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Députés de l’étranger : Victoire acquise d’avance pour l’UMP ?

Offrir la possibilité aux Français installés à l'étranger d'élire leurs représentants à l'Assemblée nationale est un vieux serpent de mer. François Mitterrand l’avait inscrit dans ses 110 propositions pour la France lors de l’élection présidentielle de 1981, Nicolas Sarkozy l'avait lui aussi promis lors de celle de 2007, mais le président actuel a tenu parole. 

11 députés sur 577 vont donc être désignés par ces Français vivant hors de France. Si petit soit ce nombre, cette nouveauté a suscité cependant quelques critiques de la part de la gauche en générale, des petits partis politiques en particuliers et assez peu du parti socialiste qui, malgré un réflexe pavlovien anti-sarkozy de pure forme, sait qu'il y trouve son compte et son intérêt comme je vais le montrer plus loin.

Quatre griefs animent ceux qui s’élèvent contre cette réforme. Celle-ci serait illégitime, le mode de scrutin serait inadapté, l'organisation couteuse et enfin le découpage des circonscriptions serait tout simplement du charcutage électoral.

Est-il juste que les Français de l'étranger puisse aient des députés ?

Doit-on avoir le droit d'élire des représentants à l'assemblée nationale, qui ne va voter des lois ne s'appliquant quasiment qu'en France, quand on n'habite plus en France et que bien souvent on n'y paie plus ses impôts ? Voilà la question qu'on peut se poser légitimement. La réponse est oui dans la plupart des pays du monde. Et pour ceux qui répondent par la négative une autre question surgit ; Si un citoyen français ne peut pas participer à une élection législative, comment se fait-il qu'il puisse élire un président ou des délégués qui choisiront un sénateur ?

N'y allons pas par quatre chemin, ceux qui contestent ce droit reconnu aux citoyens français qui ont quitté leur pays leur reprochent soit de ne pas voter pour eux soit d'être des déserteurs ou pire des traitres comme les émigrés de 1789. Ils s'étranglent à l'idée que la Suisse et le Liechtenstein, petits pays par la taille, aient un représentant tout comme la zone Asie-Russie-Pacifique qui couvrent 50 millions de kilomètres carrés tout de même, et distillent l'idée que le gouvernement fait un cadeau aux réfugiés fiscaux des Alpes.

En France, et dans quasiment tous les pays de la planète, le droit de vote des citoyens est lié à la nationalité et pas à la résidence ou à la fiscalité. Sinon le droit de vote serait accordé aux immigrés.

La proportionnelle aurait été mieux adapté

Le gouvernement a-t-il manqué d'audace en n'adoptant pas une élection à la proportionnelle intégrale ? Les députés étant tous égaux, en théorie, beaucoup de personnes à droite comme à gauche tiennent aussi à ce que le mode de scrutin soit le même pour tous même si, par exemple, la voix d'un habitant de la Lozère vaut plus de 3 voix d'électeur des Bouches-du-Rhône pour désigner un député.

L'UMP n'a ni intérêt ni vocation à introduire la proportionnelle, même pour un poignée de députés. D'abord parce que ce mode de scrutin favorise les grands partis et donc l'UMP mais aussi le PS. Introduire un scrutin proportionnel, même à petite dose, c'est ouvrir la boite de Pandore et voir resurgir les vieux démons de la IVe République et ses gouvernement éphémères. L'UMP héritière du gaullisme ne peut se compromettre avec une telle réforme.

En pratique, même avec la proportionnelle, ni les Verts ni le Front national n'auraient atteint 9,1% -le seuil de répartition des siège pour obtenir ne serais-ce qu'un député. Les cocus de l'affaire sont les centristes, mais c'est plus qu'une habitude, une vocation. Unis les centristes, avec 21% (le score de Bayrou aux présidentielles) pourraient prétendre à au moins 2 députés, avec le système majoritaire ils n'auront rien.

