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Accueil du site > Actualités > Politique > Hollande démacronisé ou Macron déshollandisé ?

Hollande démacronisé ou Macron déshollandisé ?

« Mon choix est un choix pour être libre. Être libre de dire, de proposer, d’agir. Être responsable d’une nouvelle offre qui doit construire un nouvel espoir. C’est une nouvelle étape qui commence, pour laquelle j’aurai besoin de toutes les bonnes volontés. » (Emmanuel Macron, le 30 août 2016).



C’est fait : le Ministre de l’Économie Emmanuel Macron a (enfin) démissionné ce mardi 30 août 2016 vers 17 heures. Si cette démission était prévue depuis environ cinq mois, et se précisait autour du 14 juillet 2016, elle n’a pu être mise en œuvre qu’après la période estivale et surtout, après une série d’attentats qui aurait rendu dérisoire une telle annonce. L’est-elle toujours (dérisoire) ? Probablement même si les journalistes, trop attentifs au très médiatique ancien ministre au top des sondages, en ont fait un peu trop dans le traitement de cette information si l’on compare avec un attentat très meurtrier au Yémen, l’amende historique pour Apple de 13 milliards d’euros comme manque à gagner fiscal à l’Irlande, etc.

Emmanuel Macron a une communication sympathique, mais il cultive de nombreux paradoxes. Il se veut antisystème, mais il est au cœur même du système : énarque, inspecteur des finances, banquier, conseiller à l’Élysée, ministre. Il a eu une influence déterminante sur la politique économique de la France de mai 2012 à août 2016, auteur de la fameuse "boîte à outils" de François Hollande, franchement inefficace…

Son bilan de ministre est très mitigé. Les grands discours n’ont pas été suivis des faits. Sa loi Macron n’a réformé qu’à la marge, et a été votée avec le 49 alinéa 3. La loi Macron II n’a jamais vu le jour, s’effaçant derrière Myriam El-Khomri. S’il est apprécié des patrons, il ne l’est que sur les intentions car les faits sont là, il n’a pas beaucoup réformé une France très réticente aux réformes.

Sa seule légitimité politique, c’était pourtant Bercy. François Hollande n’imaginait pas que son poulain aurait été capable de voler de ses propres ailes aussi rapidement. En effet, sans base arrière, sans implantation locale, Emmanuel Macron n’avait que son ministère comme quartier général. Où va-t-il travailler, désormais ?

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Ce fut à tel point que cela n’a pas choqué beaucoup de monde qu’il ait eu l’audace d’utiliser les propres locaux du Ministère de l’Économie dont il n’est plus titulaire pour faire sa communication partisane. Il revendique d’impulser un renouveau dans la façon de faire la politique et il montre dans les faits les méthodes les plus archaïques, celle des ministres qui se servent de leurs fonctions au lieu de servir l’intérêt général qu’il ne cesse, pourtant, d’évoquer à tort et à travers.

Autre paradoxe, son positionnement politique. Il rejette fermement l’opposition entre la gauche et la droite, qu’il considère là aussi archaïque alors que le clivage est désormais ailleurs (sur l’Europe, sur l’ouverture, etc.). En cela, il marche sur les traces de François Bayrou qui avait fait toute sa campagne présidentielle de 2007 sur le refus d’un tel clivage. Et pourtant, il s’inscrit lui-même à gauche. Il se dit de tradition de gauche. Ce qui prouve quand même que la référence n’est pas si archaïque que cela : « Je suis de gauche, d’une gauche qui se confronte au réel, qui veut réformer le pays. » a-t-il admis sur TF1 au journal de 20 heures du 30 août 2016, au soir de sa démission.

