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Histoire de fainéants

Quand l'Histoire donne une leçon à nos donneurs de leçons...

Entre une gauche qui a choisi, élection après élection - ou plutôt raclée après débâcle - le changement dans la continuité… et une droite qui opte pour un retour vers le futur, on peut clairement prédire que le statu quo est la ligne directrice des élections à venir. Entendre par statu quo la préservation coûte que coûte d’un mode de scrutin archaïque et discriminatoire où, excusez du peu, un quart en somme du corps électoral est systématiquement non représenté.

On s’en étonnerait presque si on ne se souvenait que la Révolution n’a jamais porté en germe un projet démocratique mais tout juste permis la substitution d’une oligarchie par une autre et l’apparition d’une nouvelle caste de privilégiés, les bourgeois. Il est peu étonnant dès lors que cette mascarade se soit perpétuée jusqu’à maintenant : au rejet du NON au référendum en 2005 finalement promulguée sous la forme du traité de Lisbonne par voie parlementaire là a succédé l’adoption de la loi Macron par 49-3 ici. Les grands démocrates d’hier ont inspiré les grands démocrates d’aujourd’hui. Point de démocratie donc, ou si peu : serions-nous condamnés au vote inutile puisque les dés sont déjà jetés ?

A priori oui puisque les grands rendez-vous des législatives et présidentielles sont irrémédiablement verrouillés par des scrutins majoritaires à deux tours où le premier est une sorte de proportionnelle inutile, puisque sans application réelle, et le second une élimination par défaut. La supercherie de la Ve est de vendre la rencontre d’un homme avec un peuple… là où ce sont bien des groupes, des partis, des clans, des clubs (ce que d’autres appelleront des think tanks), voire des loges (oups…) qui accaparent le gouvernement et donc le pouvoir.

Or le pouvoir est aujourd’hui bien loin des considérations de Montesquieu de favoriser leur séparation. Les cas de la loi instituant le mariage pour tous ou celle du futur Patriot Act à la française comme elle fut nommée après les attentats de janvier montrent l’alignement marqué de l’exécutif, du législatif et du judiciaire, voire leur confusion. Dès lors, le pouvoir redevient un rapport de force au sujet duquel le sénateur PS Jean-Pierre Michel rappelait que « ce qui est juste, c’est ce que dit la loi. Voilà, c’est tout. Et la loi ne se réfère pas à un ordre naturel. Elle se réfère à un rapport de force à un moment donné. »

En bref, la loi du plus fort, celle du plus grand nombre. Les enjeux électoraux sont réduits à l’acquisition d’une courte majorité et s’apparentent inexorablement à des victoires à la Pyrrhus pour les deux partis républicains. Difficile de désigner les véritables vainqueurs et vaincus. La proportionnelle de décembre devrait justement déchirer ce voile de fumée en donnant une photo plus précise de toutes les tendances du paysage électoral et a priori confirmer le nouveau rapport de forces défavorable à l’Etablissement. Parions que le discours suranné républicain et médiatique sera à nouveau démenti par les chiffres et que, ô surprise, le destin de la République dépendra de quelques preux chevaliers blancs tels qu’Obiwan Kenozy ou Luke Skyvallser dont la maîtrise de la force morale permettra de rétablir le délicat équilibre électoral.

Mais à vouloir ainsi polariser la vie politique sur un plan moral, exhortant la lutte du bien (angélique et républicain) contre le mal (absolu et extrémiste), on en vient finalement à recentrer le débat sur la Morale. Or droite et gauche promeuvent un modèle de société purement libéral-libertaire, c’est-à-dire sans règles, sans conscience, sans limites... où la vérité des uns s’arrêtent où commencent celles des autres, c’est-à-dire celle du plus grand nombre. Une société parfaitement hédoniste et relativiste mais qui aurait une morale. A l’incohérence du message on peut prédire l’échec du remède.

En l’absence de résultats économiques patents, le clivage politique se radicalise par conséquent dans ce double rapport de force : à la fois physique et morale. Le débat se cristallise en une alternative aussi simple que simpliste entre les Bons et les Méchants, en un combat entre le Bien et le Mal qui fut d'ailleurs magistralement mis en scène par les grands médias à la suite des attentats contre Charlie Hebdo. Comme l’a si bien expliqué E. Ratier, ce combat est mené contre tous ceux hérétiques au serment lapidaire « Je Suis Charlie » et les manifestations de février auront servi de grande répétition avant l’heure à celle à venir le soir où la République sera en danger, à savoir au crépuscule des résultats du 1er tour de mai 2017.

