’agriculture biologique de Taïwan, torturé jeune parce que son père était dans le DPP clandestin.

                  Il ne faut pas nier les faits passés parce que le transition s’est déroulée sans violences : c’est du fait de tous ces morts et torturés que la démocratie s’est constituée à Taïwan, à savoir les vrais militants populaires du DPP, devenue maintenant un parti de gouvernement qui souffre de mêmes maux que le KMT, sauf la tendance à la dictature.

                  Je me rappelle bien avoir rencontré Annette LU quand elle se confiait des heures durant sur ses souffrances comme vice-Présidente de Chen Chiu Bian et relatait la corruption gigantesque dont elle était le témoin impuissant, ceci avec son maître en bouddhisme, appelé Master Hsin Tao (temple de Lingjioushan, près de Fulong, côte nord-est).

                  La grande différence entre les deux partis réside uniquement dans cette question démocratique : le KMT est spontanément un parti autoritaire par essence, le DPP ne peut vivre et exister sans la démocratie.

                  Le reste relève du jeu politique et des postures d’apparence et en communication.

                  Voilà ce que je devais vous écrire en réponse à votre très intéressant commentaire.

                  Bien cordialement,

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