Il est de gauche, mais il a quand même fait le voyage au Puy-du-Fou le 19 août 2016 où il s’est affiché aux côtés du …très droitier Philippe de Villiers pour dire aux journalistes : « L’honnêteté m’oblige à vous dire que je ne suis pas socialiste ! ». Une phrase assez proche d’un propos de campagne un peu trop spontané de Lionel Jospin. C’est d’ailleurs amusant de le voir proche de Philippe de Villiers, énarque, ancien ministre, élu local très implanté, qui fit aussi du discours anti-système son fonds de commerce durant toute sa carrière politique…

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Les adversaires d’Emmanuel Macron ne manquent pas. Il y a ses adversaires idéologiques qu’on peut retrouver autant à gauche (et extrême gauche), on peut citer Gérard Filoche, Philippe Martinez, Olivier Besancenot,etc., qu’à l’extrême droite (sur Twitter, Florian Philippot se demandait dans le cadre de quelle primaire il pourrait présenter sa candidature, celle de la droite ou celle de la gauche ?).

Il y a aussi ses adversaires stratégiques, ceux qui ont un positionnement idéologue assez proche du sien (social-libéral), et qui ciblent les mêmes parts du "marché électoral" : le principal est évidemment Manuel Valls, mais aussi Alain Juppé voire Bruno Le Maire qui, à droite, était l’un des rares à assumer un renouveau décontracté de la façon de faire de la politique.

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Du coup, ce n’est pas étonnant qu’on ressorte son passé professionnel chez Rothschild. Que cette expérience lui ait justement permis de comprendre ce qu’est une entreprise, et par ricochet, ce qu’est l’économie, ne semble pas avoir traversé l’esprit de beaucoup de ses détracteurs. Au contraire d’un Arnaud Montebourg qui, après deux ans et demi du même ministère, s’est cru obliger de prendre des cours d’économie pour savoir ce qu’est une entreprise… On a froid dans le dos !

L’argument de la banque Rothschild n’a plus beaucoup d’intérêt si l’on rappelle qu’un des éléphants du PS a fait sa très longue carrière avec une réputation de représentant de l’aile gauche. Il fut Ministre du Budget de François Mitterrand, premier secrétaire du PS et Président de l’Assemblée Nationale dans les années 1990. Il avait travaillé quand même près d’une décennie à la banque Rothschild proche de la direction (fondé de pouvoir, directeur adjoint) de 1969 à 1978… Je veux parler bien sûr d’Henri Emmanuelli, le mentor de Benoît Hamon.

Ce que disent la plupart des journalistes, c’est qu’Emmanuel Macron cultive un profond mépris pour François Hollande qu’il considère comme incapable et incompétent en économie (trente ans de retard, aurait-il dit à Michel Rocard). Ce mépris intellectuel est bien ingrat pour celui qui n’aurait rien été sans l’Élysée.

François Hollande, qui a une connaissance très fine de l’histoire politique, aurait-il oublié que beaucoup de poulains se sont retournés contre leur mentor : Édouard Balldur contre Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy contre Jacques Chirac, Raymond Barre contre Valéry Giscard d’Estaing, François Fillon contre Nicolas Sarkozy, etc. ?

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La démission d’Emmanuel Macron est la suite d’une longue série de démissions politiques : Jérôme Cahuzac, Delphine Batho, Pierre Moscovici, Cécile Duflot, Benoît Hamon, Aurélie Filippetti, Arnaud Montebourg, Christiane Taubira (qui, elle, n’a rien à voir avec "l’aile gauche" du PS, contrairement à ce que répètent de travers beaucoup d’éditorialistes). Le bilan du quinquennat de François Hollande est certes catastrophique, mais l’on pourrait imaginer que c’est le Premier Ministre Manuel Valls qui a voulu faire le vide autour de lui, en ne gardant dans son gouvernement que des vallsistes et des hollandistes de la première heure.

La faillite du gouvernement de François Hollande est patente : lâché à la fois par son aile gauche (Montebourg) et son aile droite (Macron), dirigé par un Manuel Valls qui a renoncé à tout ce que lui-même, candidat à la primaire de 2011, avait proposé, dans le seul objectif de conquérir la direction du PS en 2017.