L'enjeu n’est plus tant de savoir si le camp du Bien l’emportera (quoique...) mais de se demander sur le cadavre duquel des deux partis cette union pour la survie de l’espèce républicaine va s’opérer.

Avant d'en arriver à l'union justement, rappelons que les préliminaires sont engagés et laissent apparaître une complémentarité toujours plus confondante sur toutes les grandes problématiques du gouvernement de la France. A gauche et à droite s'exprime invariablement le même manichéisme Bien/Mal décrit plus haut° : Europe (paix) / France (isolement), Euro (prospérité) / Franc (dévaluation), Communauté Internationale (démocratie) / Russie (dictature), immigration (hospitalité) / intégration (conservatisme), etc. Comme le disait F. Bayrou, « si on pense tous la même chose, on ne pense plus rien ».

Non content de penser la même chose, on veut aussi la même chose : les électeurs FN. A droite, toute la communication consiste à laisser croire qu’on cherche à s’ouvrir vers le centre (et si possible encore un peu plus vers la gauche du centre) quand les appétits lorgnent sur l’électorat du FN. Bref, les idées de refonder un parti allant de la droite au centre d’une part, faire oublier un sigle (UMP aujourd’hui à l’instar du RPR hier) jugé trop affairiste d’autre part et siphonner à nouveau les voix parties à sa droite enfin donnent plus l’apparence d’un ravalement de façade qu’une réelle vision d’avenir. A gauche aussi on aime le BTP : l’appel à l’unité plurielle fait plus penser à une figure de style qu’une ambition pharaonique, celui à la résistance face à la menace fasciste résonne comme un hymne à la ligne Maginot…A défaut d’y parvenir dans les eux cas, on cherche à stopper l’hémorragie à coups de mouchoirs : gauche et droite n’ont plus que cette dérisoire solution de déclarer le plus sérieusement que, à défaut d’avoir fait ou faire ce qu’on avait promis, le message a été reçu et compris et que, désormais, on fera ce qu’on avait promis ; ou l’inverse… bref, c’est pas vraiment clair.

La stratégie paresseuse à gauche et à droite de courrir après les électeurs FN tout en affichant un programme du moindre effort qui oscille entre courage fuyons et tout va bien madame la marquise augure des lendemains pluvieux pour le couple républicain qui devra alors se résigner, par défaut faute de mieux, à un mariage forcé. A penser, dire et faire la même chose, on ne sait plus trop qui porte du bleu ou du rose : Juppé ? NKM ? Valls ? Macron ? Tous habillés en blanc, c'est à dire à la couleur uniforme de l'arc-en-ciel, et portant leur culotte à l'envers - la suite vous apprendra pourquoi.

Gageons donc que, au soir de ce fameux 1er tour, sera célébré le mariage forcé entre deux parties si faiblement consentantes : petit échange de OUIS murmurés entre une future mariée qui sait qu'elle y perdra son patronyme - donnons la prime au sortant tant le reflux de l'horizon socialiste semble inarrêtable - et un futur marié qui ne saura pas s'il doit se réjouir ou pleurer de cette alliance. En apparence, la grande gagnante sera naturellement la République, choix moral donc acceptable, à visage social-démocrate réformateur. Avant tout parce que être social ET démocrate, c’est bien ; quant à faire du neuf avec de l'ancien, çà rassure ! En résumé, un condensé de tartufferie devant agir comme un attrape-mouche.

Les enjeux électoraux ne masquent par conséquent plus qu'à peine le déclin des partis traditionnels et les limites ataviques de la dynastie gauche/droite actuelle. Les élections sont une lutte pour se parer des apparences du pouvoir dont on sait que l'essence a été transférée au profit de l'Union Européenne. A défaut d'avoir la capacité de gouverner et rayonner, nos politiciens consument et dilapident le patrimoine français. Eux qui n'ont de cesse que de vouloir l'éradiquer des manuels scolaires, comment ne pas voir nos politiciens contemporains comme le reflet de ces rois fainéants d'antan et ne pas considérer leur impuissance en comparaison de celle de leurs ancêtres ?

