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Emir Kusturica : « L’Ukraine, un remake de la Yougoslavie »

« L'Humanité Dimanche » publie un entretien réalisé par Vadim Kamenka et Michaël Mélinard avec le cinéaste et musicien franco-serbe Emir Kusturica, le lauréat de deux palmes d’or pour « Papa est en voyage d’affaires » (1985) et « Underground » (1995). Extrait : ce qu'il dit sur l'Ukraine. Dwaabala.

« L’Ukraine marque un tournant. La Russie n’accepte plus son encerclement avec l’élargissement continu de L’OTAN. »

HD. que vous inspirent les événements en Ukraine ?
E. K. La guerre humanitaire est en fait une légalisation de la guerre. Wall Street dépend de la guerre. La valeur psychologique d’une action dépend de la manière dont vous êtes agressif dans certaines parties du monde. Plusieurs guerres, de tailles réduites, se déroulent un peu partout à travers la planète. Désormais, l’option des conflits de basse intensité apparaît épuisée. Et l’Ukraine marque un tournant. La Russie n’accepte plus son encerclement avec l’élargissement continu de l’OTAN. L’idéologue américain Zbigniew Brzezinski a largement écrit sur « l’enjeu eurasien », capital à ses yeux, à savoir la maîtrise et la colonisation de la Russie et de l’espace ex-soviétique. L’Ukraine est donc une première étape vers ce démantèlement imaginé par Brzezinski.

HD. Ne vous rappelle-t-il pas ce qui s’est produit en ex-Yougoslavie ?
E. K. À Kiev, l’histoire des snipers qui ont ouvert le feu sur la place Maïdan ressemble de manière troublante aux événements de Sarajevo en 1992. Durant le siège de la ville, des tireurs isolés ont terrorisé les habitants et personne à Sarajevo ne savait d’où venaient ces snipers. Exactement comme à Kiev. On ne sait toujours pas qui a ouvert le feu sur les manifestants et les forces de l’ordre (1). Aujourd’hui, une autre vérité que celle imposée par les médias apparaît. C’est ce que tentait de décrire mon film « Underground » : une autre réalité. Il a été réalisé en 1995. La vérité sur ces deux événements, les dirigeants la connaissent. Ils en sont même parties prenantes et essaient de nous abuser en feignant d’être des imbéciles. Les grandes puissances jouent sur un échiquier où l’Ukraine et l’ex-Yougoslavie apparaissent comme des pions. Il s’agit d’une répétition d’un scénario qui s’est produit en Yougoslavie et a mené à son éclatement pour des enjeux similaires : l’extension de l’OTAN et de l’UE. La construction de l’UE est responsable des deux drames. Afin de s’agrandir et accroître son influence, elle divise les États pour imposer sa loi à de petits territoires. Pour moi, ce qui est inacceptable, c’est que les gens s’en accommodent. Heureusement, il y a des instants d’espoir.

« Les États-Unis et le camp atlantiste imposent leur vérité et se comportent en vainqueurs de la guerre froide. »

L’arrivée au pouvoir des communistes en Grèce en fait partie. Leur victoire est historique et peut, comme en Amérique latine, porter un véritable élan. Ce phénomène se répétera dans les années qui viennent. La montée de l’extrême droite et des partis fascistes, voire nazis comme en Ukraine où ils sont au pouvoir, créera en face une résistance. Le clash est inévitable.

HD. L’hystérie de la presse à l’égard de la Russie et de Poutine vous rappelle le traitement médiatique à l’égard des Serbes durant la guerre de Yougoslavie ?
E. K. Cela a été le point de départ. En 1992, les divers acteurs ont mis en avant certains aspects pour créer une atmosphère favorisant un conflit. Ils ont ensuite légalisé une intervention au nom de l’aide humanitaire (2). Toute possibilité de paix a été écartée et la Yougoslavie a été démembrée à leur guise, laissant Slobodan Milosevic pour seul responsable. Le Kosovo est un bel exemple de leur mensonge et de leur justice aléatoire. Ils ont soutenu la séparation de cette région au nom du droit des peuples mais la refusent à la Crimée ! Les États-Unis et le camp atlantiste imposent leur vérité car ils se comportent en vainqueurs de la guerre froide. Ils estiment avoir triomphé du marxisme et tué le communisme.

Tous les événements qui ont suivi la chute du mur de Berlin révèlent les fausses promesses faites à Mikhaïl Gorbatchev sur la non-extension de l’OTAN. Cela résume leur conception de la diplomatie pour assurer leur suprématie. L’extension de l’orbite euro-atlantique est impérative. Le siècle qui vient pour les États-Unis sera un tournant. L’accroissement de leur richesse et de leur influence dépend de leur domination du modèle libéral. Ce modèle qu’ils ont imposé au reste de la planète à travers la mondialisation est fondé sur la compétition, l’exploitation et les inégalités. Cette compétition, les États-Unis ne pourront plus la remporter indéfiniment avec la montée de puissances émergentes. Devant cette phase de déclin, ils trichent. Mais ils n’avaient pas prévu que l’Eurasie se dresserait contre la domination de l’euro-atlantisme. La proximité géographique compte et la Russie et la Chine finiront par coopérer.