Un scrutin particulièrement onéreux

L'organisation du scrutin législatif, selon le quai d'Orsay, coûtera 700.000 euros par député de l'étranger, soit cinq fois plus que pour un député en France. Ce surcoût s'explique par des contraintes techniques incontournables quelque soit la majorité au pouvoir, c'est le prix à payer pour avoir une réelle démocratie. Notons aussi que le nombre de députés au total restera inchangés à 577, grâce à la disparition de 11 circonscriptions en France. Il n'y a donc pas plus de "bouches à nourrir" au parlement. Le contribuable est rassuré.

Marleix a-t-il charcuté les circonscriptions ?

Tous les découpages électoraux suscitent des accusations de charcutage. Le découpage d'Alain Marleix, secrétaire d'état aux collectivités, n'échappe donc pas à la critique même si, selon moi, il rend un travail juste et équilibré compte tenu des contraintes géographiques existantes.

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Un reproche qui revient souvent est le manque de continuité géographique des circonscriptions. La 8ème (Italie, Grèce, Turquie, Israël) est le cas cité le plus fréquemment. Petit hors propos, il est amusant de voir que ceux qui défendent le plus l'adhésion de la Turquie en Europe, en arguant de la proximité géographique et culturelle d'Ankara, reprennent l'argument inverse quand cela les arrangent, en reprochant au gouvernement de droite d'intégrer ce pays dans une circonscription majoritairement européenne. Fin du hors propos. Israël et la Turquie sont victimes du syndrome UEFA (Union Européenne des Associations de Football, ), les équipes de football israéliennes et turcs jouent dans le championnat continental européen, alors que logiquement elles devraient jouer dans le championnat asiatique, pour des raisons évidentes de sécurité pour les première et de prestige et d'argent pour les secondes. On ne peut pas faire cohabiter dans un même zone deux pays dont les habitants se détestent. Comment imaginer qu'un député français puisse faire campagne à Tel-Aviv une semaine puis à Damas la semaine suivante en évitant de parler du conflit Israëlo-palestinien et sans diviser les communautés françaises des deux villes ?

Le déséquilibre démographique de certaines zone est aussi pointé du doigt. La 1ère circonscription (USA et Canada) qui est la plus fournie avec 179.000 citoyens français est sous-représentée par rapport 2ème (Amérique latine) la moins peuplée. Remarquons d'abord que la zone USA-Canada, contrairement à l'Amérique centrale et du sud, vote très largement à droite, cela revient à dire que l'UMP scie la branche sur laquelle elle est assise. Alain Marleix a privilégié la continuité et l'intégrité territoriale des pays. A part faire passer le Canada (le moins peuplé) par dessus les USA pour lui faire rejoindre le Brésil ou organiser de manière virtuelle le retour au Mexique du Texas et de la Californie, je ne vois pas d'autres solutions.

Comment votent les Français de l'étranger ?

Il n'existe aucune obligation pour un Français vivant à l'étranger de se faire enregistrer par les services consulaires ou de participer aux recensements organisés par l'INSEE. L'étude du comportement électoral des communautés françaises à l'étranger est donc parcellaire et extrêmement suggestive.

On sait cependant que les citoyens français vivant hors de France sont plus diplômés et socialement d'un niveau plus élevé que la moyenne nationale. Cependant ils sont moins enclin à s’inscrire sur les listes électorales que leurs concitoyens de France et que, quand ils le sont, ils s'abstiennent trois fois plus. Loin des yeux loin des préoccupations nationales mais aussi moins de matraquage médiatique et des bureaux de vote.

De la dernière élection présidentielle de 2007, on peut dégager deux grandes tendances, en apparence, contradictoires. Les Français de l'étranger accordent moins facilement leurs suffrages aux petits partis et/ou aux partis extrémistes mais que lors du second tour ils votent quasiment comme le reste des Français.

UMP est-elle assurée de rafler la mise ?

Malgré tous les préjugés qu'on peut avoir, nous avons vu que l'électorat des Français de l'étranger n'est pas captif pour la droite. Cependant, la combinaison d'un scrutin uninominal à deux tours et la tendance des Français hors de France à voter pour les grandes formations politiques offrent beaucoup d'espoir à l'UMP de faire le plein lors de cette élection. A moins d'un raz-de-marée de la gauche comme le laisse supposer les sondages d'opinion récents.