Beaucoup considèrent un peu vite qu’Emmanuel Macron serait candidat à l’élection présidentielle. S’il y allait, il irait au casse-pipe assurément. N’ayant aucun parti de grande envergure qui le soutienne (c’est-à-dire, n’ayant aucun financement pour une campagne nationale), Emmanuel Macron aurait beaucoup de mal à concurrencer les candidats des partis traditionnels (y compris le FN). Il aurait une forte probabilité d’être victime du syndrome Simone Veil également applicable sur Raymond Barre, Jacques Delors et même François Bayrou, à savoir que beaucoup de sondés du "camp adverse" peuvent exprimer leur sympathie pour cette personnalité dans les sondages, mais jamais ils ne voteraient pour elle en cas d’élection, c’est toute la différence entre examen et concours !

Tout le discours visant à expliquer que la démission a pour but l’intérêt de la France n’est pas crédible. En effet, on ne démissionne pas par caprice d’un poste si important dans un pays à l’économie si dévastée. On ne sert pas non plus l’intérêt général en se consacrant entièrement à un mouvement …partisan.

Toutes ces contradictions, Emmanuel Macron s’en moque visiblement. Lui, il mise totalement sur le besoin de renouvellement qu’expriment régulièrement les Français. Et pourtant, l’expérience montre que si les électeurs sont volontiers révolutionnaires dans la rue, ils sont dans les urnes …un tantinet réactionnaires !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 août 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Hollande démacronisé.
François Hollande.
Michel Rocard.
Populismes.
Mystère ou Mirage Macron ?
Discours d’Emmanuel Macron le 8 mai 2016 à Orléans (à télécharger).
La vivante énigme d’Emmanuel Macron.
Le saut de l'ange.
La Charte de En Marche (à télécharger).
Emmanuel Macron à "Des paroles et des actes" (12 mars 2015).
La loi Macron.
Manuel Valls.
Alain Juppé.
François Bayrou.
Le Centre aujourd’hui.
Casser le clivage gauche/droite.
Paul Ricœur.
La France est-elle un pays libéral ?

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10 réactions à cet article    


  • fred.foyn 31 août 2016 10:37

    oupssssssssss...

    Les « RATS » quittent le Titanic... !

    • zygzornifle zygzornifle 31 août 2016 13:17

      @fred.foyn


      Macron n’a plus besoin qu’on lui change sa couche , il va tout seul a son pot faire son cacounet , Hollande doit quitter son « éducation parentale » et reprendre son boulot ....

    • soi même 31 août 2016 10:45

      https://tripozantipodes.files.wordpress.com/2012/06/relations-bouder.gif

      Comme ils sont beau nos futurs candidats à la Présidentielle.

      .


      • François Vesin François Vesin 31 août 2016 10:57

        Un énarque passe chez Rothschild

        comme un petit dealer passe par Fleury Mérogis !
        Pour devenir un vrai caïd
        il faut consentir à adopter les codes et,
        savoir se soumettre aux puissants !
        C’est un personnage très ambiguë ce Macron
        que je soupçonnerais aisément d’être capable du pire
        pour faire plaisir à « manman »  !!!


        • Dzan 31 août 2016 12:10

          La Tribune.
          Voteriez vous Macron ?

          La France que dessine cette sociologie est clairement une France privilégiée : Emmanuel Macron obtient ses meilleurs scores de fortes probabilités de vote chez ceux qui gagnent plus de 6000 euros par mois (24 %), ceux qui déclarent s’en sortir « très facilement » avec les revenus de leurs foyers (24 %), qui ont le sentiment d’exercer une profession en expansion (21 %), ou encore chez les cadres supérieurs (20 %), les diplômés à bac + 4 (19 %), ceux qui gagnent entre 3500 et 6000 euros par mois (19 %), les chefs d’entreprises (17.5 %).

          En revanche, les probabilités de vote pour Emmanuel Macron sont faibles, voire très faibles, chez les employés (13 %), les ouvriers (12 %), les salariés du public (12 %), les travailleurs à temps partiel (11 %), les chômeurs (10 %), les peu diplômés ou ceux qui ont le sentiment de ne pas s’en sortir.


          • zygzornifle zygzornifle 31 août 2016 13:16

            Macron va se faire payer sa campagne présidentielle de 2017 par les banques Rothschild en tète et le MEDEF qui utilisera l’argent que lui a filé le gouvernement pour créer son million d’emplois .....