HD. Vous critiquez beaucoup le capitalisme, pourquoi alors avoir participé à une fête à Davos ?
E. K. J’étais à Davos pour une banque russe. J’avais besoin d’argent pour payer les musiciens de mon festival de Kunstendorf. On m’a donné beaucoup d’argent, avec lequel j’ai pu financer ce festival.

Vadim Kamenka et Michaël Mélinard (L’Humanité Dimanche).

 

Kusturica en cinq films

1985. « Papa est en voyage d’affaires ». Pour son deuxième long métrage, le réalisateur, alors yougoslave, décroche sa première palme d’or, à seulement 31 ans.
1989. « Le temps des gitans ». il reçoit le prix de la mise en scène à Cannes.
1993. « Arizona Dream ». Pour sa première expérience américaine, Emir Kusturica s’offre un casting de rêve (Johnny Depp, Jerry Lewis, Faye Dunaway) et fait voler des poissons sur une chanson d’Iggy Pop. il est récompensé par un ours d’argent à Berlin.
1995. « Underground ». il obtient sa deuxième palme d’or avec cette fresque historique et familiale de la Yougoslavie sur 50 ans, des années
1940 Jusqu’à son éclatement dans les années 1990. Le film déclenche une polémique autour du caractère supposé pro-serbe de l’oeuvre.
1998. « Chat noir, Chat blanC ». après avoir un temps songé à arrêter de tourner, Kusturica revient à la réalisation avec un film apaisé et décroche le lion d’argent du meilleur réalisateur à Venise.

A Lire : « Étranger dans le mariage », d’Emir Kusturica, traduit du Serbo-croate par Alain Cappon. Éditions JC Lattès, 270 pages, 20 euros.

 » » http://www.humanite.fr/emir-kusturica-lukraine-un-remake-de-la-yougosl...

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13 réactions à cet article    


  • Alren Alren 10 février 2015 10:54
    Les Étasuniens ont longtemps profité du fait qu’ils vivaient sur une île (les voisins canadiens et mexicains ne comptant pas dans leur politique), séparés des autres puissances par des océans.
    Cela les a beaucoup avantagé lors des deux guerres mondiales et surtout de la deuxième : leurs usines étaient inaccessibles à leur ennemis alors qu’eux, avec leurs alliés, pouvaient atteindre les leurs.

    Maintenant ce qui était un avantage devient un inconvénient au regard de la continuité territoriale qui va de l’Europe à la Chine en passant par la Russie et l’Inde.

    Même si les transports maritimes resteront importants dans les trente prochaines années, la facilité des liaisons terrestres (chemin de fer, oléoducs et gazoducs, voire lignes électriques à très haute tension) amèneront à un rapprochement naturel entre pays du continent euroasiatique, s’ils surmontent des divergences héritées du passé et qui sont caduques désormais.
    Il est essentiel pour les USA d’empêcher ce rapprochement.

    On dirait que Merckel et les droites allemandes, américanophiles par anticommunisme, commencent à se rendre compte que leurs « amis » jouent contre eux. 
    Quand vont-ils changer de stratégie ? Si la France redevenait indépendante et retrouvait dans la Russie un partenaire naturel, les choses pourraient évoluer. 
    Mais pour cela il faudrait des dirigeants d’une autre envergure qu’un Hollande ou un Fabius ...

    • Jelena XCII 10 février 2015 11:02

      En allant plus loin, la république de Krajina (guerre de Croatie) ou la république de Donetsk, c’est exactement la même histoire, il suffit d’inverser quelques noms... C’est pour cela qu’il ne faut pas faire confiance aux Merkel & Hollande quand ils disent vouloir la paix.


      • colere48 colere48 10 février 2015 11:02

        « L’Ukraine, un remake de la Yougoslavie »

        Oui sauf qu’il y a un gros bémol  : Poutine et la Russie qui n’est pas la petite Serbie

        Mais ça...... quand je pense qu’il ont filé un prix Nobel de la paix à l’autre nain US  ! pffffff.....  smiley


        • Jelena XCII 10 février 2015 12:05

          La « petite » Serbie a fait la nique à l’alliance « OTAN & barbus cannibales » durant la guerre de Bosnie... Donc pour ce qui est de la grande Russie... Ca risque effectivement d’être très compliqué.