Il existe de fortes disparités régionales dans la manière de voter. La gauche dispose de deux circonscriptions inexpugnables, la 7ème (Europe centrale et Grèce) et surtout la 9ème (Afrique du Nord et de l'Ouest). Les déclarations de nombreux membres de la majorité flirtant avec les thèmes favoris du Front national et le fameux discours de Dakar du Président Sarkozy n'aident pas vraiment la candidate de l'UMP, Khadija Douk Kali, une parfaite inconnue. L'ouverture aux femmes et aux minorités est souvent synonyme d'expédition au casse-pipe.

L'UMP dispose de bastions plus nombreux et ô surprise, les circonscriptions USA-Canada et Suisse-Liechtenstein sont bien moins acquises que ne le sont le Benelux, l'Asie-Russie-Océanie, et surtout le patchwork Italie-Grèce-Turquie-Israël. Nicolas Sarkozy est perçu, à tort ou à raison, par l'électorat français de confession juive comme le président le plus pro-israélien que la France ai jamais eu et lui a donné 84,5% de ses voix au premier tour, le meilleur score de la présidentielle 2007.

La projection que vous pouvez voir ci-dessus reprend les résultats du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2007 en supposant que l'évolution des résultats à venir soit homogène. Les Hypothèses de résultats de la future présidentielle que j'ai utilisé sont bien sure arbitraires. Je pars de trois postulats :

1. Ne se présenteront au deuxième tour que des candidats PS et UMP. Hypothèse fort probable puisque pour se présenter au seconde tour il faut 12,5% des voix et que seul F. Bayrou les a atteint. Vu l'état d'éclatement du centre, on imagine mal un des candidats-députés du centre franchir cette barre et en plus se maintenir pour le deuxième round.

2. Les électeurs votent de manière conséquente. Les électeurs votent la même couleur politique aux deux deuxièmes tours de la présidentielle et de la législative. Hypothèse un peu plus incertaine car de nombreux d'électeurs de droite semblent en déphasage avec le président actuel et il est possible qu'ils votent pour le candidat PS pour la présidentielle ou s'abstiennent mais votent tout de même pour le candidat de droite pour la législative.

3. Aucun évènement majeur ne vient rebattre les cartes de la campagne électorale pendant le mois qui sépare les deux élections. Cela pourrait être une "Borlooo" lancée par un dirigeant PS déclarant que les expatriés devront payer un impôt spécial.

L'enjeu de la première élection de 11 députés représentant les Français établis à l'étranger est en théorie bien mince. En effet, jamais une législature de la Vème république n'a joué sa majorité à moins de 30 sièges. Cette élection n'est pas pour autant anecdotique. Eric Besson le symbole le plus fort du braconnage de N. Sarkozy sur les terres de la gauche sera candidat pour la, surement très disputée, 5ème circonscription. Le nombre de candidats de droite hors UMP sera un bon indicateur de l'état de la droite dans le future.

La gauche et surtout le parti socialiste n'ont pas grand chose à perdre. En cas de défaite ils pourront toujours se vanter que les exilés fiscaux, les traders de Londres ou les héritiers de la Franceafrique ne font pas parti de son électorat cible et que le découpage "scandaleux" opéré par Alain Marleix ne leur a laissé aucune chance.


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4 réactions à cet article    


  • LE CHAT LE CHAT 7 juillet 2011 13:04

    Est-il juste que les Français de l’étranger puisse aient des députés ?

    Beaucoup plus juste de de vouloir que les étrangers votent en France !


    • fhijk 7 juillet 2011 17:20

      Que les électeurs de la circonscription Asie-Pacifique votent contre le parachuté Mariani qui devrait être mis à la retraite d’office !


      • pingveno 8 juillet 2011 10:05

        Rappelons que l’une des premières mesures de Sarkozy fut de rendre gratuite pour les expatriés français les écoles françaises à l’étranger. Nul ne doute que ces électeurs sauront s’en souvenir au moment de mettre le bulletin dans l’urne.

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