            • bonnes idées (---.---.222.234) 31 août 2016 19:03

              On a bien eu jean monnet on peut avoir mac rond.


              • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed MADJOUR 1er septembre 2016 12:30

                @auteur


                Rien de tout cela. Macron, jeune arriviste apprenti sorcier veut se libérer d’un système qui l’avait enrôlé. Il y a en politique beaucoup d’opportunité et beaucoup d’opportunistes, ce qui fait qu’il y a aussi beaucoup d’échecs et beaucoup de désillusion ! 

                Un mauvais départ décide souvent d’un échec à l’arrivée. Macron remet en cause très tardivement le « Pendule Gauche-Droite », il ne sait pas alors que le combat politique n’est plus à ce niveau puisque le peuple a déjà abandonné « l’embarcation du système ». Le combat est dans le courage à qui affrontera la réalité et à qui dira la Vérité au peuple de France. Macron ne peut pas.
                ----------------

                «  »Rappel ici

                http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/macron-ou-comment-faire-du-neuf-184156?debut_forums=100#forum4661852


                « »Beaucoup ont certainement entendu la « déclaration » de monsieur MACRON à la télévision et ses interventions à ... l’occasion.


                Je dis non, monsieur DROUET, monsieur MACRON ne peut pas faire du neuf avec mes anciennes idées ! 

                Il a juste centré son intervention sur ce qui est accepté par l’ensemble du peuple français depuis déjà des années : Le PENDULE GAUCHE-DROITE ne fonctionne plus, il n’envoûte plus, il n’hypnotise plus, il n’entraîne plus ... personne ! 

                Ce qui manque à monsieur MACRON, manque à l’ensemble des politiciens français qui sont actuellement en poste, ou qui affichent leur ambition, ou qui sont embusqués, ou qui sont en devenir ou qui se la coulent douce... Personne ne dit ce qui intéresse les Français et personne n’a le courage d’afficher le programme qui intéresserait les Français ! Monsieur MACRON apprenti sorcier qui veut jouer l’électron libre, dit alors que la République Gauche-Droite de Di Goule-Mitterrand n’est plus mais ne sait pas ce qu’il faut faire des « restes » ... Il veut « rassembler » ? Mais ce mot tellement utilisé par n’importe qui, n’importe comment à toutes les occasion et par tous les « candidats », est devenu sans substance, il ne veut rien dire ! 

                Alors si vous voulez vraiment que 2017 soit utile, vous connaissez ma position et mon programme ! « »




                • Charles-Pierre Halary Charles-Pierre Halary 14 septembre 2016 08:43

                  Excellent article. Emmanuel Macron représente une réelle alternative au PS actuel. Comme Rocard il y a vingt ans. Le critiquer sur son passé de banquier est absurde pour le discréditer à gauche car le père spirituel de l’aile gauche du PS Henri Emmanuelli, comme l’explique fort bien l’auteur, est un ancien haut responsable de Rotschild et a joué un rôle majeur dans la carrière « de gauche » de Benoît Hamon. La banque est une école d epouvoir pour diriger un gouvernement et non pas un poste de conseiller général de département. Le problème de Hollande est sa perte absolue de crédibilité chez les siens. Ce qui va entraîner en 2017 un fort déséquilibre en faveur de la droite et de l’extrême droite. Au point que comme dans certaines régions clefs (Nord et PACA), la gauche a disparu. La droite va certainement gagner avec Juppé mais sera confrontée à une absence de gauche, donc sera entraînée par l’extrême droite. Ce qui n’est pas de nature à équilibrer un pays en plein marasme économique. Par contre avec Macron, un centriste de gauche, le mystère de ses soutiens et de sa volonté persiste.


                  • orlive orlive 10 juin 2017 14:38

                    Bonjour Charles,
                    je profite de ce site pour te dire ceci :
                    cela fait des années que je cherche à reprendre contact avec toi.
                    Mon nom ? Olivier ROUSSEL (depuis très longtemps...)
                    Mon E-Mail ; [email protected]
                    Cela me ferait un énorme plaisir d’avoir de tes nouvelles.

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