La future social-démocratie ne sera qu'une resucée d'une Ve République à bout de souffle. Partisane du statu quo vide de réel changement et de réforme, elle ne fera que confirmer l'incapacité héréditaire du gouvernement et le rôle purement décoratif du Président, du Premier Ministre et de leur aéropage. Le redécoupage régional voulu par l'Union Européenne achèvera de priver l'Etat central de réels pouvoirs pour les redistribuer aux présidents de régions, à l'instar des Maires de Palais à l'époque mérovingienne. Mais n'était-ce justement pas par eux que survinrent le changement de dynastie et l'avènement des Pippinides, prélude à celui des Carolingiens ? N'est-ce justement pas au niveau des régions que tout pourrait commencer avec la proportionnelle ?...


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7 réactions à cet article    



    • agauchtoute agauchtoute 17 avril 2015 09:38

      @P-Troll

      les citoyens bien sur §§§§§ bientôt plus d"élus avec 10% DES VOIX !!!!!! nous arrivons a 700000 ELUS BIENTOT LE MILLION !!!! et cela COUTE  ???????


    • lsga lsga 15 avril 2015 19:49

      Les partis politiques ne représentent absolument pas la population française.
      La proportionnelle serait donc une arnaque de plus : elle ferait croire que les français sont mieux représentés alors qu’ils le seraient moins bien.

       
      Puisqu’on ne peut pas choisir un parti qui représente nos idées, la moindre des choses, c’est de pouvoir éliminer le parti qui les représente le moins. Il se trouve que 75% des français choisissent systématiquement d’éliminer le Front National, il est donc légitime que ce parti extrêmement impopulaire n’est aucune représentation.
       
      Au passage, rappelons que le programme économique du Front National de Marine Lepen consiste à augmenter les impôts des français de souche aisés (qui ont des SICAV, des assurances vie, des biens locatifs), pour augmenter les aides sociales des français les plus démunis (cad : augmenter les aides sociales des arabes et des noirs avec une carte d’identité française). Je ne crois pas que ce programme économique là représente ce que veulent les 25% d’électeurs sous-doués qui votent FN. 
       
      Bref : à défaut de pouvoir choisir, le droit d’éliminer est tout ce qu’il nous reste.

      • Ben Schott 16 avril 2015 13:49

        @lsga

        On ne vous demandera pas d’où vous vient cette extraordinaire logique :

        " Il se trouve que 75% des français choisissent systématiquement d’éliminer le Front National, il est donc légitime que ce parti extrêmement impopulaire n’est aucune représentation. "

        Une représentation à 25% ne serait-elle pas légitime ?

        Sinon, il fait quel temps sur votre planète ?


      • zygzornifle zygzornifle 16 avril 2015 09:13

        de toute façon les électeurs se feront toujours berner ......


        • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 16 avril 2015 15:30

          Si les votes sur cet article représentent le corps électoral, on est très mal barrés.


          • Elliot Elliot 16 avril 2015 19:55

            La cinquième république est la transposition dans l’art de gouverner du principe monarchique : on se paie pour une période déterminée ( heureusement ! ) des monarques plus ou moins doués et, en l’occurrence, l’évolution de la société fait qu’ils sont de moins en moins doués, élus qu’ils sont soit comme Sarkozy sur une ambiguïté soit comme Hollande sur une mystification.

            Le premier chassait sur les terres du Front National et il s’est d’ailleurs remis récemment à l’ouvrage en assortissant ses interventions grandiloquentes de petites piques antimusulmanes censées lui gagner la considération de la beaufitude, l’autre s’est fait élire sur un programme en toute connaissance de son impuissance à le mettre en œuvre si tant est qu’il en eût jamais eu le désir.

            On ne gouverne pas durablement sur l’équivoque et la cinquième est minée de l’intérieur : conçue pour un géant, elle dépérit au contact des médiocres et l’extravagance de sa pérennisation se mesure à l’aune de la désaffection d’une grande partie des Français pour la participation au processus de désignation de ses dirigeants.

            Ce qui est un devoir moral est devenu une insupportable corvée ou libère une propension nihiliste avec le vote pour le FN.

            Tout cela conduit à l’implosion du régime et ouvre la porte à une 6e république, seul horizon encore susceptible de faire renaître un nouvel élan républicain. 

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