        • devphil30 devphil30 10 février 2015 14:56

          Obama a eu le prix Nobel de la paix avant que son action puisse démontrer qu’il n’était en rien légitime pour cette distinction 


          Philippe 

        • Enabomber Enabomber 15 février 2015 12:02

          Vu les circonstances où Oblabla l’a eu, je vais demander le Nobel de Physique, parce que je suis en train de bricoler dans mon garage et je suis sûr qu’il va en sortir quelque chose d’extraordinaire  smiley


        • Djenana Mujadzic Djenana Mujadzic 10 février 2015 14:40

          Emir Kusturica n’a rie à voir avec Serbes, il est Bosniaque qui fait tout pour nier son propre peuple. Malgré qu’il a hissé Adric grad sur un stade ou sont morts des gens de sa communauté, il continu son rôle de serviteur de ceux qui veulent sa tête. Oui, il est célèbre mes des groupes comme « Aigles blancs » et « Vengeurs » ne sont pas loin.

          Chaque chose à son temps.
          Tout le monde sait qui a détruit Sarajevo et privé d’existence ses 30 000 habitants dont 11 500 d’enfants. Qui a égorgé des innocents et violé 60 000 femmes en Bosnie-Herzégovine. Ses amis extrémistes serbes ! Il y a des documents filmés par eux mêmes. Un honorable Belgradois a fait un film à New York. Kusturica tourne des films contre les siens et dit n’importe quoi. Son chef d’oeuvre
          « Tu te rappelles tu de Dolly Bel » est un film bosniaque. Il s’est caché en Russie car ex paramilitaires serbes veulent sa peau.
           

          • Jelena XCII 10 février 2015 15:35

            >> Emir Kusturica n’a rie à voir avec Serbes (...)
             
            Stupide vielle peau, un bosniaque c’est un serbe qui s’est fait convertir à l’islam par les turcs.


          • Dwaabala Dwaabala 10 février 2015 15:42

            La conception douloureuse du film Arizona Dream est rendue encore plus difficile par le début du conflit en Yougoslavie auquel le cinéaste assiste, impuissant, à des milliers de kilomètres. Le tournage est arrêté à de nombreuses reprises pour le laisser faire des allers-retours en Europe centrale et aider ses parents à faire face au conflit. Après le pillage de la maison familiale de Sarajevo et le vol de ses premiers trophées, Kusturica fait déménager ses parents au Monténégro.
            Etc.
            Quand je vois qu’il fut violemment pris à partie par A. Finkielkraut et BHL pour son film Underground, je me dis qu’il y a du bon chez cet homme.


          • Pere Plexe Pere Plexe 10 février 2015 20:15

            Plus qu’un remake de la Yougoslavie les événements Ukrainiens ne font penser à l’épisode de la Géorgie attaquant la Russie.

            Un président fantoche à qui l’occident bourre le mou.
            Ce dernier gonflé à bloc par les promesses du genre « Ne t’en fait pas ont est derrière toi » et quelques événements fort opportun l’amène à agresser le voisin russe.
            Naturellement il prends une grosse branlée
            Naturellement il perd un bout de son pays
            Naturellement l’occident prends sa mine de pucelle outrée...mais ne bouge pas abandonnant à son triste sort le dirigeant de pacotille et son peuple.

            • Ruut Ruut 11 février 2015 06:22

              Les Russes n’ont jamais perdu la moindre guerre.
              Les Américains ont perdu toutes leurs guerres. (sauf celles des films)


              • J.MAY MAIBORODA 11 février 2015 12:11
                Article vivement apprécié.
                Le parallèle avec la Yougoslavie s’impose effectivement.
                « u zinu » :  http://www.wmaker.net/u-zinu/


                • coinfinger 15 février 2015 18:45

                  Remake de la Yougoslavie . Oui c’est assez pertinent . Nous mesurons à quel point nous étions encore innocent .
                  L’humanité dimanche aurait pu se remémorer à cette occasion , cette thése de K Marx l’histoire se répéte toujours deux fois , une fois comme tragédie , l’autre fois comme farce .

                  Farce parce que l’adversaire tire des leçons de sa défaite et se prémunit . A mon avis c’est ce qui se passe . Qualifier de farce ce qui se passe en Ukraine , me géne du fait des drames dont sont victimes les Ukrainiens , néanmoins c’est ce que je ressens avec les attitudes des dirigeants Kieviens , Néocons , Atlantistes divers , professionnels de la Presse et autres .

                  Seul le drapement dans des postes d’autorité mal acquise et leur pouvoir de nuisance les préservent du ridicule d’un combat perdu d’avance . Poutine et je pense tout le monde Slave à acquis à cause de la tragédie et surtout de l’ére Eltsine , plusieurs coups d’avance dans l’intelligence d’un processus devenu banal . Quoique douloureux .

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